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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 21:55

Carcassonne

                     DIMANCHE 18   octobre  2009

                               ESAIE 53, 10-11

                            HEBREUX 4, 14 –16

                                           MARC 10, 35 – 45

 

Introduction : Que de questions soulevées dans notre lecture ! Que de sujets proposés à notre méditation. La peur, le désir de gloire et de pouvoir, la jalousie, le regard qui place l’autre plus bas que soi, les magouilles pour arriver à la meilleure place… chez Matthieu, c’est la mère de Jacques et Jean qui est déléguée pour poser la question. Des hommes tournés sur eux-mêmes, centrés sur leurs peurs et leurs désirs, dans l’incompréhension et probablement le refus inconscient de ce que leur Maitre a déjà annoncé deux fois chez Marc : le Messie ne peut pas souffrir !le Messie ne peut pas finir mort ! Le Messie ne peut pas perdre, il finira bien par l’emporter … le Messie c’est le vainqueur de Dieu, celui qui apporte la victoire, l’honneur et le meilleur de tout ce que l’on désire. Marc nous dit, et vous savez combien il est précis et soigneux dans ces choix épistolaires, il nous dit que « Jésus allait devant eux ». Et je crois que c’est là sa place : il est devant, il ouvre le chemin, même celui de la souffrance avec la croix déjà en perspective chez Marc. Dans l’épître aux Hébreux, nous le retrouvons là où il a promis d’être : grand prêtre immaculé, il a traversé les cieux et nous sommes invités à nous avancer avec pleine assurance vers le trône de grâce. Comme le chemin sera long pour les apôtres entre le Fils de l’homme annonçant sa passion et le Fils de Dieu intronisé dans sa gloire… Et le comble, n’est-ce pas ces deux brigands, à sa droite et à sa gauche, quand il est sur la croix ?

 

1 la faiblesse des hommes

« Il allait devant eux ». Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu'ils ont du culot, ces deux hommes, qui traînaient pourtant derrière avec les autres, ces deux hommes qui, l’air de rien, demandent à Jésus la gloire et le pouvoir ! «Donne-nous de nous asseoir l’un à ta droite et l’autre à ta gauche dans ta gloire »… et Marc vient de préciser « qu’ils étaient effrayés et que ceux qui suivaient Jésus avaient peur ». Pensent-ils alors pouvoir être à l’abri ainsi postés ? Et de quoi avaient-ils donc peur ? Revenons deux mille ans en arrière. De braves gars, pas très éduqués, vivant dans un monde où la superstition est partout, où l’on voit des démons plein la mer sur laquelle ils pêchaient, où tout peut. devenir sujet d’effroi… mettons-nous un peu à leur place ! Dans les versets qui précèdent ceux que nous avons lus, Jésus avait déjà annoncé deux fois sa passion, et à ceux qui le suivaient, après une question de Pierre, il répond que ceux qui abandonnent tout pour lui recevront beaucoup dans ce monde mais aussi des persécutions… tout cela chauffait dans leur tête et dans leur cœur… il le tournait aussi dans tous les sens… ce riche qui n’entrera pas dans le Royaume et cette histoire de trou d’aiguille… Le langage de la croix est tellement difficile à comprendre. Ils ne savent plus où ils en sont. Peut-être se mettent-ils aussi à compter tout ce qu’eux mêmes ont abandonné pour suivre Jésus… alors là il y a de quoi avoir des sueurs froides. Et Jésus en rajoute une couche : « le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort, le livreront aux non–Juifs, se moqueront de lui, lui cracheront dessus, le fouetteront et le tueront ; et trois jours après il se relèvera ». Oui, ils avaient peur et pour conjurer cette peur, Jacques et Jean ont une idée géniale : « donne-nous d’être l’un à ta droite et l’autre à ta gauche quand tu seras dans ta gloire ». Jésus ne les reprend pas, il lit dans leur cœur leur peur, leur angoisse ; il cherche seulement à leur faire comprendre. C’est d’ailleurs l’habitude dans cet évangile qui, après chaque annonce de la passion nous montre les disciples dans « le brouillard », ils ne comprennent pas, enfermés dans leur propre conception du ministère de Jésus. Et Jésus les enseigne pour leur ouvrir la voie de la connaissance de Dieu, de sa volonté, de ce qu'il attend des hommes. « Vous ne savez pas ce que vous demandez, leur dit-il. La coupe que je vais boire, pouvez-vous la boire ? » Et dans leur inconscience, ils ne doutent de vraiment de rien, Jacques et Jean répondent : « Oui, nous le pouvons ».

Les dix autres apôtres n’en reviennent pas. Ils en ont du culot ces deux-là ! Jésus n’a qu’une droite et une gauche et s’ils y sont, où serons-nous nous alors ? Nous valons autant qu’eux et nous aussi, nous méritons bien cette distinction… nous pourrions en dire des tonnes avec ce qu’ils ont sur le cœur. Eux aussi ont peur, pour les même raisons déjà invoquées, et dans la peur, qui sait ce que l’on peut faire, qui sait jusqu’où l’on peut aller ?

Comme ils nous ressemblent ces hommes qui traînent les pieds, à bonne distance derrière Jésus quand ils sont troublés, puis qui se bousculent pour être à la meilleure place :  ainsi va notre humanité. Les disciples deviennent l’image même de ce que nous sommes. Leurs échecs et leurs incompréhensions caractérisent les modèles des générations futures de disciples qui, comme nous, seront souvent si ce n’est toujours, un peu lents à comprendre le message  radical de Jésus

 

2 l’enseignement du maître

Jésus allait devant eux. Alors il les appelle, et pour désamorcer le conflit, il va leur proposer de regarder les choses différemment. Il va poser des jalons inattendus sur leur chemin, inattendus pour eux malgré tout ce qu’ils ont déjà vécu avec lui ; il balaye en quelques mots les spéculations, les ambitions de ceux qui sont appelés à devenir les fondements de l’Eglise ; il inverse les critères de la réussite à son époque  mais ceux de la nôtre aussi : position sociale, contenu du compte en banque, grandeur de la voiture, de la maison ou de la piscine, standing de vie, position de direction… Il s’était déjà identifié à un enfant ; le voilà maintenant en serviteur. Il brise l’image idéale que les apôtres pouvaient se faire de lui. Vous voulez être les plus grands, les plus forts et moi je vous dis : « quiconque veut être grand parmi vous sera votre serviteur (gr : diakonos), et quiconque veut être le premier sera l’esclave (gr : doulos) de tous »… Un pavé dans la mare… Pas le trône mais le tablier. Pas la couronne mais le balai. Pas l’autoritarisme mais le service. Pas l’enrichissement mais la pauvreté. Et pour servir non seulement les amis ou quelques privilégiés du système mais tous, sans nulle discrimination.

Dans mon Eglise, pas de supérieurs qui exercent leur autorité sur des subordonnés, pas de bataille pour le pouvoir,  bien au contraire : devenez les plus petits, accueillez les faibles, les malades, les prisonniers, les démunis ; servez-les dans l’amour et la grâce. Je n’aborderai pas la multitude de possibilités qu’ouvre ce service. Nous sommes ici en plein dans les préoccupations du prochain synode régional : pensons au titre proposé à notre méditation : « Solidaires au nom de Jésus-Christ ; quand l’Eglise reconnait sa vocation diaconale ». Si vous ne l’avez encore fait, vous pouvez consulter le document préparatoire qui est je crois sur le site de la paroisse. Servir, chacun de nous connait ses potentialités et aussi ses faiblesses..

 

3 un grand prêtre qui nous ouvre le chemin

Jésus allait devant eux. Jésus marche devant nous. Il n’est seulement une figure du passé, il est une figure de notre présent, il est encore une figure de notre avenir. il nous précède en toutes choses. Il a vécu, il est mort, il est ressuscité. Il est vivant, en marche avec nous, tous les jours. Tous les jours, comme il l’a fait avec les apôtres, il peut nous surprendre, nous dérouter, nous déplacer … c’est toujours pour nous garder sur le chemin qu’il nous a tracé. L’épître aux Hébreux nous dit : « nous avons un grand prêtre qui a traversé les cieux, Jésus, le Fils de Dieu… il n’est pas insensible à notre faiblesse… il a été soumis à des épreuves en tous points semblables… approchons-nous avec assurance du trône de la grâce »… Car le chemin qu’il a ouvert, c’est celui du libre accès à Dieu, un chemin qui nous élève jusqu’à Dieu. Et ce grand prêtre qui intercède pour nous n’est pas loin de chacun de nous, par sa condition humaine, il est avec nous, nous précédant sur le chemin du service. Vous avez fait la magnifique expérience à Carcassonne, de l’incroyable, de l’inattendu, de la richesse du service… que le Grand prêtre déverse sur ceux qui se font les serviteurs de leurs frères… un aumônier, des prisonniers et maintenant une immense fraternité avec nos frères et sœurs espagnols. Je connais un peu cette histoire là et il y en a tant d’autres encore. C’est l’histoire du service dans  la grâce ; chacun l’écrit avec sa propre vie.

 

Conclusion : Concluons avec quelques mots de Michel Bouttier extraits de son livre : « Quêtes et requêtes » :

« Tu marches devant, je ne vois que ton dos. Tu me précèdes, je te suis. Tu es seul à dévisager la ville qui tue les prophètes. On n’aperçoit ni ta face, ni ton regard, tournés vers là-bas. Tout à coup, tu sens comme un vide derrière toi ; n’y aurait-il plus personne ? Non, plus personne. Nos jambes sont paralysées ; l’effroi nous a saisis. Alors Tu te retournes, et viens à nouveau nous redire ce que Tu ne cesses de répéter et que nous ne pouvons jamais admettre : le Fils de l’homme va être livré, on l’outragera, on lui crachera au visage, on le fera mourir, et le troisième jour il ressuscitera.

Tu marches devant. Je ne vois que ton dos. Je ne sais où Tu nous mènes, quelle sera notre mort ou comment nous rencontrerons la croix.

Il faut que le Fils de l’homme… à Dieu ne plaise, cela ne t’arrivera point, Seigneur ! Le malin pousse ses vrilles ; il insémine en mon cœur le ver qui suce chaque élan de foi ; il dresse à mes côtés la silhouette persifleuse de mon double ; il me communique cette trouille panique de perdre ma vie.

Tu marches devant. Je te suis. Tu es mon Maître.

Le crucifié avec qui j’ai été crucifié.

Le ressuscité avec qui j’avance sur la terre des vivants. »

 

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