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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 09:52
1 CORINTHIENS 12 uni, unité
1 SAMUEL 03 me voici
1 SAMUEL 16 un regard à prisme
1 SAMUEL 3 Samuel, Samuel…
EXODE 19 sur les ailes de l'aigle
JEAN 04 la samaritaine
JEAN 20 la paix soit avec vous
JEAN 20, 01 - 10 du vide au plein
JEAN 20, 19 - 31 espérance
LUC 01, 39 - 56 Marie
LUC 02, 22 - 40 Anne la prophétesse
LUC 13, 01 - 09 pourquoi ?
LUC 14, 01 - 06 préjugés
LUC 15, 01 - 2, 11 - 32 un père avait deux fils…
LUC 21, 05 - 19 un temple ?
MARC 02, 01 - 12  
MARC 04, 26 - 34 de l'inespoir à l'espérance
MARC 04, 26 - 34 une semence et une graine
MARC 06, 01 - 06 ah ! La famille !
MARC 06, 07 - 13 envoi en mission d'après une prédication de Bettina Cottin
MARC 06, 30 - 34 un troupeau
MARC 07, 01 - 23 loi…
MARC 07, 01 - 23 moi, rabbin ashkenase orthodoxe ?
MARC 10, 35 - 45 il allait devant eux…
MARC 13, 24 - 32 fin du monde ?
Marc 13, 33 - 37 ophtalmologie pour Grégoire
MATTHIEU 01, 18 - 25 Joseph
MATTHIEU 02 carapace ou charpente ?
MATTHIEU 04, 01 - 11 le contrat de Faust
MATTHIEU 13 paraboles…(2)
MATTHIEU 13 paraboles…(1)
MATTHIEU 14 une pause… d'été
MATTHIEU 16 signes
MATTHIEU 16 et vous, qui dites-vous que je suis ?
MATTHIEU 21  ici Radio - Carcassonne
MATTHIEU 21, 28 - 32 inconstance ?
MATTHIEU 22, 34 - 40 commandements
MATTHIEU 24, 37 - 44 Viens, Seigneur Jésus !
MATTHIEU 28, 16 - 20 Dieu avec nous
PSAUME 119 le regard de Dieu
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17 novembre 2013 7 17 /11 /novembre /2013 18:42

CARCASSONNE

DIMANCHE 17 novembre 2013

EPHESIENS 2, 19 -22

            LUC 21, 5 - 19

               

Introduction : « mais qu’est-ce que c’est que ce binz ? » se serait exclamé un célèbre personnage du cinéma, après la lecture des textes proposés ce matin. En effet, cela m’a semblé quelque peu déroutant de voir découpler l’annonce de la destruction du temple par Jésus d’avec celle de la destruction de Jérusalem voire de  la venue du Fils de l'homme, la lecture proposée stoppant net après le verset 19. Parlons donc du temple.  Nous sommes en 2013, ce texte où un juif annonce à d’autres juifs la destruction d’un temple juif, fut-il le plus sacré, que me dit-il ? Faisons d’abord un bref rappel de ce que représentait le temple pour les juifs. Dans un deuxième temps, quelques des questions qui me trottent dans la tête. Elles vont nous déplacer vers un lieu étonnant. Et pour terminer, parce que c’est la vocation des Evangiles, nous écouterons la Bonne Nouvelle annoncée dans ce texte-là aussi.

 

1) Jésus, les juifs, ses disciples  et le temple. Commençons par le temple de Jérusalem. Il était le centre du culte juif ; et les romains ont appris à leur dépend à plusieurs reprises qu’il valait mieux éviter d’y toucher. Flavius Josèphe raconte que Pilate fit rentrer de nuit dans Jérusalem des images de l’empereur. Citadins et campagnards juifs firent cause commune (ça c’était exceptionnel)  et des émeutes éclatèrent. Ils firent ce que nous appellerions un « sitting de protestation » autour du palais de Pilate qui ordonna à ses soldats de les encercler ; il annonça que s’ils persistaient, il donnerait l’ordre de tous les égorger. Ce qui n’aurait pas déplu à la troupe de mercenaires syriens affectées à  Jérusalem qui détestaient cordialement les juifs : souvenons-nous de ce qu’ils ont fait à Jésus. Alors, les contestataires se jetèrent à terre et tendirent le cou en criant haut et fort qu’ils étaient prêts à mourir. Oui, le temple était le centre de leur vie, le centre de la vie de tout le monde juif, la source d’oxygène religieux et même économique indispensable et fondamentalement central pour eux. Alors, annoncer sa destruction prochaine relevait pour Jésus d’une provocation risquée, dangereusement tendancieuse, accentuée par des annonces prophétiques calamiteuses, qui pourrait bien lui couter la vie, prédiction  avérée par la suite, nous le savons.

Et quand Luc rédige son évangile, les paroles de Jésus sont en parties réalisées : en 70, le temple a été détruit et les juifs, désormais, vont inaugurer un chemin ou l’enseignement des rabbins prendra le pas sur les rites et les sacrifices. Les chrétiens, qui continuaient de fréquenter, eux aussi, le temple, comme Jésus le faisait, sont désormais des parias pour les juifs ; la « prière de bénédiction des hérétiques », en fait, une malédiction, était prononcée tous les jours : « que les nazaréens et les hérétiques aillent sur l’heure à leur perte, qu’ils soient effacés du livre de vie et qu’ils ne soient pas mentionnés parmi les justes ». Ainsi, l’annonce de la destruction du temple et sa réalisation ont eu des conséquences réelles dans la vie de nos frères et sœurs chrétiens du 1er siècle, conséquences dans lesquelles on peut inclure les persécutions romaines.

 

2 ) des questions : et nous, en 2013, ici, en France,  qu’est-ce qui pourrait déclencher un sitting de protestation ? qu’est-ce qui fait « temple » pour nous ? une destruction est-elle programmée avec les persécutions annoncées par Jésus ? et si cela était en cours ? Marie-Odile Pasquier, pasteur, écrit : « Car, nous, ici même !  Ne vivons-nous pas ce que je qualifierais de « persécution molle » ? Aujourd’hui, il n’est pas dans l’air du temps d’être croyant. Encore moins d’être pratiquant ! D’afficher des valeurs explicitement évangéliques. Imaginez-vous vos enfants dire avec fierté : je ne viens pas avec toi à telle fête, je vais au caté ! Vous voyez vous expliquer à vos amis, sans embarras : non, je ne viendrai pas déjeuner ce dimanche ou pas avant telle heure : je vais au culte ! Nous sommes persécutés par ce que j’appellerais «l’air du temps ». Le rythme de vie effréné auquel nous sommes soumis, ou auquel nous nous soumettons nous-mêmes… comment trouver dans ce flot d’activités, toutes très enrichissantes, très passionnantes, toutes nécessaires à notre bien-être, un tout petit peu de temps pour Dieu ? Comment mettre dans nos priorités, en terme de temps, en terme de choix de vie, en terme d’investissement y compris financier, la simple survie de nos Eglises ? Acceptons-nous de laisser s’effondrer sans rien dire ce que tant d’autres ont maintenu [ou maintiennent encore aujourd’hui] dans la ferveur et au risque de leur vie ? » (fin de citation).

Le texte sur le temple et l’annonce de sa destruction, couché dans les Evangiles est destiné aux chrétiens de tous les temps, même si Luc ne le savait pas : il pourrait donc être un avertissement pour celui ou celle qui s’assoupit, c’est ainsi que le pasteur Pasquier l’a reçu.

Je crains de devoir lui donner raison. Assoupie, ramollie, amorphe, flasque, une espèce de S.E.C., syndrome d’épuisement chronique spirituel… les adjectifs ne manquent pas et chacun connait sa propre liste. Les juifs vaquaient à leurs occupations, le « petit peuple » anonyme se fondait dans le paysage politique et social, en silence. Pourtant, il s’est levé comme un seul homme dès qu’on a touché au temple. Et nous, à quel temple faut-il toucher pour que nous fassions corps et nous levions ensemble ? Nous aurions pu, ici, bifurquer vers une méditation sur tous les attachements forts, qui nous habitent à la limite du sacré pour nous,  mais le temps nous manque ; vous en aurez bien un peu dans la semaine pour suivre ce chemin de réflexion. Je préfère, maintenant, m’attacher à dire une formidable bonne nouvelle : celle que les Evangiles proclament.

 

3 ) une bonne nouvelle :  Pour nous, lecteur des Ecritures, le Temple, s’est déplacé de Jérusalem, lieu géographiquement situé sur une carte, vers un lieu immatériel, impossible à localiser avec exactitude : ce lieu, c’est l’Eglise. C’est ce que Paul nous rappelle dans l’épitre aux Ephésiens : « vous êtes construits ensemble pour être une habitation de Dieu » et Jésus Christ est la pierre angulaire de cette construction. Certes, elle est fragile, ses pierres parfois se désagrègent, certaines se détachent et tombent, au risque d’affaiblir les murs de soutien. MAIS, les Romains de tous bords d’aujourd'hui, sont impuissants à détruite un temple qu’ils ne peuvent, d’ailleurs, même pas concevoir : un temple fait de pierres vivantes, un temple dont le trésor ne se compte pas en milliards d’Euros, un temple à la fois visible et invisible qui est louange et qui rassemble dans le monde entier des pierres disséminées dans l’espace, certes, mais indissolublement soudées par un ciment imprégné d’un consolidateur indestructible et j’ose  le dire, plus résistant encore qu’une super glue extra forte : l’amour de Dieu en Christ que  l’Esprit perfuse goutte à goutte dans nos cœurs malades pour régénérer la force et la résistance des pierres, quasiment toutes endommagées. Un  traitement dont l’effet est visible. En avez-vous douté en vous regardant ce matin dans le miroir ? Pierre du temple de Dieu, il prend soin de toi ; les romains peuvent toujours essayer, ils ne t’auront pas. Magnifique bonne nouvelle !

 

Conclusion : Le temple de Jérusalem n’est plus ; pour nous, chrétiens, un autre temple, se dresse, inébranlable et pourtant tout en humanité et en faiblesse, et ça aussi c’est une bonne nouvelle. Ecoutez, en conclusion, ce qu’en dit Georges Bernanos : « comment expliquer cette bizarrerie que les plus qualifiés pour se scandaliser de ses défauts, des déformations ou même des difformités de l’Eglise visible – je veux dire les saints – soient précisément ceux qui ne s’en plaignent jamais ? Oh ! bien sûr, si le monde était le chef-d’œuvre d’un architecte soucieux de symétrie, ou d’un professeur de logique, d’un Dieu déiste en un mot, l’Eglise offrirait le spectacle de la perfection, de l’ordre, la sainteté y serait le premier privilège du commandement… Allons ! Voudriez-vous d’une Eglise telle que celle-ci ? Vous y sentiriez-vous à l’aise ? Laissez-moi rire, loin de vous y sentir à l’aise, vous resteriez au seuil de cette Congrégation de surhommes, tournant votre casquette entre les mains, comme un pauvre clochard à la porte du Ritz ou du Claridge. L’Eglise est une maison de famille, une maison paternelle, et il y a toujours du désordre dans ces maisons-là, les chaises ont parfois un pied de moins, les tables sont tachées d’encre et les pots de confiture se vident tout seuls dans les armoires… La maison de Dieu est une maison d’hommes et non de surhommes. » Amen.

Flavius Josèphe LA guerre juive 2, 169

Antoine Nouis un catéchisme protestant 4è édition page 598

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29 octobre 2013 2 29 /10 /octobre /2013 09:00

                                       Narbonne

                      Dimanche 27 novembre 2011

MARC 13, 33 - 37

1 CORINTHIENS 1, 3 - 9

MATTHIEU 28, 20

 

Introduction : « Voici, je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps »… Pour moi, la lecture de ce jour a été accompagnée, à chaque mot, de ces paroles de Jésus que nous trouvons dans l’Evangile de Matthieu. « Je suis avec vous… tous les jours… jusqu’à la fin des temps » et reconnaissez que ce n’est pas de trop, compte tenu des jours que nous vivons. A propos de ces jours, justement, voici un commentaire du site « la Bible on line » :  « Les Mayas l'ont prédit. Les historiens le confirment. Les scientifiques en parlent. Les codes secrets de la Bible l'annoncent. Les moteurs de recherche Internet s'emballent. 2012 sera l'année de tous les périls, et d'une grande anxiété. Le 21 décembre 2012, des catastrophes sont annoncées pour faire basculer le monde vers un autre – ou le néant. De toutes les voix qui s'élèvent sur cette question (les « pour », les « contre ») l'Église chrétienne demeure plutôt silencieuse. Est-elle gênée ? Cache-t-elle une information ? A-t-elle au moins une réponse à la peur provoquée par ces propos alarmistes ? Une espérance à offrir ? » Je viens de vous lire la quatrième de couverture d’un livre intitulé : « 2012 : la fin. Le silence des Eglises ». Je trouve franchement ahurissant qu’un site comme celui de la « Bible on line », où le livre est présenté, puisse interpeller ainsi l’Eglise sur un tel sujet. Car l’apocalypse attendue est-elle synonyme d’une fin du monde dans les affres des plus grandes horreurs ? et le chrétien doit-il être, avec l’Eglise, l’annonciateur de jours si terrifiants, que certains se ruinent pour construire des abris secrets farcis de provisions et d’armes pour s’en protéger et survivre ? Est-ce cela qu’enseignait Jésus ? Est-ce ce que Marc a voulu dire à ses contemporains ?

Je tenterai de répondre à ces questions à ma façon. Vous savez tous que, si je suis guérie de ma diplopie, je suis toujours atteinte d’une espèce de strabisme qui ne me permet de voir dans une bouteille déjà entamée, que la moitié du bas, celle qui est pleine. Et c’est dans cette optique, si j’ose dire, que je vous propose d’examiner le texte de Marc.

Nous parlerons dans un premier temps du contexte de notre lecture. Puis de l’attente chrétienne, d’abord comme un temps de confiance donnée, offerte par Dieu, et ensuite comme un temps de confiance reçue, accueillie par les disciples. Et pour finir, nous ferons un petit peu, un tout petit peu de grec juste pour… mais commençons par le contexte des versets que nous avons lus.

 

1) petite apocalypse : contexte : Notre lecture se situe à la fin du chapitre 13 de l’Evangile de Marc parfois appelé « la petite apocalypse ». Jésus annonce la destruction du temple de Jérusalem ce qui suscite de la part de ses disciples, une question au verset 4 : « quand cela arrivera-t-il et que sera le signe que tout cela va finir ? ».  Marc écrit à des chrétiens, peut-être romains ou habitant Antioche de Pysidie, chrétiens, encore liés au judaïsme comme leurs frères de Jérusalem. Nous sommes dans les années 60. Ce sont des gens simples. Ils vivent, depuis des années, si ce n’est des décennies, l’insupportable fardeau d’une persécution violente… Le soleil obscurci, la lune qui cesse de briller et des étoiles qui tombent du ciel au verset 24, par exemple, c’était pour eux, une description de ce qui attendait les dieux que les païens adoraient avec, en parallèle, le triomphe du Dieu unique sur l’idolâtrie ambiante. Ils n’avaient pas une compréhension littérale du texte de Marc.

Comme tous les évangélistes, Marc, quand il écrit, le fait pour encourager ses frères et sœurs chrétiens, dans les affres de la persécution, il veut affermir leur espérance, ancrer leur attente solidement dans les promesses divines et non les paralyser en leur annonçant des évènements sulfureux. Tous aspirent non à des évènements planétaires mais au retour d’une personne, le retour de leur maitre : Jésus, le Christ ressuscité, monté aux cieux, et qui a promis de revenir. Et nul, si ce n’est le père, ne sait le jour et l’heure. L’année peut-être  ? 1975 ? 2012 ? les « sinistrologues » se croient autorisés à prophétiser. Hélas ! même le site de la Bible on line rentre dans ce jeu malsain où l’attente de l’accomplissement de la promesse devient désir fébrile d’une fin du monde cataclysmique où tous ceux qui pensent autrement que soi seront éliminés. Nos contemporains font de ces textes une lecture littérale qui leur colle à la peau, lecture paranoïaque bien dans l’air de notre temps : catastrophe, violence, destruction… eux aussi sont atteints de strabisme. Il faut dire, que pour les soigner, on leur donne toujours en grande quantité des médicaments empoisonnés du type  « horreur dans ton village », « bain de sang chez tes voisins », « les riches plument les pauvres » etc. etc. Ils vivent des séances d’orthoptisme à forte dose qui forcent leur champ de vision, l’orientant uniquement sur une sinistrose qui conforte la maladie oculaire dont ils sont atteints pour le plus grand profit de ceux qui se font passer pour des médecins de l’âme.

 

2) l’attente chrétienne :

- confiance donnée. Il n’en est pas ainsi pour les disciples de Jésus. Pas de cataclysme en vue, pas de sombres attentes, pas de lugubres espérances. Comment pourrait-il en être autrement ? « Je suis avec vous, tous les jours… » impossible de se lamenter quand on est le destinataire d’une telle promesse. « Chacun à sa tache », dit le texte et le portier à son poste habituel : il est à la porte et il veille. Dans cette perspective, les disciples vivent, au jour le jour, dans la certitude de la confiance offerte par leur maitre ; son absence ne les empêche pas de vaquer à leurs occupations journalières, dans la  vigilance certes, mais la confiance de leur maître, parti au loin, les valorise et  le travail attribué à chacun devient une occupation gratifiante ; le pouvoir confié ne les asservit pas, mais au contraire,  les grandit. Aujourd'hui, le maitre m’offre sa confiance, et demain, et après-demain et… que dit mon planning ? 

Gérard Delteil écrit : «Le temps n’est plus où le maitre était là, où il prenait tout en charge, où sa présence assurait la vie. Il part, et les laisse seuls. Livrés à eux-mêmes. Avec toutes leurs questions. Avec  la déchirure et le vide que provoque son absence. Mais aussi le plus bouleversant : c’est par cette absence qu’ils vont devenir des hommes et des femmes adultes, libres et responsables. La disparition du maitre les éveille à leur pleine dimension humaine. (…) le Dieu de Jésus est un Dieu qui s’efface pour ouvrir devant nous l’espace de notre liberté. Le maitre s’en va. Et il leur confie tout ce qu’il a. Il leur donne tous ses pouvoirs. Toute leur vie désormais est sous le signe de cette confiance et de ce don (…) Evangile bouleversant de Jésus. Le Père s’efface pour nous confier toute sa création. Le Père s’efface pour que ses fils et ses filles deviennent adultes, pleinement humains, merveilleusement humains. Evangile du Dieu qui s’en va. » (fin de citation ). La confiance reçue ne les conduit pas dans une impasse ténébreuse et mortelle ; elle les booste, elle les fait grandir, elle élargit leur vie et leur vision de la vie.

- confiance reçue. Marc, ne donne pas la réponse des serviteurs au geste du maitre. Cette sereine et magnifique confiance, offerte, comment est-elle reçue ? Ses lecteurs, à travers les âges (mais il ne savait pas) réagiront à ce texte dans la diversité de leur époque, des dogmatiques enseignées ou tout simplement de leur personnalité. Et nous, comment répondons-nous à ce texte ? Car, il faut le dire, c’est nous, ici, aujourd'hui, qui le lisons et le faisons vivre à la lumière de notre lecture du XXIe siècle. L’un de nous, James Woody, pasteur au temple de l’Oratoire du Louvre témoigne : «  (…) notre Dieu, n’est pas le dieu du destin ou de la fatalité : c’est le Dieu de la promesse. (…) lorsque Dieu nous parle de notre avenir, il n’en parle pas comme de coups du sort qui vont nous tomber dessus. Dieu nous parle de l’avenir comme on décrit un horizon devant lequel on se trouve : Dieu nous dit que notre avenir n’est pas la somme des prédictions des climatologues, des économistes, des sociologues, des astrologues, des politologues, des coachs, instituts de sondages, des essayistes, des polémistes, ni de tous ceux qui ont un avis sur ce que sera demain. Dieu nous dit que notre avenir est d’abord ce que nous en ferons, qu’il est d’abord le fruit du regard que nous portons sur notre présent ; (…) La promesse de Dieu, ce n’est pas une prédiction sur l’avenir, mais la révélation de ce que nous sommes capables d’accomplir, d’ores et déjà, en nous laissant la liberté d’emprunter le chemin que nous voulons pour nous rendre vers cet horizon qu’il redéploye constamment devant nous. D’ailleurs, Dieu est tellement étranger à toute forme de fatalité, qu’il nous laisse même la liberté de ne rien faire de cet horizon ; il nous laisse même la liberté de le refuser, ou de n’en faire qu’un spectacle auquel nous serions tout à fait indifférents. Le Dieu de la promesse est ce Dieu qui ouvre des intervalles entre notre présent et notre futur pour que nous puissions remplir notre vie de ce qui est bon pour nous, de ce qui nous rend heureux, de ce qui favorise la vie » (fin de citation).  Accueillons-nous la confiance donnée dans une confiance reçue féconde,  créatrice, sereine dans la conviction inébranlable que chaque jour, rien n’est jamais joué, chaque jour, rien n’est jamais perdu. Aucune situation n’est sans issue. Pourrait-il en être autrement pour les collaborateurs du Dieu de la promesse, pour le champ que Dieu travaille, pour la construction qu’il édifie lui-même ? 

 

Conclusion  :

Et puisque nous sommes dans une apocalypse (aussi petite soit-elle), mot translitéré du grec, « apocalupsis », et que l’on traduit par « révélation », alors, « Gregoreuo »… dit le grec deux fois dans notre texte. Nous traduisons bien sûr, veillez ! (le premier « veillez » au verset 33, est un autre mot grec). Mais, j’aime assez la translitération de gregorueo : Grégoire, soyez des Grégoires, pourrait-on traduire. Un impératif que le maitre confirme : «  ce que je vous dis, je le dis à tous : gregoreuo »…

 

Ecoutez, en conclusion, cette histoire.

« Dans  le Talmud, Rabbi Josué ben Lévi demande à Elie  où se trouve le Messie. Ce dernier répond qu’il est aux portes de Rome.

- A quoi le reconnaitrai-je, demande le rabbi.

- Il se tient au milieu des miséreux atteints de toutes sortes de plaies, répond le prophète.

Rabbi Josué va donc à Rome pour rencontrer le Messie et l’interroger : « quand viendras-tu » ? Le Messie répond : aujourd’hui.

Rabbi Josué rentre chez lui et dit à Elie que le Messie lui a menti puisqu’il a affirmé qu’il viendrait le jour même et qu’il n’est pas venu.

Elie répond : il a voulu dire, aujourd’hui, si vous écoutez ma voix. » Le Messie vient chaque fois qu’un homme écoute la Torah et l’accueille comme une parole qui lui est intimement adressée. »

 

Voici, « je suis avec vous, chaque jour, jusqu’à la fin des temps… ».

Grégoire, mon frère, Grégoire, ma sœur, veilles-tu ?

Amen.

 

james woody oratoire du louvre 13/11/2011

L’aujourd'hui de l’Evangile. Page 400

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18 octobre 2013 5 18 /10 /octobre /2013 10:26

Carcassonne

                     DIMANCHE 15 novembre 2009

                               Daniel 12, 1 -3

                            HEBREUX 10, 11 - 18

                                           MARC 13, 24 – 32

 

 

Introduction : 2012 ! A la Nasa, paraît-il, ils sont obligés de rassurer tous ceux qui appellent, affolés. LA fin du monde est pour 2012 ! comme Hitchcock dans les années 30 avec son intervention radiophonique, voilà qu’à nouveau, une publicité, celle d’un film cette fois-ci suscite la panique. « En ces temps-là » lit-on dans Daniel,  «  ces jours-là » nous dit Marc … les Ecritures annoncent-elles la fin du monde ? la fin de notre monde, dans les années toutes proches à venir ? Il y a peu, encore, une connaissance qui fut longtemps dans un mouvement où l’on annonce à intervalle régulier la « fin du monde » me posait cette question : « tu as vu tout ce que nous vivons ? ne crois-tu pas que nous arrivons à la fin ?  Harmaguédon  est tout proche». Il faut dire qu’elle a vécu une expérience traumatisante qui 20 ans après, encore, la conduit à attendre, dans la peur, si ce n’est la terreur, la fin du monde. Alors, je lui dis ce que je vis, ce que nous vivons, l’amour incroyable, l’amour qui donne tout, l’amour qui ouvre toutes les portes de la grâce, l’amour parfait qui bannit la crainte. Les Ecritures nous offrent un message d’espérance et non un message destructeur : elles promettent que celui qui a offert un seul sacrifice pour les péchés est éternellement assis à la droite de Dieu, que la loi de Dieu sera inscrite dans les cœurs et les intelligences, que Dieu « ne se souviendra plus de leurs péchés et de leurs désordres » nous dit l’épître aux Hébreux. Si nous y trouvons sujets de crainte, de peur et même d’effroi, alors notre lecture est une compréhension déviante qui n’est pas celle que nos frères chrétiens du 1er siècle avaient. Les textes d’aujourd'hui veulent nous faire avancer dans l’espérance, la paix, la joie, l’amour comme tous les autres ; ils sont là pour nous mobiliser vers un seul but : accueillir l’amour de Dieu et aimer en retour tous ceux que nous rencontrons car ce que le texte promet, c’est qu’il y a une issue et que nous pouvons y être associés.« la Parole du Seigneur ne nous guide pas d’abord vers la fin des temps, mais vers ce temps-ci, là où nous sommes maintenant. »écrit Jean Marc Kieffer. Alors comment réagir à la lecture de nos textes ?

 

1) Contexte :

       

- Marc a probablement écrit son évangile peu avant ou peu après la destruction de Jérusalem, c’est dire que nous sommes avec lui dans des temps troublés et difficiles particulièrement pour les communautés juives et chrétiennes qui ne vont pas tarder à se prendre en haine mutuelle. N’oublions pas le but recherché par Marc dans ses écrits : il voulait faire passer un message de salut, une bonne nouvelle concernant Jésus à une communauté non juive et certainement dans de grandes difficultés, des persécutions peut-être. Son style direct, ses explications, ses images tendent à un seul but : faire comprendre à ses lecteurs ce qui signifie pour eux la mort de Jésus.Aussi prend-il le temps d’examiner longuement la réponse à la question que les disciples posèrent à Jésus lorsqu’il annonce la destruction du temple de Jérusalem : « Dis-nous quand cela arrivera-t-il et quel sera le signe de la fin de toutes ces choses ? ».

 

- l’apocalyptique :  Il le fait dans un style littéraire très particulier, bien connu à son époque : un style apocalyptique. Prenant des situations de son temps, de son monde, de sa culture, l’auteur élargit son message vers l’univers entier, et dans un temps plus ou moins proche. Ainsi, pour Marc, il commence par parler de ce qui touche Jésus et son monde : la destruction du Temple à Jérusalem, puis élargit peu à peu les signes annonciateurs au monde des chrétiens. Ceux-ci, se souvenant des paroles de Jésus vont rapidement croire que ce qui se passe autour d’eux va se produire dans le monde entier. En effet, « l’apocalyptique a pour objet, entre autres, de déplacer le centre de vie personnelle ou communautaire du lieu où l’on est, de l’histoire dans le temps où l’on est, vers un espace et un temps qui n’ont pas de limites et qui sont donc des lieux et le temps de Dieu ». Dieu est le maître de toutes les nations, et même de la lune et du soleil !

 

2) une bonne nouvelle : certains, aujourd'hui encore, profitent de la peur qu’engendrent des évènements conflictuels ou naturels, pour annoncer à tout-va « la fin du monde » ! et confondant allègrement la Parole de Dieu et leurs paroles d’hommes, ils attirent à eux, surtout, les comptes en banque de ceux qui les écoutent que ce soit en gros chèques ou en petites sommes répétées mais nombreuses comme chez les Témoins de Jéhovah par exemple. Quel contresens ! Marc voulait réconforter, encourager ses frères à rester vigilants et s’il a écrit ces lignes-là, il savait qu’elles ne seraient pas lues ni comprises comme une débâcle universelle. Il annonçait l’évangile, une bonne nouvelle, le message de salut que Jésus offre à tous. Le Fils de l’homme va venir sur les nuées, victorieux, pour réaliser enfin la promesse du Père. Il est venu nous pour juger, mais pour sauver. Victoire, délivrance, salut, voilà ce qu’attendaient nos frères du 1er siècle. « Le temps leur est donné comme un temps d’espérance, un temps tourné vers l’avant. Il y a quelqu’un à attendre. A tout moment il peut surgir. Quand ? Comment ? Personne ne le sait. La foi n’est pas une manière de savoir ce que d’autres ne sauraient pas. C’est une manière d’attendre, d’espérer. A tout moment, la porte peut s’ouvrir, et l’imprévisible arriver. Comme dans les récits de Pâques où le ressuscité surgit par surprise. N’importe quand. N’importe comment. Alors chaque instant prend une valeur nouvelle. Parce qu’à chaque instant, il peut surgir et nous faire signe. Derrière chaque rencontre. Le Dieu qui s’en va et aussi le Dieu à venir. Chaque instant – l’instant même que nous vivons ici – peut devenir l’instant de cette rencontre ».

 

3) exhortation : veillez – priez- agissez :

Alors, comment ne pas souhaiter que chaque instant soit celui-là ? Comment appréhender et actualiser ce que Marc a écrit ? « Veillez, dit-il, car vous ne savez quand ce sera le moment ». « Veillez, c’est résister à la fatigue, à l’engourdissement, au sommeil. C’est rester en alerte, capter ce qui se passe. C’est aussi discerner ce qui vient, anticiper. (…) Jésus ne nous a pas dit de façon précise comment nous devions veiller, et ce que nous devions faire pendant cette veille. Il nous a donné une orientation, une certaine manière de se tenir dans la vie. Il fait appel à notre liberté. A chacun, à chacune de nos communautés d’interpréter quelles formes prendra cette vigilance.

Peut-être une forme de résistance contre tout ce qui fait violence à des êtres humains : le racisme, l’exclusion, la torture.

Peut-être une vigilance de prière, car la prière est une manière de retourner à la source, et de garder vive cette source en nous-mêmes et avec d’autres.

Peut-être sera-ce le désir de communiquer à d’autres la parole qui nous fait vivre : en famille ou dans l’espace public, et d’allumer ainsi dans la nuit environnante quelques feux de joie. »

« Pour le prophète Daniel, comme pour Jésus, la précipitation d’évènements tragiques les amènes à anticiper sur le dénouement ou le jugement de l’histoire. Pour le prophète, il s’agit d’exil et de déportation d’une grande partie de son peuple à Babylone. Pour Jésus, c’est l’imminence de son arrestation, de sa condamnation et de sa crucifixion qui l’autorise à utiliser ce langage d’urgence pour essayer de réveiller ses proches. Pour l’un et l’autre, en effet, c’est une invitation au réveil face à l’accablement de évènements et de l’histoire. « Veillez, car vous ne savez quand cela arrivera » dit Jésus.

 

Conclusion : « Ne nous trompons pas sur le sens réel des propos prophétiques de la Bible. Ce ne sont ni des énigmes à la Nostradamus, ni des prédictions à la manière des sectes, mais une parole de Dieu qui élève l’homme à la dignité et à la responsabilité. (….) ils cherchent à provoquer en nous lucidité, solidarité et confiance. »Inutile de tirer des plans sur la comète, seul le Père connait le jour et l’heure. Marc, tout simplement, comme pour ses frères du 1er siècle, nous entraîne, nous, chrétiens du 21ème siècle, dans un temps d’espérance, une espérance non point passive mais active : nous devons être prêts et veiller. Voici comment Antoine Nouis écrit dans « l’aujourd'hui de l’Evangile » l’écrit:

 « Un sage a l’habitude de dire : repens-toi de tes péchés au moins un jour avant ta mort.

Un des ses disciples lui demande : Comment peut-on savoir quel est ce jour ?

Le sage répond : Précisément, on ne peut le connaître, c’est pourquoi il faut se repentir tout de suite.

Ensuite le sage interroge ses disciples : Que feriez-vous si vous aviez la certitude que ce soir vous allez mourir ?

Le premier répond :  J’irais embrasser les miens.

Le second : Je planterais un arbre.

Le troisième : J’irais me réconcilier avec mes ennemis.

Le quatrième : J’achèterais un énorme bouquet de fleurs.

Le cinquième : Je passerais l’après-midi en prière.

Le sage conclut en disant :  Ce que vous feriez alors, faites-le tout de suite. »

 

Jean Marc Ventre p9

Jean Marc Kieffer p4

N.B.S. p 1295 - 1297

FPF Jean Marc Kieffet (p5)

FPf Gérard Delteil (p2)

FPF p 27

Antoine Nouis l’aujourd'hui de l’Evangile p396ss

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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 21:55

Carcassonne

                     DIMANCHE 18   octobre  2009

                               ESAIE 53, 10-11

                            HEBREUX 4, 14 –16

                                           MARC 10, 35 – 45

 

Introduction : Que de questions soulevées dans notre lecture ! Que de sujets proposés à notre méditation. La peur, le désir de gloire et de pouvoir, la jalousie, le regard qui place l’autre plus bas que soi, les magouilles pour arriver à la meilleure place… chez Matthieu, c’est la mère de Jacques et Jean qui est déléguée pour poser la question. Des hommes tournés sur eux-mêmes, centrés sur leurs peurs et leurs désirs, dans l’incompréhension et probablement le refus inconscient de ce que leur Maitre a déjà annoncé deux fois chez Marc : le Messie ne peut pas souffrir !le Messie ne peut pas finir mort ! Le Messie ne peut pas perdre, il finira bien par l’emporter … le Messie c’est le vainqueur de Dieu, celui qui apporte la victoire, l’honneur et le meilleur de tout ce que l’on désire. Marc nous dit, et vous savez combien il est précis et soigneux dans ces choix épistolaires, il nous dit que « Jésus allait devant eux ». Et je crois que c’est là sa place : il est devant, il ouvre le chemin, même celui de la souffrance avec la croix déjà en perspective chez Marc. Dans l’épître aux Hébreux, nous le retrouvons là où il a promis d’être : grand prêtre immaculé, il a traversé les cieux et nous sommes invités à nous avancer avec pleine assurance vers le trône de grâce. Comme le chemin sera long pour les apôtres entre le Fils de l’homme annonçant sa passion et le Fils de Dieu intronisé dans sa gloire… Et le comble, n’est-ce pas ces deux brigands, à sa droite et à sa gauche, quand il est sur la croix ?

 

1 la faiblesse des hommes

« Il allait devant eux ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu'ils ont du culot, ces deux hommes, qui traînaient pourtant derrière avec les autres, ces deux hommes qui, l’air de rien, demandent à Jésus la gloire et le pouvoir ! «Donne-nous de nous asseoir l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire »… et Marc vient de préciser « qu’ils étaient effrayés et que ceux qui suivaient Jésus avaient peur ». Pensent-ils alors pouvoir être à l’abri ainsi postés ? Et de quoi avaient-ils donc peur ? Revenons deux mille ans en arrière. De braves gars, pas très éduqués, vivant dans un monde où la superstition est partout, où l’on voit des démons plein la mer sur laquelle ils pêchaient, où tout peut. devenir sujet d’effroi… mettons-nous un peu à leur place ! Dans les versets qui précèdent ceux que nous avons lus, Jésus avait déjà annoncé deux fois sa passion, et à ceux qui le suivaient, après une question de Pierre, il répond que ceux qui abandonnent tout pour lui recevront beaucoup dans ce monde mais aussi des persécutions… tout cela chauffait dans leur tête et dans leur cœur… il le tournait aussi dans tous les sens… ce riche qui n’entrera pas dans le Royaume et cette histoire de trou d’aiguille… Le langage de la croix est tellement difficile à comprendre. Ils ne savent plus où ils en sont. Peut-être se mettent-ils aussi à compter tout ce qu’eux mêmes ont abandonné pour suivre Jésus… alors là il y a de quoi avoir des sueurs froides. Et Jésus en rajoute une couche : « le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort, le livreront aux non–Juifs, se moqueront de lui, lui cracheront dessus, le fouetteront et le tueront ; et trois jours après il se relèvera ». Oui, ils avaient peur et pour conjurer cette peur, Jacques et Jean ont une idée géniale : « donne-nous d’être l’un à ta droite et l’autre à ta gauche quand tu seras dans ta gloire ». Jésus ne les reprend pas, il lit dans leur cœur leur peur, leur angoisse ; il cherche seulement à leur faire comprendre. C’est d’ailleurs l’habitude dans cet évangile qui, après chaque annonce de la passion nous montre les disciples dans « le brouillard », ils ne comprennent pas, enfermés dans leur propre conception du ministère de Jésus. Et Jésus les enseigne pour leur ouvrir la voie de la connaissance de Dieu, de sa volonté, de ce qu'il attend des hommes. « Vous ne savez pas ce que vous demandez, leur dit-il. La coupe que je vais boire, pouvez-vous la boire ? » Et dans leur inconscience, ils ne doutent de vraiment de rien, Jacques et Jean répondent : « Oui, nous le pouvons ».

Les dix autres apôtres n’en reviennent pas. Ils en ont du culot ces deux-là ! Jésus n’a qu’une droite et une gauche et s’ils y sont, où serons-nous nous alors ? Nous valons autant qu’eux et nous aussi, nous méritons bien cette distinction… nous pourrions en dire des tonnes avec ce qu’ils ont sur le cœur. Eux aussi ont peur, pour les même raisons déjà invoquées, et dans la peur, qui sait ce que l’on peut faire, qui sait jusqu’où l’on peut aller ?

Comme ils nous ressemblent ces hommes qui traînent les pieds, à bonne distance derrière Jésus quand ils sont troublés, puis qui se bousculent pour être à la meilleure place :  ainsi va notre humanité. Les disciples deviennent l’image même de ce que nous sommes. Leurs échecs et leurs incompréhensions caractérisent les modèles des générations futures de disciples qui, comme nous, seront souvent si ce n’est toujours, un peu lents à comprendre le message  radical de Jésus

 

2 l’enseignement du maître

Jésus allait devant eux. Alors il les appelle, et pour désamorcer le conflit, il va leur proposer de regarder les choses différemment. Il va poser des jalons inattendus sur leur chemin, inattendus pour eux malgré tout ce qu’ils ont déjà vécu avec lui ; il balaye en quelques mots les spéculations, les ambitions de ceux qui sont appelés à devenir les fondements de l’Eglise ; il inverse les critères de la réussite à son époque  mais ceux de la nôtre aussi : position sociale, contenu du compte en banque, grandeur de la voiture, de la maison ou de la piscine, standing de vie, position de direction… Il s’était déjà identifié à un enfant ; le voilà maintenant en serviteur. Il brise l’image idéale que les apôtres pouvaient se faire de lui. Vous voulez être les plus grands, les plus forts et moi je vous dis : « quiconque veut être grand parmi vous sera votre serviteur (gr : diakonos), et quiconque veut être le premier sera l’esclave (gr : doulos) de tous »… Un pavé dans la mare… Pas le trône mais le tablier. Pas la couronne mais le balai. Pas l’autoritarisme mais le service. Pas l’enrichissement mais la pauvreté. Et pour servir non seulement les amis ou quelques privilégiés du système mais tous, sans nulle discrimination.

Dans mon Eglise, pas de supérieurs qui exercent leur autorité sur des subordonnés, pas de bataille pour le pouvoir,  bien au contraire : devenez les plus petits, accueillez les faibles, les malades, les prisonniers, les démunis ; servez-les dans l’amour et la grâce. Je n’aborderai pas la multitude de possibilités qu’ouvre ce service. Nous sommes ici en plein dans les préoccupations du prochain synode régional : pensons au titre proposé à notre méditation : « Solidaires au nom de Jésus-Christ ; quand l’Eglise reconnait sa vocation diaconale ». Si vous ne l’avez encore fait, vous pouvez consulter le document préparatoire qui est je crois sur le site de la paroisse. Servir, chacun de nous connait ses potentialités et aussi ses faiblesses..

 

3 un grand prêtre qui nous ouvre le chemin

Jésus allait devant eux. Jésus marche devant nous. Il n’est seulement une figure du passé, il est une figure de notre présent, il est encore une figure de notre avenir. il nous précède en toutes choses. Il a vécu, il est mort, il est ressuscité. Il est vivant, en marche avec nous, tous les jours. Tous les jours, comme il l’a fait avec les apôtres, il peut nous surprendre, nous dérouter, nous déplacer … c’est toujours pour nous garder sur le chemin qu’il nous a tracé. L’épître aux Hébreux nous dit : « nous avons un grand prêtre qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu… il n’est pas insensible à notre faiblesse… il a été soumis à des épreuves en tous points semblables… approchons-nous avec assurance du trône de la grâce »… Car le chemin qu’il a ouvert, c’est celui du libre accès à Dieu, un chemin qui nous élève jusqu’à Dieu. Et ce grand prêtre qui intercède pour nous n’est pas loin de chacun de nous, par sa condition humaine, il est avec nous, nous précédant sur le chemin du service. Vous avez fait la magnifique expérience à Carcassonne, de l’incroyable, de l’inattendu, de la richesse du service… que le Grand prêtre déverse sur ceux qui se font les serviteurs de leurs frères… un aumônier, des prisonniers et maintenant une immense fraternité avec nos frères et sœurs espagnols. Je connais un peu cette histoire là et il y en a tant d’autres encore. C’est l’histoire du service dans  la grâce ; chacun l’écrit avec sa propre vie.

 

Conclusion : Concluons avec quelques mots de Michel Bouttier extraits de son livre : « Quêtes et requêtes » :

« Tu marches devant, je ne vois que ton dos. Tu me précèdes, je te suis. Tu es seul à dévisager la ville qui tue les prophètes. On n’aperçoit ni ta face, ni ton regard, tournés vers là-bas. Tout à coup, tu sens comme un vide derrière toi ; n’y aurait-il plus personne ? Non, plus personne. Nos jambes sont paralysées ; l’effroi nous a saisis. Alors Tu te retournes, et viens à nouveau nous redire ce que Tu ne cesses de répéter et que nous ne pouvons jamais admettre : le Fils de l’homme va être livré, on l’outragera, on lui crachera au visage, on le fera mourir, et le troisième jour il ressuscitera.

Tu marches devant. Je ne vois que ton dos. Je ne sais où Tu nous mènes, quelle sera notre mort ou comment nous rencontrerons la croix.

Il faut que le Fils de l’homme… à Dieu ne plaise, cela ne t’arrivera point, Seigneur ! Le malin pousse ses vrilles ; il insémine en mon cœur le ver qui suce chaque élan de foi ; il dresse à mes côtés la silhouette persifleuse de mon double ; il me communique cette trouille panique de perdre ma vie.

Tu marches devant. Je te suis. Tu es mon Maître.

Le crucifié avec qui j’ai été crucifié.

Le ressuscité avec qui j’avance sur la terre des vivants. »

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 22:07

CARCASSONNE

 

DIMANCHE 2 SEPTEMBRE 2012

 

DEUTERONOME 4, 1 – 8

MARC 7, 1 – 23 

 

Introduction : Zippporah Zederbaum,  née en Roumanie, a épousé Isaac Zederbaum il y a neuf ans à Tel-Aviv. Un bien mauvais mari, qui ne lui donnait pas d’argent et l’abandonna plus tard pour une jeune Yéménite qu’il abandonna aussi pour partir chercher fortune aux Etats-Unis, où il trouva la mort dans un accident d’autocar. Elle avait le certificat de mariage juif, le certificat de décès signé par un rabbin américain et légalisé, son acte de naissance, le tout prouvant qu’elle était une bonne juive. Elle vient d’être demandé en mariage, mais les juges rabbiniques ont découvert qu’un frère de son mari défunt vit encore en Roumanie. La loi est formelle : « Lorsque des frères demeurent ensemble et que l’un d’eux mourra sans enfants, la femme du défunt ne se mariera point au dehors avec un étranger (…) s’il refuse, sa belle sœur s’approchera de lui, à la vue des anciens, lui ôtera son soulier du pied et lui crachera au visage » (Deut. 25). Voici la réponse du frère de son mari : « aux rabbins de Jérusalem : il me semble comprendre, en lisant l’invraisemblable document que vous m’avez envoyé, que ma belle sœur Zipporah, dont le mari est mort, n’est pas libre de se remarier si je ne signe pas un papier déclarant que je n’ai pas envie de l’épouser et que je l’autorise à épouser qui lui plait. J’ai cru comprendre aussi que si je me trouvais à Jérusalem, ma belle sœur serait obligée, en apprenant que je ne veux pas l’épouser, de me déchausser un pied et de me cracher à la figure.  Nous sommes aux XXe siècle, et si je me livrais de quelque façon que ce fût à ces rites du Moyen-âge, les autorités roumaines me considèreraient à bon droit comme un crétin ou un fou. Je refuse de signer ces absurdités et je vous conseille d’oublier cette histoire ridicule. » Zipporah Zederbaum est condamnée, désormais, soit au célibat, soit à un concubinage dont pourrait naitre des enfants qui aux yeux de tous en Israël, seraient des bâtards avec des conséquences ravageuses dans leur vie d’enfant puis d’adulte. [1]

Jésus, en son temps, a posé dans notre texte en particulier la « radicale nouveauté de l’Evangile par rapport à toute tradition religieuse, à commencer par celle qui a pourtant été la matrice de la foi chrétienne ». Ce matin je souhaite que nous partagions quelques instants de méditation sur ce qui, parfois, si ce n’est souvent, vient faire passer notre vie dans l’étroit goulot des traditions établies, des convictions immuables toutes faites (faites surtout par les autres, des regards généralisant du groupe à l’individu : c’est un rom… alors, un voleur ; et pourquoi pas, c’est un français, forcément il ou elle est rouspéteur et fraudeur… Je vous dirais quelques mots dans un premier point sur la tradition rabbinique face aux Ecritures, puis, dans un deuxième temps nous parlerons de la Parole en nous mais quelle Parole ?

 

1) la tradition rabbinique : « les Pharisiens et tous les autres Juifs obéissent à la tradition de leurs ancêtres : avant de manger, ils se lavent toujours les mains avec soin. 4  Quand ils reviennent de la place publique, ils se lavent toujours avant de manger. Ils respectent aussi beaucoup d’autres coutumes qu’ils ont reçues des ancêtres : par exemple, la façon de laver les verres, les pots et les plats. 5  C’est pourquoi les Pharisiens et les maîtres de la loi disent à Jésus : »  Tes disciples ne vivent pas selon la tradition des ancêtres. Ils mangent avec des mains impures. Pourquoi donc ? »

La vie d’un juif est un ensemble de pratiques issus de l’obéissance à des prescriptions sur trois niveaux. D’abord, la Torah. Ses commandements sont immuables et sans appel. Ils sont écrits et recopiés génération après génération avec une application qui requiert des spécialistes aux compétences d’écriture très pointues. Il ne faudrait pas changer une seule lettre de la Loi. Mais la vie évolue et les hommes avec, alors, au fil des temps, les rabbins ont décidé des applications qui étendent chaque commandement aux gestes de la vie quotidienne. Et leurs décisions sont devenues « un ensemble de normes juridiques, de règles transmises oralement d’une génération à l’autre, de maitre à disciple », le talmud, la tradition[2]. Et leur autorité était placée au même niveau que l’autorité de la Torah. Mais il y a un troisième niveau ; après la Torah et la tradition, viennent les coutumes, pratiques adoptées dans une ville, une région, une communauté, la mischna. Exemple : « De nos jours comme les toilettes et les salles de bains ne sont plus des lieux sales comme auparavant, on peut se contenter de se laver les mains à l’eau courante, sous le robinet »[3] mais il est des lieux où il n’y a pas d’eau, alors la coutume a établi une règle : on peut se laver les mains avec de l’herbe ou du sable. Ainsi, le commandement peut être appliqué par tous et nul ne peut dire : « cela m’était impossible ». Des codes de vie obligatoires gérés par les chefs religieux juifs. C’est sans fin, quand on pense aux découvertes technologiques des derniers siècles.

Il faut se rendre à l’évidence : « le Seigneur a confié son message à des humains avec tous les risques que cela comporte, en particulier le risque qu’ils mélangent leurs propres idées avec le message de Dieu dont ils sont les porteurs. »[4]

 

2) Parole écrite et Parole Vivante : Chacun de nous se sait porteur de la Parole, mais quelle Parole ? La parole écrite, la Bible, ou une Parole vivante, Christ en nous, ou les deux ? C’est là certainement ce qui fait toute la différence avec le judaïsme. Origène dit de Christ qu’il est « la lumière véritable, la lumière du monde, la lumière des hommes »[5]. Cette lumière transforme en nous l’Ecriture en vie. Quand nous ouvrons les pages de la Bible, Parole écrite, nous pouvons y lire des prescriptions, des commandements, des ordres, des interdictions et pas seulement dans le 1er Testament. Paul, Pierre, Jacques rappellent à leurs contemporains l’obéissance due au Seigneur dans de nombreux domaines. Nous lisons chaque jour ces exhortations. Et nous pourrions rajouter aussi des niveaux en nous laissant guider par les commentaires de Calvin ou de Luther par exemple … puis par des commentaires de théologiens de notre siècle. Ils sont légions ceux qui ont tenté de dire comment ils recevaient la Parole Ecrite. Mais au XXIe siècle, les commentaires ne sont ni notre Talmud (la tradition), ni notre Mischna (les coutumes) car s’ils enrichissent nos vies, ouvrent à la réflexion sur tel ou tel sujet, Christ en nous, Parole vivante, nous rappelle sans cesse comment il a résumé le tout : « Tu dois aimer le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être, de toute ton intelligence et de toute ta force. (…)Tu dois aimer ton prochain comme je vous ai aimés »[6]

L’amour est unique : celui que l’on reçoit et celui que l’on donne. Celui que nous recevons parce qu’il vient poser sur notre vie le regard de Dieu, un regard qui nous dit : « tu es unique pour moi, je sais, je sais ta vie, je sais tes joies, je sais tes peines, je sais tes déchirements, je sais tes refus, je sais tes doutes… je sais… et je t’aime, je t’aime tant que rien ne peut me séparer de toi sauf toi, parfois… en moi, tu es libre »[7] Comment cet amour là ne serait-il pas unique ? Et l’amour que nous vivons en retour pour Dieu et pour nos semblables à cause de celui que nous avons reçu d’abord est aussi amour unique, chemin d’accueil, d’ouverture, de liberté.

Voilà pourquoi nous expérimentons chaque jour que, comme nous, nos frères et sœurs traduisent ces amours là en œuvres, en décisions, en positions éthiques ou théologiques qui leur sont propres et bien souvent aux antipodes des nôtres. De nombreuses discussions s’ouvrent aujourd’hui dans l’Eglise protestante unie sur des sujets autrefois condamnés et tabous. N’est-ce pas justement parce que les Ecritures ne sont ni Loi, ni tradition, ni coutumes pour nous ? Bien sûr, cela conduit, parce que nous sommes humains, à plus que des discussions. Je crains même que l’avenir ne nous réserve quelques disputes d’exception agrémentées de portes claquées qui feront date dans l’histoire du protestantisme. Tant qu’il aura des hommes, il y aura de l’hommerie, disait Chouraqui….Les discussions viennent de la Lumière en nous, vous savez, la lumière véritable, la lumière du monde, la lumière des hommes et les portes claquées de l’hommerie de l’humain persuadé qu’il reçoit, lui seul, comme une espèce d’exclusivité transcendante la compréhension et l’actualisation de la Parole.

 

Conclusion : Aucun de nous ne peut changer un iota dans la vie de Zipporah, dans l’imbroglio que lui imposent le tribunal rabbinique de Jérusalem. Nous ne pouvons même pas en sourire car c’est le quotidien de beaucoup de femmes en Israël. Avez-vous visionné les 3 reportages sur France 5 intitulés : « juive, condamnée au mariage » ? C’est le quotidien de toutes les « Zipporah » et, pardonnez l’audace verbale, tous les Zipporo qui vivent dans l’espace fermé des décisions sans appels que nous formulons au nom de notre lecture de l’Ecriture. Rabbin ashkénaze orthodoxe, et si c’était moi, et si c’était toi ?

Je viens dans ta vie, dit le Seigneur, pour la vivre avec toi, en toi. Je viens éclairer la Torah, la tradition, les coutumes, j’apporte ici, aujourd’hui, dans ton cœur, la lumière de mon amour. Zipporah est mon enfant, libre. Toi, ne deviens pas sa prison.

 

Ecoutez, en conclusion, Khalil Gibran :

Vous aimeriez

Que je vous parle de Jésus,

Mais comment puis-je enfermer

Le chant de la passion du monde

Dans un roseau creux ?[8] Amen



[1] James Michener « La Source » page 577-278

[2] encyclopédie du judaïsme articles « coutume » et « tradition »

[4] erf pole national formation

[5] Origène commentaire de l’Evangile de Jean tome 1

[6] Marc 12, 30-31

[7] extrait de ma prédication du 22 08 2012 à Pomeyrol

[8] Khalil Gibran Jésus, fils de l’homme chez Albin Michel

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8 septembre 2013 7 08 /09 /septembre /2013 16:32

NARBONNE DIMANCHE 8 SEPTEMBRE 2013

                     PROVERBES 4, 1 – 9

                     LUC 14, 1 - 14

 

Introduction : ce matin, dans la première partie de notre lecture de Luc, un détail a attiré mon attention et finalement requis toutes mes réflexions : « il y avait un hydropique »… Cela m’a fait remonter au cœur la première phrase entendue lors de mon premier cours de philosophie. C’était il y a longtemps …. Le professeur se lève, s’assoit sur un coin de son bureau, lance un lent regard circulaire vers la classe et dit : « tous les français sont des resquilleurs »… silence médusé dans les rangs… et elle ajoute : « c’est un préjugé ». En matière de préjugés, nous arrivons dans le texte biblique avec tout ce que nous sommes, tout ce que nous avons entendu, tout ce que nous avons lu, tout ce que nous avons appris, tout ce que nous croyons savoir, indécrottables convictions en nous, et non sujettes à remises en question. C’est pourquoi, aujourd’hui, après avoir dans un premier temps parlé des pharisiens et des repas, nous tenterons, avec cet exemple, dans un deuxième temps, une approche d’analyse de nos préjugés face à lecture des Ecritures et cela nous fera, peut-être, glisser plus avant dans nos vies .

 

1) contexte. Commençons par le contexte social dans lequel baigne l’invitation que Jésus a acceptée.

D’abord, les pharisiens. « Hypocrites, menteurs, race de vipères »… Luc dans un chapitre précédent met dans la bouche de Jésus une condamnation plus que sévère de ce groupe fondé, probablement, à l’époque d’Esdras  et de Néhémie. Au fil du temps et des évènements, ils sont devenus les dirigeants laïques du peuple juif. Vivre conformément à la tradition orale qui s’est élaborée, peu à peu, discussion après discussion, chez les rabbins, est une obsession pour eux. 613 commandements à respecter : 248 positifs et 365 négatifs et toutes les règles rabbiniques qui vont avec ! Une galère pour le petit peuple… mais pas pour eux, dont la vie est réglée et ritualisée, à tout moment, selon ces interprétations rabbiniques, et les repas n’y échappent pas. Contrairement aux Sadducéens qui sont hyper pointilleux sur la Parole écrite, la Torah, les Pharisiens, eux, sont en permanence, dans une espèce de « mise à jour » qui accumule, discussion après discussion, interrogation après interrogation, les applications actualisées de ces commandements.

Au temps de Jésus, on dénombre environ 6000 pharisiens. Ils forment une espèce de confrérie très attachée, en particulier, à des temps de rencontre autour des repas où les controverses animées sont la norme.

- le repas qui ouvre le sabbat de la pâque juive dont parle notre texte, est l’occasion de grandes festivités pour eux ; même si pour nous, imaginer tous les interdits et les rites liés à ce repas-là ressemble à un inextricable imbroglio ty pe « sac de nœuds »… nos préjugés sont bien là. Pourtant, pour rabbi Eléazar « s’il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Torah. S’il n’y a pas de Torah, il n’y a pas de farine »… c’est dire l’importance du repas pour un juif et particulièrement pour un pharisien. Nous voilà donc chez l’un d’entre eux. 

Après un lavage de main, (la main qui va prendre la nourriture dans le plat), on s’assoit pour dire une bénédiction, chacun pour soi à voix basse, puis on s’allonge sur des coussins et des sofas du côté gauche. Alors, un convive dit une bénédiction à haute voix pour tous. Puis, en cercle autour de  la table, on commence à manger.

 

2) préjugés : eh ! oh ! il y a un truc qui cloche là. Dans cette maison où tout, c’est évident, doit être aux normes, cadré, au taquet, où rien d’impur ne doit passer la porte, comment un malade peut-il être là ? Un malade, vous savez, un hydropique, avec des œdèmes partout… capable de contaminer toute la maisonnée et juste à l’entrée du sabbat ! Le pharisien qui accueille Jésus était, peut-être, un pharisien « libéral »… ça existe à son époque ? Car, tous les pharisiens ne sont pas des hypocrites issus d’une race de vipère. Ecoutez ce qui dit, au  IIe siècle une sentence de Rabbi Nathan : « Il y a sept genres de pharisiens : le pharisien aux fières épaules [dont la piété est ostentatoire], le pharisien comptable [calculant les gains et les pertes provenant des préceptes accomplis et des transgressions commises], le pharisien gagnant du temps [prétextant un devoir religieux qui l’attend, pour tarder de donner à manger à ses ouvriers], le pharisien dont la seule affaire est sa propre personne, le pharisien qui dit : quelle obligation m’est imposée pour que j’aille l’accomplir ? Le pharisien de la crainte, comparable à celle de Job, le pharisien de l’amour comparable à celui d’Abraham »[1]

Ainsi, la présence du malade aux symptômes visibles et purulents dans cette maison pharisienne m’interpelle-t-elle dans la perception unique que j’avais des pharisiens. Car, ce pharisien-là est peut-être le pharisien de l’amour comparable à celui d’Abraham ?

Et alors ? Et alors, me voilà rappelée à l’ordre. Chère Joëlle, il t’arrive de mettre dans le même sac toute une catégorie de personnes, ou de poser un commentaire définitif sur un texte comme si d’autres étaient impensables… Jésus,  grâce à Dieu, s’il a honni la classe des pharisiens, savait que tous n’étaient pas coulés dans le même moule. Aurait-il appelé Paul, pharisien de haut vol, sur le chemin de Damas sans en être convaincu ?

En tout cas, dans notre péricope, il va sérieusement titiller les préjugés pharisiens car il tend la main et guérit le malade malgré l’heure déjà avancée dans le jour du sabbat juif. Et cela va  lui permettre de déplacer ses auditeurs ritualistes, et nous, par la même occasion, dans un monde ouvert à une autre compréhension de la pureté qui plait à Dieu ; il utilise, pour ce faire, une technique pharisienne : il pose une question, et il se répond avec une autre question ! Pas de réponse figée, pas de pensée unique, l’attente simplement d’une saine réaction, d’un retour sur soi pour se dégager des idées toutes faites, incrustées dans la pensée communautaire comme une seconde nature… « Lequel de vous, si son fils ou son bœuf tombe dans un puits, ne l’en retirera pas aussitôt, le jour du sabbat « ? »

 

3) et nous ? Quelle humanité dans ces paroles. Jésus se plonge dans le quotidien de ses contemporains pour tourner leurs regards vers leurs propres penchants naturels. D’un premier réflexe, dans cette situation, auraient-ils appliqué la Loi et les préceptes, tout pharisiens qu’ils sont, ou d’instinct, sorti le fils ou le bœuf du puits ? La question de Jésus est, me semble-t-il, un modèle idéal pour  une réponse possible à la chape des préjugés, qui engloutit la vie sous le poids étouffant des réponses toutes faites, jamais remises en question.

 Nous avons pris l’exemple des pharisiens pour éclairer notre réaction, toute humaine, à poser notre lecture des Ecritures dans des cadres bien net ; chaque chose à sa place… Le pharisien chez les hypocrites, le scribe chez les vipères, les prêtres chez les « fait ce que je dit mais, mais surtout, ne fais pas ce que je fais »…. Qu’en est-il de nos certitudes face au texte biblique ? Avez-vous remarqué combien nous sommes influencés par le milieu religieux dans lequel nous vivons ? À fréquenter diverses communautés religieuses dans le cadre de mes activités associatives, je réalise que bien souvent, les personnes qui s’y trouvent se rejoignent dans une pensée presque unique, spécifique à leur communauté, un agglomérat de positions éthiques ou dogmatiques bien peu remis en question et le plus souvent même, accompagné de l’étonnement que les autres croient ou pensent autrement. Et les nommer, c’est déjà dire nos préjugés. Dans notre église, il y a des libéraux, très novateurs, historico-critiques, et des orthodoxes, profondément ancrés dans la dogmatique et la liturgie de nos ancêtres réformés. Ailleurs, il y a les évangélistes et les dons de langue, les baptistes et l’immersion baptismale, les méthodistes et la vertu morale, les adventistes et le sabbat, et mes frères darbytstes qui croient dur comme fer à la création en vrais jours de 24 heures… et chacun d’eux, chacun de nous, avance dans la foi avec ce qui, vu par l’autre côté de la lorgnette, n’est que préjugés, construits lectures après lectures, prédication après prédication,  étude biblique après étude biblique… auprès de « nos » théologiens, les nôtres, ceux de notre Eglise. C’est ainsi que non seulement nos esprits sont formatés en dur, en R et pas en RW, réinscriptibles, hélas, mais aussi que nos relations avec nos frères et sœurs chrétiens d’autres dénominations religieuses sont entachées de retenue et de non-dits…

André Gounelle, sur son site, remet à plat nos prétentions aux certitudes. Il écrit ceci, je cite :  « C’est une histoire qu’on m’a racontée il n’y a pas très longtemps. Un vieux monsieur dit à son petit-fils : « je ne sais vraiment pas quel sens peut bien avoir la vie ». Et le petit-fils de lui répondre : « c’est tout simple, on va aller sur internet le demander à Google. » J’ai consulté Google sur « vérité » et il m’a annoncé quatre millions huit cent dix mille réponses - et je m’en étais prudemment tenu à la francophonie. Le premier site, le seul que j’ai ouvert, me proposait quatre vingt mille citations. »[2] Nous comprenons pourquoi les juifs disent : chaque verset a 70 interprétations plus 1, celle qui n’a pas encore été formulée…

 

Conclusion : Force est donc de reconnaitre, avec humilité, que ce qui pour nous est « vérité », est, le plus souvent, tout simplement, « préjugé ». Dieu merci, nous n’oublions jamais le « semper reformata » énoncé par nos ancêtres et chacun de nous, à son rythme et selon sa personnalité, avance à sa propre allure sur le chemin de cette foi où ses préjugés peuvent être détrônés par une parole différente. Une foi qui grandit…

Mais surtout, je me demande quel regard, le Seigneur, dans son amour pour nous, pose sur nos interprétations labellisées, enclavées dans nos préjugés : un regard impatient du type « « ouvre-toi un peu » ou un regard amusé : ‘il finira par comprendre » ... Ecoutez, en conclusion, cette parole d’un père du désert retranscrite par Antoine Nouis dans son « aujourd’hui de l’Evangile ».

 «  un visiteur vient voir abba Arsène. On envoya un frère pour le conduire car sa cellule était très éloignée. Ils frappèrent à la porte, entrèrent, et ayant salué l’ancien, ils s’assirent en silence. Le frère, celui de l’Eglise, dit alors « moi je m’en vais, priez pour moi ». Mais le visiteur, ne se sentant pas à l’aise devant l’ancien, dit au frère : « je m’en vais, moi aussi ». Et ils sortirent ensemble. L’étranger demanda ensuite à son guide : « Conduis-moi chez abba Moïse, l’ancien brigand ». ils y allèrent, l’ancien les reçut avec joie et les renvoya après les avoir traités cordialement ». Le frère qui avait conduit le visiteur dit alors à celui-ci : « Voici que je t’ai mené chez Arsène et chez Moïse ; lequel des deux préfères-tu ? Il répondit : « Moïse, bien sûr ! ».  L’un des frères, ayant su la chose, fit à Dieu cette prière : « Seigneur, explique-moi cela : l’un fuit les hommes à cause de ton nom, et l’autre les reçoit à bras ouverts à cause de ton nom » Et voici que lui apparurent deux grandes barques sur le fleuve : dans l’une, il vit abba Arsène avec l’Esprit de Dieu, voguant ensemble dans le recueillement ;  sur l’autre, il y avait abba Moïse navigant avec les anges de Dieu qui lui servaient des rayons de miel »[3]… quatre millions huit cent dix mille réponses…, plus une, celle que nous venons de lire… plus une… celle que vous allez construire… plus une… amen.



[1] Avot de Rabbi Nathan A 37; B 45).

[3] Abba, dis moi une parole page 11

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3 septembre 2013 2 03 /09 /septembre /2013 10:41

 

DIMANCHE 19 JUILLET 2009

 

JEREMIE 23, 1 – 6

MARC 6, 30 - 34

 

Introduction : le Seigneur a un troupeau depuis longtemps déjà, un troupeau qui vit de biens difficiles moments dans notre première  lecture. Dans la seconde, rien n’a vraiment changé mais des évènements vont survenir qui transformeront sa vie. Qu’advient-il de lui dans l’histoire jusqu’à nos jours ? Les trois textes que nous avons lus vont mettre les projecteurs sur la réalisation de la promesse divine et chacun conduit sur le chemin de la liberté. Ce temps d’été, de vacance et de  repos, temps privilégié, temps spécial de liberté , n’est-ce le temps, le temps propice pour user de notre liberté d’une autre façon peut-être ? Suivons donc le troupeau de Dieu pour répondre à cette question.

 

1) le troupeau dans le 1er Testament : tout d’abord, revenons dans les années 580 avant notre ère. Le troupeau du Seigneur, c'est-à-dire le peuple d’Israël, un peuple à l’écart de tous les autres peuples, un peuple enfermé dans un enclos dont le mur est fait de pierres de lois, 613 pierres contre lesquelles le troupeau bute sans cesse. D’autre part ce malheureux troupeau vit un cauchemar :

- ses bergers sont d’une incompétence crasse: c’est le moins que l’on puisse dire des successeurs de Josias, accrochés à leur trône et prêts à tout pour le garder. Le Royaume du Nord n’est plus et sa population en grande partie déportée à Babylone ; le Royaume du Sud est franchement mal en point et les décisions prises au plus haut niveau conduisent tout droit à la destruction de Jérusalem et de son temple, et à la déportation de l’élite du peuple. Un pays ravagé, des familles déchirées et endeuillées, éclatées par les déplacements de population. Jérémie décrit une situation bien réelle : les bergers ont perdu et dispersé le troupeau et le Seigneur va prendre les choses en main.

        - la décision du Seigneur : il suscite des paroles à Jérémie qui vont lui attirer les foudres de tous, présents ou au loin ; il doit écrire aux familles, aux responsables pour leur demander de s’installer en Babylonie, d’y procréer, d’y vivre et d’y vivre heureux, car ils vont y rester 70 ans.

- quelle fut la réponse du troupeau ? Il a refusé les instructions du Seigneur et s’est carrément retourné contre son serviteur, Jérémie, qui finit par croupir dans une citerne. Jérémie après bien des avatars, s’exilera en Egypte où il sera assassiné par des coreligionnaires mécontents.

 C’est pourtant à ce troupeau là que le Seigneur promet une vie nouvelle et bonne et un berger extraordinaire qui agira dans le pays selon l’équité et la justice.

 

2) le troupeau au 1er siècle : qu’en était-il du temps de Jésus ? où en était ce « troupeau », peuple d’Israël, peuple élu du Seigneur ?

 

- les foules : Marc nous dit que les foules étaient comme des moutons sans berger, ce  qui remue Jésus jusqu’au plus profond de ses entrailles. La caste sacerdotale dirigeante des saducéens, les fondamentalistes pharisiens n’ont que mépris pour tous ceux qui ne sont pas de leur milieu. Dans les hautes sphères, ce ne sont que complots pour le pouvoir et l’argent ; le parvis du temple est le désolant spectacle d’un grand marché où certains s’enrichissent, où pharisiens et saducéens polémiquent à grands cris en vociférant les uns contre les autres à grands coups de citations bibliques ou rabbiniques. Le Seigneur ? Il prend soin de lui le Seigneur… nous, ses représentants, nous prenons tout le reste…

- Le petit peuple a beau fréquenter les synagogues, célébrer les grandes fêtes traditionnelles et monter régulièrement au Temple de Jérusalem, il bute toujours dans le même mur derrière lequel il est enfermé ; d’autre part, il est peu instruit et sa vie ressemble à celle de tous ceux qui se trouvent au bas de l’échelle : du travail, beaucoup de travail, des impôts, beaucoup trop d’impôts, des mercenaires romains irascibles qui maltraitent et massacrent ; et la vie de tous les jours dans un monde oriental avec ses hauts et ses bas, plutôt d’ailleurs des bas que des hauts.  Quant aux femmes … elles n’ont la valeur que des enfants et du travail qu’elles peuvent donner. Des moutons sans berger…

- pourtant, le Seigneur l’a promis, viendra un jour … et voilà que ce jour est là ! Jésus, enseigne, guéri, exorcise et annonce la venue toute proche du règne de Dieu. Et il envoie même ses apôtres, comme une extension à sa propre action vers les malheureux, les délaissés, vers le troupeau sans berger. Il est exorcisé, il est oints d’huile et guéri ; il estaussi enseigné, avec  autorité et compassion.

- les apôtres : les apôtres viennent dès le premier verset de notre lecture rapporter tout ce qu’ils ont fait pendant cette mission où,  deux par deux, ils ont parcouru les villages en faisant tout ce que Jésus leur avait demandé. Imaginez-vous dans une cité orientale où tout se voit, tout se sait, tout se dit, (on ne parle pas sans raison du téléphone arabe) : il était paralysé et il marche ! il était aveugle et il voit !  il était muet et il parle ! et bien d’autres guérisons encore. Et si celui qui les envoie était celui que nous attendons ? Les gens se rassemblent en foules bigarrées et se mettent à la recherche de cet homme extraordinaire dont les envoyés, deux par deux, leur ont parlé.

        Quelle joie pour les apôtres  d’accomplir de tels miracles ! Comment pourraient-ils prendre une pause quand, pendant ce temps là, justement, ils pourraient chasser un démon ou guérir un malade ? Ils sont cernés par les demandeurs, suivis par les curieux, et de bouche à oreille, la nouvelle enfle et autour d’eux, la foule grossit. Quand ils reviennent vers Jésus, ils sont exténués, d’enthousiasme et de fatigue. Et peut-être aussi d’inquiétude car ils ont appris le sort réservé à Jean-Baptiste, que Marc situe juste entre l’envoi en mission et notre récit. Celui-ci était un juste, n’a –t-il pas baptisé le maître ? Et pourtant, il est mort dans de sauvages conditions, assassiné par un pervers aveuglé par la beauté d’une femme. Que de sentiments entremêlés dans leur cœur et leur esprit !

        Alors Jésus, qui les connait, qui les connait « par cœur » si j’ose cette métaphore, leur propose un répit, un temps de pause dans un lieu désert : « venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu ; car beaucoup de personnes allaient et venaient et ils n’avaient même pas le temps de manger ».

        Voilà où en était le troupeau du Seigneur : un berger, enseignant et guérisseur qui parle avec autorité et ne cesse d’être saisi aux entrailles par la misère de ses frères,  des apôtres qui, eux aussi, font des miracles, et le gros du troupeau qui s’agglutine autour d’eux pour essayer de tirer à lui la couverture, pour obtenir une guérison, et pour certains, déjà, pour entendre une parole, une parole qui va transformer radicalement leur vie. Souvenez-vous de ce petit homme perché dans son arbre et de l’appel qu’il reçoit : « hâte-toi de descendre, car il faut que je demeure aujourd'hui dans ta maison ». il s’appelait Zachée…

Déjà nous discernons un changement important : dans le troupeau, le berger appelle les brebis par leur nom, ce n’est pas plus un troupeau où l’on vit dans l’anonymat, ses acolytes se dépensent sans compter au détriment de leur propre vie et l’on pourrait dire que tous les autres voient déjà le bout du chemin… de souffrance vécu depuis si longtemps.

- Alors des évènements vont changer la face du monde et la situation du troupeau de Dieu : une croix … un homme sur cette croix … les apôtres … perdus et anéantis…car le troupeau qui n’a pas changé, s’est encore une fois retourné tout entier contre le prophète qui voulait le guider… et puis, et puis … ! L’homme est ressuscité, il monte aux cieux, il envoie l’Esprit saint. Un changement majeur  va faire du troupeau séparé du reste du monde, un troupeau universel : l’épître aux Ephésiens explique ce qui est arrivé : un homme nouveau est né qui a accès auprès de Dieu par Jésus-Christ. Car le troupeau  du temps de Jérémie et les foules du temps de Jésus vivaient isolés dans la Loi, et les bergers se servaient de cette même loi à leur profit au détriment de leurs frères. Le temps est venu pour le berger de rassembler son troupeau :  « il a réduit à rien la loi avec ses commandements et leurs prescriptions, pour créer en lui, avec les deux, un seul homme nouveau, en faisant la paix, et pour réconcilier avec Dieu les deux en un seul corps, par la croix, en tuant par elle l’hostilité ».

Certains parmi le troupeau d’Israël rejoindront ce troupeau nouveau où chaque brebis devient unr et unique devant Dieu en Christ. Le mur de séparation est tombé, les commandements, la loi sont accomplis; chacun, chacune, réunie à toutes les autres, devient un homme nouveau, et si l’on parle encore de pierre pour le troupeau, ce ne sont plus celles contre lesquelles il butait, qui le tenait enfermé en captivité, mais parce que l’homme nouveau devient lui-même une pierre vivante.

        Et voilà que de gardée, la brebis devient gardienne, le troupeau devient temple, temple vivant construit avec des pierres vivantes. Le troupeau devient vigne où le Père est le vigneron, le Fils le cep et les croyants les sarments ; le troupeau devient corps dont Jésus est la tête et les croyants les membres ; le troupeau devient Eglise dont Dietrich Bonhoeffer disait : « l’Eglise parle de merveille parce qu’elle parle de Dieu, de l’éternité dans le temps, de la vie dans la mort, de l’amour dans la haine, du pardon dans le péché, du salut dans la souffrance, de l’espérance dans le désespoir ».

 

        Conclusion : Le troupeau du Seigneur vit aujourd'hui la réalisation de la promesse ; NOUS vivons aujourd'hui  la réalisation de la promesse, nous les brebis du troupeau, nous ne butons plus sur des murs. Que ferons-nous donc de cette liberté nouvelle ? Dieu me libère, mais pour faire quoi ? L’homme nouveau, l’Eglise tout entière, est serviteur comme son berger le fût.  Mets-toi au service de tes frères, de tous tes frères. Car pour le chrétien la liberté n’est pas une fin en soi. Elle doit être mise au service de l’autre. C’est la le paradoxe de la liberté chrétienne : au moment même où nous devenons libres, nous choisissons d’offrir cette liberté. Martin Luther disait : « le chrétien est un libre Seigneur sur toutes choses et il n’est soumis à personne. Le chrétien est un serviteur obéissant en toutes choses et il est soumis à tout en chacun. » 

A quoi bon, alors, avoir fait le chemin pour sortir de nos asservissements si c’est pour se retrouver à la fin serviteur ?

La différence est considérable ! Entre celui qui souffre de ne pas avoir de liberté et celui qui au contraire a tellement de liberté qu’il peut se permettre de se donner à son prochain, c’est la nuit et le jour. Car l’amour de Dieu est passé par là.

 

Terminons donc avec le psaume 23 paraphrasé par Antoine Nouis :

Le Seigneur est mon berger, je ne manquerai de rien.

Le Seigneur est mon repos, il me fait reposer dans de verts pâturages.

Le Seigneur est ma paix, il me conduit près des eaux paisibles.

Le Seigneur est ma consolation, il restaure mon âme.

Le Seigneur est mon chemin, il me conduit sur les sentiers de la justice..

Le Seigneur est ma confiance, quand je marche dans une vallée d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi.

Le Seigneur est mon soutien, ta houlette et ton bâton, voilà mon réconfort.

Le Seigneur est mon ami, tu dresses devant moi une table, face à mes adversaires.

Le Seigneur est ma victoire, tu parfumes d’huile ma tête, et ma coupe déborde.

Le Seigneur est mon allégresse, oui, le bonheur et la grâce m’accompagnent tous les jours de ma vie.

Le Seigneur est mon espérance, Seigneur, je reviendrai dans ta maison, aussi longtemps que je vivrai.

 

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15 août 2013 4 15 /08 /août /2013 10:27

DIMANCHE 12 JUILLET 2009

MARC 6, 7 - 13

 

Prédication largement inspirée dans le fond et la forme d’une prédication de Bettina Cottin (voir référence note 1)

 

Introduction : « Le récit de l’envoi en mission des Douze en mission est un des textes les plus féconds de tout l’histoire du christianisme. Sa force d’interpellation est toujours aussi fraîche, aussi tonique, et aussi directe. La confiance et la sérénité des disciples qui s’en vont deux par deux, leur apport concret aux malades et aux malheureux, remettent en question, toujours à nouveau, la route de la vie d’Eglise, mais aussi le fonctionnement de notre monde"[1]. Nous verrons le contexte dans l’Evangile de Marc, et les conditions imposées par Jésus, les grandes interpellations du récit d’envoi en mission, puis nous parlerons de nos résistances face à son contenu et enfin, comment cet appel peut nous toucher.

       Suivons donc un moment Jésus et les douze ; leur envoi, les conditions de leur mission, ce qu’ils ont fait et ce qu’il en a suivi…

 

1) le contexte et envoi :

 

 - situons tout d’abord ce passage dans l’Evangile de Marc. Nous avons pu suivre Jésus appelant ses disciples, formant un groupe de « Douze » et parcourant avec eux le pays : annonçant la Bonne nouvelle ((1,39), enseignant avec autorité , guérissant de nombreux malades dont la belle-mère de Pierre,  et déjà suscitant des attitudes contradictoires face à lui, au point qu’il est rejeté de sa propre ville, Nazareth, juste avant notre récit. «Ils étaient profondément choqués à cause de lui » nous dit-on. C’est alors que Jésus, appelant les douze, les envoie deux par deux. Contrairement à ce que nous disent les Evangiles de Matthieu et Luc., Marc ne donne pas de consignes précises sur ce que les douze devront faire, ni à qui ils devront parler (Israël, les Gentils ou les deux ?).

 

- les conditions de la mission : d’autre part, chez Marc, ce qui importe, ce n’est pas tant l’enseignement dispensé qu’un témoignage de pauvreté absolu malgré l’autorisation d’avoir un bâton et de porter des sandales. Marc pensait peut-être aux pèlerins de Pâques du livre de l’Exode (12, 11) : « les reins ceints, les sandales aux pieds, le bâton à la main »….   Les moyens de subsistance, eux, les rendent totalement tributaires des maisons visitées et de la miséricorde divine. Nous notons, au passage, qu’il n’est absolument pas question d’imposer leur point de vue aux personnes rencontrées. Si elles ne les écoutent pas, ils partent en secouant la poussière de leur pied : ce sera là, le seul témoignage donné ». Rite d’un antique usage oriental : on secouait la poussière de ses pieds en quittant un lieu hostile pour marquer la rupture.

 

2) les envoyés : des disciples bien ordinaires, mais pas seuls

 

      - des hommes sans instructions : Et voilà douze hommes, bien différents et pour la majorité ordinaires, des gens du peuple, sans instruction (C’est ainsi que le livre des Actes nous les décrivent). Qui plus est, nous en sourions souvent, ils ne sont  pas toujours dans les rails : souvent largué dans le terre à terre, ou en désaccord les uns avec les autres, sans compter les caractères : les fils de Zébédée ne sont ils pas surnommés par Jésus lui-même (3, 16-17) « Boanergès », fils du tonnerre, nous dirions aujourd'hui, qu’ils devaient démarrer au quart de tour! Et avec pour toute formation ce qu’ils ont entendu de leur du maître et l’expérience vécue des miracles accomplis par Jésus.

      Ils iront « deux par deux ». Etait-ce une coutume juive ? il est vrai que dans la loi de Moïse, deux témoins sont nécessaires pour authentifier une déposition (Deut. 19,15) mais le chiffre deux est aussi le symbole de la communauté : les missionnaires doivent œuvrer, non pas seuls mais en équipe, pratique que les premiers chrétiens ont appliquée à la lettre. Mais surtout, je pense à ces paroles de Jésus : « là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis avec eux ». Ainsi, deux par deux, mais déjà trois. Une force qui n’a pas d’équivalent dans le monde et qui va les propulser sur les chemins vers de nombreuses guérisons et l’annonce de la bonne Nouvelle (selon Matthieu). Voyez le résultat …………… 20 siècles après !

 

      - ces hommes–là, se voient envoyés dans des conditions encore plus difficiles que celles qu’ils avaient acceptées. C’est la raison pour laquelle je n’arrive pas à croire que c’étaient des hommes ordinaires ; fallait-il du jugement et du courage pour suivre le maître aussitôt l’appel lancé ! Ils très certainement mariés, (le mot « célibataire » n’existe pas dans leur langue, pas plus que dans leur monde, à cette époque) avec femme, enfants et peut être parents  à  charge ; un métier durement appris depuis l’enfance, des engagements à respecter, des habitudes acquises, sociales et religieuses ; une vie difficile dans un pays occupé par les romains et menée à la dure, une vie exsangue à cause des impôts trop lourds, et aussi l’esprit plein d’histoires terribles de superstitions qui traversent toutes les générations. Et pourtant …

Les voilà partis sur les routes aux côtés de cet homme étonnant, prophète, guérisseur, enseignant … Rien n’a pu les retenir dans leur vie d’avant. Pierre dira un jour « tu as des paroles de vie éternelle ». Et maintenant, ils doivent encore en faire plus, bien plus : pas de pain, ni de sac, ni de pièces de monnaie à la ceinture ; nous l’avons dit, un bâton, des chaussures, et même pas une tunique de rechange !

             

3) la mission : pour nous ?

             

Ce discours d’envoi peut nous paraître très archaïque, les pratiques très « rustiques » et bien loin de notre monde où l’Eglise, est organisée et structurée, avec sa multiplicité d’Institutions et des moyens de communication insoupçonnables au temps de Jésus. Le cadre de l’envoi des Douze et les conditions de leur mission sont ils compatibles avec la société dans laquelle nous vivons?

      « Les guérisons miraculeuses et à plus forte raison les exorcismes suscitent souvent notre méfiance. Ne s’agit-il pas là d’une représentation primitive du monde que nos méthodes modernes ont largement dépassée ? Le dépouillement de la condition des envoyés suscite notre scepticisme. Cela peut fonctionner un certain temps avec peu de personnes ; mais si on veut durer dans l’histoire, il faudrait peut-être revenir à un plus de normalité. Enfin, il y a de nos jours tellement de mouvements fondamentalistes qui envoient leurs adeptes missionner deux par deux, que cette formule suscite aussi notre réserve. Alors regardons de plus près le texte biblique.

L’envoi des Douze est limité dans le temps et dans l’espace. Les six équipes de deux ne seront jamais très loin de Jésus. Ils ne fonderont pas de nouvelles communautés. Ils œuvreront en toute simplicité comme Jésus le fait lui-même : des guérisons, la mise en échec des démons, la proclamation de la conversion qui comprend aussi l’annonce de l’approche du Règne de Dieu. Ils ne gagnent pas non plus leur vie avec cette activité. Pas d’abus possible puisqu’ils sont totalement dépendants de l’hospitalité qu’on voudra bien leur accorder et dans un seul foyer par village. Quant à l’échec envisagé, il n’a rien de dramatique : pas de condamnation, ni de menaces, juste la poussière que l’on secoue de ses pieds.

Il est intéressant de noter que, dans l’évangile de Marc, à partir du moment où la possibilité de l’échec est pensée et mise en mots, Jésus va lui-même faire l’a lui-même faire l’expérience de plus de difficultés, plus de déceptions et de résistances par rapport à son ministère. Ces difficultés s’accentueront jusqu’à la confession de foi de Pierre et la première annonce de la Passion. Pour comprendre et annoncer le Règne de Dieu, la prédication et les miracles ne suffiront plus. Il faudra aussi la croix, et la résurrection de Jésus »[2].

 

4) la mission : comment ?

 

      Alors, quel appel pour nous aujourd'hui dans l’envoi en mission des Douze ?

      Il me semble en premier lieu, qu’il nous encourage à annoncer la bonne nouvelle par des paroles et par des actes qui fassent vraiment du bien à ceux qui les reçoivent, et en particulier ceux qui sont en souffrance. Ce qui importe ce n’est pas tant le miracle que l’efficacité de la Parole, que des personnes puissent à nouveau se mettre debout, se réapproprier leur vie, leur histoire.

Quant aux démons, ce sont dans l’Evangile de Marc des forces qui détournent les personnes de l’accès à Dieu, et les aliènent dans leur vie sociale, mentale, spirituelle. Même en gardant une vision rationnelle du monde, ne reste-t-il pas suffisamment de démons à combattre ? Tous les systèmes, toutes les idéologies qui veulent nous convaincre du bien fondé du fatalisme, de la guerre, sont entre autre, nos démons des temps modernes.

Le dépouillement de la condition des disciples est vécu par certains. Pour d’autres, il sera avant tout vécu comme une disponibilité très ouverte vis-à-vis de l’autre, différent de soi. La simplicité et la solidarité permettent de rester en état de veille et disponibles.

Nous ne vivons pas pour nous-mêmes mais pour annoncer Jésus-Christ. Un échec peut être lu en lien avec Jésus-Christ même dans nos insuffisances. Notre monde autonome est libre d’accepter ou de refuser le message du royaume. Nous ne sommes pas maîtres de la décision des autres. Et aucun de nous ne connait la réponse de Dieu à cette réaction.

Laissons nous sans crainte appeler par la confiance, la simplicité et l’engagement humain des disciples de Jésus.

 

Conclusion : concluons avec quelques extraits  du « petit guide pratique pour ne pas oublier l’évangélisation dans la définition de nos projets d’Eglise » diffusé par l’Eglise Réformée.

      - la résolution 13 du Synode régional de Florac en 2007 déclare : « l’Evangile de Jésus-Christ est une bonne nouvelle qui nous invite à changer notre regard, pour y discerner les traces d’une présence qui veut ouvrir nos tombeaux et faire sauter tous les verrous de la peur. Cela seul nous fonde et nous constitue. (…) les gigantesques bouleversements que nous vivons en début du 21ème siècle, la sortie de la période de chrétienté ne doivent pas être ressentis comme perte de l’essentiel, mais tout au contraire, comme une chance de revenir à l’essentiel : être les témoins d’une parole qui relève, qui pardonne et qui libère. Nous affirmons notre conviction que l’Eglise se vit d’abord dans un recevoir, qui nous envoie comme témoins dans et pour le monde. »

l’Eglise ne sera ouverte aux hommes qu’en se portant sans cesse à leur rencontre.[3]

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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 10:52

NARBONNE/CARCASSONNE/PERPIGNAN

                                       Dimanche 8 JUILLET 2012

 

EZECHIEL 2, 2 – 5

MARC 6, 1 - 6

 

 

1 ) introduction : ah ! la famille ! tu es de la famille ? cet air de ressemblance, air ambiant construit de pensées instillées peu à peu des parents aux enfants, des frères et des sœurs à chacun d’entre eux, construction d’expériences en commun heureuses ou malheureuses, et la plupart du temps, hérédité commune. Cette conformité estampillée « parenté garantie » laisse peu de place à la nouveauté, à l’exotisme et aux changements ; connaitre l’autre, c’est confortable, rassurant. Famille de sang, famille de pensée, famille religieuse… des autres moi-même.

Jésus, dans cet état de chose immuable, va jeter un pavé dans la mare, et ce pavé-là rebondit jusqu’à nos mares du XXIe siècle ; des mares qui font miroir, où, quand nous nous regardons, nous découvrons le visage caché au plus profond de nous mêmes de celui ou de celle qui freine des quatre fers dès qu’une bifurcation s’annonce sur le chemin. Réfractaires à la nouveauté ? Imperméables à la différence ? Insensibilité au nuancier de la diversité de nos semblables ? Que nous révèle le reflet dans le miroir de cette mare-là ?Les récents et dramatiques évènements au Mali en disent toutes les conséquences ravageuses. Je soulève les questions, mais je ne peux y répondre et encore que tout à fait partiellement, seulement pour moi.

Nous parlerons des contemporains de Jésus, puis du contenu de ses paroles, et enfin nous tenterons de voir plus clair dans la mare limoneuse de nos certitudes ; et si, à regarder l’autre, différent, qui m’interpelle et m’indispose, tout à coup, comme un boomerang qui revient au point de départ, les questions que je me pose à son encontre, devenaient flèches qui me visent, moi en plein cœur ? Et si c’était ma propre différence qui était en jeu ?

 

2 ) contexte

- « le jour de sabbat, il se met à enseigner dans la maison de prière ». Qui d’entre nous, n’est pas rentré dans une synagogue, ne fût-ce qu’à la suite de rabbi Jacob ? Chaque ville, chaque village avait la sienne, au moins une, parfois plusieurs. Jésus y entre, passe d’abord dans le hall où l’on dépose les soucis du monde, puis il pénètre dans la pièce principale, « fortement éclairée par de nombreuses fenêtres, douze si possible, afin que l’on voie le ciel et que dans la prière on pense vraiment à Dieu ».[1] Dans ces lieux de dévotion, lieux de rassemblement, ouverts plusieurs jours par semaine et trois fois par jour pour chaque temps de prière, tous les juifs, jeunes et vieux, hommes et femmes, pieux ou non, ne manqueraient pour rien au monde les cultes, obligatoires pour les plus récalcitrants au moins le jour du sabbat. Toute la vie sociale tourne autour de la synagogue : ici, on prie et on reçoit l’enseignement de la Torah, mais aussi, ici, chacun retrouve ses pareils, ses semblables, peuple mis à part, par et pour le Dieu D’Israël. Tout y semble immuable depuis des temps immémoriaux, rien ne change, rien ne bouge, malgré les discussions à bâtons rompus organisées dans les écoles où l’on enseigne la Torah. J’ose me risquer  à une expression anachronique pour ce temps et cette époque là : c’est le lieu par excellence de l’antiréformation : la Torah a été donnée une fois pour toutes et fait force de loi sur la base des décisions rabbiniques qui gèrent l’intégralité de la vie juive. Le chef de la synagogue peut décider de donner la parole à tout homme présent. C’est ainsi que Jésus la reçoit et s’exprime.

- le fils de Marie va parler ! dis-donc , tu te souviens le jour où… chuchotements, regards de connivence, on s’apprête à entendre et à écouter un fils du pays. Il a grandi parmi nous, il connait la tradition, les croyances et les rites… évidemment, il n’a pas fait de longues études, que pourrait-il dire que nous ne sachions déjà, ce charpentier-là ? C’est vrai, il a des mains de charpentier, mais il semble avoir aussi des mains de guérisseurs et on a entendu dire qu’il parlait plutôt bien… et il y a aussi cette histoire de cochons à Génésareth, ça a fait un de ces bruits par ici.. et puis, et puis, quand même, il est où son père ? En effet, curieusement, dans l’évangile de Marc, Joseph n’est jamais mentionné[2]. On connait sa mère, ses frères, ses sœurs, mais son père… Et par ailleurs, sa réputation le précède : des scribes en disent pis que pendre et c’est très grave, affirment qu’il blasphème : ils exagèrent certainement… On le connait comme si on l’avait fait, ce petit qui a couru dans les rues du village sans faire trop de bêtises, c’était un enfant sage ; bref, oui, on le connait, trop bien peut-être et, à coup sûr, dans ces murmures qui se répandent de l’un à l’autre, le tableau de sa vie est peint au pinceau des ragots habituels qui circulent à voix basse et à grande vitesse sous les taliths des hommes et les voiles des femmes.

 

3) accepter la parole de Jésus :

Alors il prend la parole. « En l’écoutant, ils sont très étonnés et ils disent : « Qui lui a appris tout cela ? Cette sagesse qu’il a reçue, qu’est–ce que c’est ? Et ces miracles qu’il fait, comment les fait–il ? » Etonnement admiratif, questionnement de cœurs avides d’apprendre, désirs d’autres miracles ? On croyait le connaitre par cœur et le voilà ouvrant la porte à l’inconnu, l’inattendu. Ce dont il parle, nous le savons déjà et pourtant, nous ne le savions pas… tout à coup sa parole déplace toutes leurs convictions ; alors commence ce lent empoisonnement du cœur et de l’esprit qui s’instille, goutte à goutte, en eux. Car le premier étonnement passé, passé dans les cœurs et les esprits comme sur une terre saturée de traditions, de certitudes, quand ce n’est pas de superstitions, la parole devient comme une pluie inféconde qui ruisselle sur les bas côtés des champs, et va se perdre quelque part, on se sait où… Chacun d’eux est ce champ à la terre durcie par la sécheresse de l’enseignement millénaire des rabbis, une terre désertique qui refuse la rafraichissante verdure d’oasis improbables et lointaines.

Pourquoi ? pourquoi alors qu’ils ont conscience de croiser le chemin d’un sage et d’un guérisseur, pourquoi refusent-ils de croire en lui ? Est-ce parce que Dieu doit venir en puissance et en gloire et non, avec Jésus, dans l’humble réalité de la vie quotidienne ? Est-ce parce que, à si bien le connaitre, ils ont enfermé Jésus dans ce qu’ils savent de lui, ou de leur propre vie projetée sur la sienne ? Est-ce parce qu’ils se sont barricadés dans un cadre religieux familier qui ne peut être qu’inamovible ? Et si le miroir qui renvoie leur reflet devenait un prisme si déformant que l’image renvoyée et reçue, méconnaissable, leur était tout simplement insupportable ?

Luther disait : « il vaut mieux pour toi que le Christ vienne à toi par l’Evangile, car s’il entrait par cette porte, tu ne le reconnaitrais pas ». Voilà peut-être la réponse à tous ces pourquoi : Jésus est entré, to de go par la porte de la maison, beth knesset, c’est la maison de l’assemblée, la maison de tous, leur maison.

 

4 ) accepter la parole de « l’autre »

Et nous, ne sommes-nous pas des proches de Jésus, n’habitons-nous pas le même village, ne sommes-nous pas de sa parenté et de sa maison, puisque nous avons le même Père ? Comment le voyons-nous ? Que comprenons-nous quand il parle ? Nous, ici, aujourd’hui, à Narbonne ? Le pasteur Capoul écrit, je cite : « A l’heure des superlatifs, où tout ce qu’invente l’homme est super, où chaque jour apporte son lot de surprises techniques encore plus performantes que celles de la veille, où l’on ne s’étonne plus de grand-chose parce que ce qui est infaisable aujourd’hui existera sûrement demain, il faut plus qu’un fils de charpentier, beau parleur et un peu magicien pour justifier la présence divine. A l’heure du superlatif, le quotidien n’est pas remarquable. Il faut du sensationnel, de l’époustouflant, des actes plus encore qu’une parole, vraiment extraordinaires pour émouvoir les hommes. Comment, dès lors, la simple figure de l’homme pourrait-elle convaincre de la présence divine ? [3]»

« Jésus ne peut faire aucun miracle à Nazareth. Pourtant, il guérit quelques malades en posant les mains sur leur tête ». Jésus a compris la réaction de ses coreligionnaires, il ne les reprend pas durement ou avec colère comme il le fera plus tard avec les scribes et les pharisiens. Lui aussi a grandi avec eux, lui aussi les connait par cœur,  ceux qui ont son âge, et les plus âgés toujours prêts à remettre les pendules à l’heure des croyances ancestrales. Il ne les fera pas bouger d’un centimètre dans leurs convictions, et ce n’est pas encore le temps pour eux de comprendre que Dieu est venu à leur rencontre, sans succès. Il remet à son Père ce qui arrive, là, dans la synagogue, et la suite des évènements. Il continue ce pour quoi il a été choisi, appelé et confirmé le jour de son baptême dans le Jourdain : « tu es mon fils bien-aimé, objet de mon affection » et il continue, lui aussi d’aimer : « il guérit quelques malades en posant les mains sur leur tête »…

La réaction de Jésus me déplace et me renvoie à mes propres réactions face à un interlocuteur qui refuse toute discussion. Quand la situation est bloquée, quand on ne peut rien y changer,  nous pouvons toujours, comme lui, nous en remettre au  Père « sans renoncer à nos convictions ni à ce que nous avons à faire »[4]. Aimer le sourd, l’aveugle, l’entêté, l’aimer tout entier, de tout cœur, l’aimer comme Jésus nous a aimés. Et qui sais si ce n’est pas nous qui serons déplacés ?

 

5 ) conclusion

Ecoutez l’histoire du théologien et des trois pêcheurs qu’Antoine Nouis raconte : « un théologien entreprend un voyage en bateau pour visiter les champs de mission de son église. En route, le bateau fait escale sur une petite île. Il va se promener sur la plage, et il arrive près de trois pêcheurs qui réparent leurs filets.

Intéressé par leur profession, il engage la conversation. Lorsque les pêcheurs apprennent la profession du voyageur, ils sont fiers de se déclarer chrétiens.

Le théologien leur demande comment on dit le Notre Père dans leur langue, mais les pêcheurs répondent qu’ils ne connaissent pas cette prière. La seule prière qu’ils connaissent est la suivante : nous sommes trois, tu es trois, aie pitié de nous.

Le théologien est épouvanté par le caractère primaire de cette prière et il passe la journée à leur apprendre le Notre Père. Les pêcheurs sont de bonne volonté, et arrivent à mémoriser cette nouvelle prière.

Quelques mois plus tard, lors du voyage de retour, le bateau fait une escale dans cette même île. Quand la terre est en vue, le théologien monte sur le pont, et se souvient de la rencontre avec les trois pêcheurs. C’est alors qu’une lumière apparaît à l’horizon en provenance de l’île. Elle semble grandir. Ce sont les trois pêcheurs qui se dirigent vers le bateau en marchant sur l’eau.

Ils se présentent au théologien et lui disent : pardonne-nous, mais nous avons oublié la prière que tu nous as enseignée. Nous disons : Notre Père qui est au ciel, que ton nom soit sanctifié… et nous ne nous souvenons plus du reste. Peux-tu nous répéter cette nouvelle prière.

Le théologien est bouleversé. Il leur dit : rentrez chez vous, mes amis, et quand vos priez, dites : nous sommes trois, tu es trois, aie pitié de nous.[5] Amen.

 



[1] Jésus juif pratiquant page 62

[2] prédication inconnue page 1 du 29 juillet 2006

 

[3] A. Capoul prédicaion du 12/12/2010

[4] citation d’un inconnu

[5] d’après Léon Tolstoï

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