DIMANCHE 19 JUILLET 2009
JEREMIE 23, 1 – 6
MARC 6, 30 - 34
Introduction : le Seigneur a un troupeau depuis longtemps déjà, un troupeau qui vit de biens difficiles moments dans notre première lecture. Dans la seconde, rien n’a vraiment changé mais des évènements vont survenir qui transformeront sa vie. Qu’advient-il de lui dans l’histoire jusqu’à nos jours ? Les trois textes que nous avons lus vont mettre les projecteurs sur la réalisation de la promesse divine et chacun conduit sur le chemin de la liberté. Ce temps d’été, de vacance et de repos, temps privilégié, temps spécial de liberté , n’est-ce le temps, le temps propice pour user de notre liberté d’une autre façon peut-être ? Suivons donc le troupeau de Dieu pour répondre à cette question.
1) le troupeau dans le 1er Testament : tout d’abord, revenons dans les années 580 avant notre ère. Le troupeau du Seigneur, c'est-à-dire le peuple d’Israël, un peuple à l’écart de tous les autres peuples, un peuple enfermé dans un enclos dont le mur est fait de pierres de lois, 613 pierres contre lesquelles le troupeau bute sans cesse. D’autre part ce malheureux troupeau vit un cauchemar :
- ses bergers sont d’une incompétence crasse: c’est le moins que l’on puisse dire des successeurs de Josias, accrochés à leur trône et prêts à tout pour le garder. Le Royaume du Nord n’est plus et sa population en grande partie déportée à Babylone ; le Royaume du Sud est franchement mal en point et les décisions prises au plus haut niveau conduisent tout droit à la destruction de Jérusalem et de son temple, et à la déportation de l’élite du peuple. Un pays ravagé, des familles déchirées et endeuillées, éclatées par les déplacements de population. Jérémie décrit une situation bien réelle : les bergers ont perdu et dispersé le troupeau et le Seigneur va prendre les choses en main.
- la décision du Seigneur : il suscite des paroles à Jérémie qui vont lui attirer les foudres de tous, présents ou au loin ; il doit écrire aux familles, aux responsables pour leur demander de s’installer en Babylonie, d’y procréer, d’y vivre et d’y vivre heureux, car ils vont y rester 70 ans.
- quelle fut la réponse du troupeau ? Il a refusé les instructions du Seigneur et s’est carrément retourné contre son serviteur, Jérémie, qui finit par croupir dans une citerne. Jérémie après bien des avatars, s’exilera en Egypte où il sera assassiné par des coreligionnaires mécontents.
C’est pourtant à ce troupeau là que le Seigneur promet une vie nouvelle et bonne et un berger extraordinaire qui agira dans le pays selon l’équité et la justice.
2) le troupeau au 1er siècle : qu’en était-il du temps de Jésus ? où en était ce « troupeau », peuple d’Israël, peuple élu du Seigneur ?
- les foules : Marc nous dit que les foules étaient comme des moutons sans berger, ce qui remue Jésus jusqu’au plus profond de ses entrailles. La caste sacerdotale dirigeante des saducéens, les fondamentalistes pharisiens n’ont que mépris pour tous ceux qui ne sont pas de leur milieu. Dans les hautes sphères, ce ne sont que complots pour le pouvoir et l’argent ; le parvis du temple est le désolant spectacle d’un grand marché où certains s’enrichissent, où pharisiens et saducéens polémiquent à grands cris en vociférant les uns contre les autres à grands coups de citations bibliques ou rabbiniques. Le Seigneur ? Il prend soin de lui le Seigneur… nous, ses représentants, nous prenons tout le reste…
- Le petit peuple a beau fréquenter les synagogues, célébrer les grandes fêtes traditionnelles et monter régulièrement au Temple de Jérusalem, il bute toujours dans le même mur derrière lequel il est enfermé ; d’autre part, il est peu instruit et sa vie ressemble à celle de tous ceux qui se trouvent au bas de l’échelle : du travail, beaucoup de travail, des impôts, beaucoup trop d’impôts, des mercenaires romains irascibles qui maltraitent et massacrent ; et la vie de tous les jours dans un monde oriental avec ses hauts et ses bas, plutôt d’ailleurs des bas que des hauts. Quant aux femmes … elles n’ont la valeur que des enfants et du travail qu’elles peuvent donner. Des moutons sans berger…
- pourtant, le Seigneur l’a promis, viendra un jour … et voilà que ce jour est là ! Jésus, enseigne, guéri, exorcise et annonce la venue toute proche du règne de Dieu. Et il envoie même ses apôtres, comme une extension à sa propre action vers les malheureux, les délaissés, vers le troupeau sans berger. Il est exorcisé, il est oints d’huile et guéri ; il estaussi enseigné, avec autorité et compassion.
- les apôtres : les apôtres viennent dès le premier verset de notre lecture rapporter tout ce qu’ils ont fait pendant cette mission où, deux par deux, ils ont parcouru les villages en faisant tout ce que Jésus leur avait demandé. Imaginez-vous dans une cité orientale où tout se voit, tout se sait, tout se dit, (on ne parle pas sans raison du téléphone arabe) : il était paralysé et il marche ! il était aveugle et il voit ! il était muet et il parle ! et bien d’autres guérisons encore. Et si celui qui les envoie était celui que nous attendons ? Les gens se rassemblent en foules bigarrées et se mettent à la recherche de cet homme extraordinaire dont les envoyés, deux par deux, leur ont parlé.
Quelle joie pour les apôtres d’accomplir de tels miracles ! Comment pourraient-ils prendre une pause quand, pendant ce temps là, justement, ils pourraient chasser un démon ou guérir un malade ? Ils sont cernés par les demandeurs, suivis par les curieux, et de bouche à oreille, la nouvelle enfle et autour d’eux, la foule grossit. Quand ils reviennent vers Jésus, ils sont exténués, d’enthousiasme et de fatigue. Et peut-être aussi d’inquiétude car ils ont appris le sort réservé à Jean-Baptiste, que Marc situe juste entre l’envoi en mission et notre récit. Celui-ci était un juste, n’a –t-il pas baptisé le maître ? Et pourtant, il est mort dans de sauvages conditions, assassiné par un pervers aveuglé par la beauté d’une femme. Que de sentiments entremêlés dans leur cœur et leur esprit !
Alors Jésus, qui les connait, qui les connait « par cœur » si j’ose cette métaphore, leur propose un répit, un temps de pause dans un lieu désert : « venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu ; car beaucoup de personnes allaient et venaient et ils n’avaient même pas le temps de manger ».
Voilà où en était le troupeau du Seigneur : un berger, enseignant et guérisseur qui parle avec autorité et ne cesse d’être saisi aux entrailles par la misère de ses frères, des apôtres qui, eux aussi, font des miracles, et le gros du troupeau qui s’agglutine autour d’eux pour essayer de tirer à lui la couverture, pour obtenir une guérison, et pour certains, déjà, pour entendre une parole, une parole qui va transformer radicalement leur vie. Souvenez-vous de ce petit homme perché dans son arbre et de l’appel qu’il reçoit : « hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison ». il s’appelait Zachée…
Déjà nous discernons un changement important : dans le troupeau, le berger appelle les brebis par leur nom, ce n’est pas plus un troupeau où l’on vit dans l’anonymat, ses acolytes se dépensent sans compter au détriment de leur propre vie et l’on pourrait dire que tous les autres voient déjà le bout du chemin… de souffrance vécu depuis si longtemps.
- Alors des évènements vont changer la face du monde et la situation du troupeau de Dieu : une croix … un homme sur cette croix … les apôtres … perdus et anéantis…car le troupeau qui n’a pas changé, s’est encore une fois retourné tout entier contre le prophète qui voulait le guider… et puis, et puis … ! L’homme est ressuscité, il monte aux cieux, il envoie l’Esprit saint. Un changement majeur va faire du troupeau séparé du reste du monde, un troupeau universel : l’épître aux Ephésiens explique ce qui est arrivé : un homme nouveau est né qui a accès auprès de Dieu par Jésus-Christ. Car le troupeau du temps de Jérémie et les foules du temps de Jésus vivaient isolés dans la Loi, et les bergers se servaient de cette même loi à leur profit au détriment de leurs frères. Le temps est venu pour le berger de rassembler son troupeau : « il a réduit à rien la loi avec ses commandements et leurs prescriptions, pour créer en lui, avec les deux, un seul homme nouveau, en faisant la paix, et pour réconcilier avec Dieu les deux en un seul corps, par la croix, en tuant par elle l’hostilité ».
Certains parmi le troupeau d’Israël rejoindront ce troupeau nouveau où chaque brebis devient unr et unique devant Dieu en Christ. Le mur de séparation est tombé, les commandements, la loi sont accomplis; chacun, chacune, réunie à toutes les autres, devient un homme nouveau, et si l’on parle encore de pierre pour le troupeau, ce ne sont plus celles contre lesquelles il butait, qui le tenait enfermé en captivité, mais parce que l’homme nouveau devient lui-même une pierre vivante.
Et voilà que de gardée, la brebis devient gardienne, le troupeau devient temple, temple vivant construit avec des pierres vivantes. Le troupeau devient vigne où le Père est le vigneron, le Fils le cep et les croyants les sarments ; le troupeau devient corps dont Jésus est la tête et les croyants les membres ; le troupeau devient Eglise dont Dietrich Bonhoeffer disait : « l’Eglise parle de merveille parce qu’elle parle de Dieu, de l’éternité dans le temps, de la vie dans la mort, de l’amour dans la haine, du pardon dans le péché, du salut dans la souffrance, de l’espérance dans le désespoir ».
Conclusion : Le troupeau du Seigneur vit aujourd'hui la réalisation de la promesse ; NOUS vivons aujourd'hui la réalisation de la promesse, nous les brebis du troupeau, nous ne butons plus sur des murs. Que ferons-nous donc de cette liberté nouvelle ? Dieu me libère, mais pour faire quoi ? L’homme nouveau, l’Eglise tout entière, est serviteur comme son berger le fût. Mets-toi au service de tes frères, de tous tes frères. Car pour le chrétien la liberté n’est pas une fin en soi. Elle doit être mise au service de l’autre. C’est la le paradoxe de la liberté chrétienne : au moment même où nous devenons libres, nous choisissons d’offrir cette liberté. Martin Luther disait : « le chrétien est un libre Seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout en chacun. »
A quoi bon, alors, avoir fait le chemin pour sortir de nos asservissements si c’est pour se retrouver à la fin serviteur ?
La différence est considérable ! Entre celui qui souffre de ne pas avoir de liberté et celui qui au contraire a tellement de liberté qu’il peut se permettre de se donner à son prochain, c’est la nuit et le jour. Car l’amour de Dieu est passé par là.
Terminons donc avec le psaume 23 paraphrasé par Antoine Nouis :
Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien.
Le Seigneur est mon repos, il me fait reposer dans de verts pâturages.
Le Seigneur est ma paix, il me conduit près des eaux paisibles.
Le Seigneur est ma consolation, il restaure mon âme.
Le Seigneur est mon chemin, il me conduit sur les sentiers de la justice..
Le Seigneur est ma confiance, quand je marche dans une vallée d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi.
Le Seigneur est mon soutien, ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort.
Le Seigneur est mon ami, tu dresses devant moi une table, face à mes adversaires.
Le Seigneur est ma victoire, tu parfumes d’huile ma tête, et ma coupe déborde.
Le Seigneur est mon allégresse, oui, le bonheur et la grâce m’accompagnent tous les jours de ma vie.
Le Seigneur est mon espérance, Seigneur, je reviendrai dans ta maison, aussi longtemps que je vivrai.