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22 juillet 2013 1 22 /07 /juillet /2013 10:52

NARBONNE/CARCASSONNE/PERPIGNAN

                                       Dimanche 8 JUILLET 2012

 

EZECHIEL 2, 2 – 5

MARC 6, 1 - 6

 

 

1 ) introduction : ah ! la famille ! tu es de la famille ? cet air de ressemblance, air ambiant construit de pensées instillées peu à peu des parents aux enfants, des frères et des sœurs à chacun d’entre eux, construction d’expériences en commun heureuses ou malheureuses, et la plupart du temps, hérédité commune. Cette conformité estampillée « parenté garantie » laisse peu de place à la nouveauté, à l’exotisme et aux changements ; connaitre l’autre, c’est confortable, rassurant. Famille de sang, famille de pensée, famille religieuse… des autres moi-même.

Jésus, dans cet état de chose immuable, va jeter un pavé dans la mare, et ce pavé-là rebondit jusqu’à nos mares du XXIe siècle ; des mares qui font miroir, où, quand nous nous regardons, nous découvrons le visage caché au plus profond de nous mêmes de celui ou de celle qui freine des quatre fers dès qu’une bifurcation s’annonce sur le chemin. Réfractaires à la nouveauté ? Imperméables à la différence ? Insensibilité au nuancier de la diversité de nos semblables ? Que nous révèle le reflet dans le miroir de cette mare-là ?Les récents et dramatiques évènements au Mali en disent toutes les conséquences ravageuses. Je soulève les questions, mais je ne peux y répondre et encore que tout à fait partiellement, seulement pour moi.

Nous parlerons des contemporains de Jésus, puis du contenu de ses paroles, et enfin nous tenterons de voir plus clair dans la mare limoneuse de nos certitudes ; et si, à regarder l’autre, différent, qui m’interpelle et m’indispose, tout à coup, comme un boomerang qui revient au point de départ, les questions que je me pose à son encontre, devenaient flèches qui me visent, moi en plein cœur ? Et si c’était ma propre différence qui était en jeu ?

 

2 ) contexte

- « le jour de sabbat, il se met à enseigner dans la maison de prière ». Qui d’entre nous, n’est pas rentré dans une synagogue, ne fût-ce qu’à la suite de rabbi Jacob ? Chaque ville, chaque village avait la sienne, au moins une, parfois plusieurs. Jésus y entre, passe d’abord dans le hall où l’on dépose les soucis du monde, puis il pénètre dans la pièce principale, « fortement éclairée par de nombreuses fenêtres, douze si possible, afin que l’on voie le ciel et que dans la prière on pense vraiment à Dieu ».[1] Dans ces lieux de dévotion, lieux de rassemblement, ouverts plusieurs jours par semaine et trois fois par jour pour chaque temps de prière, tous les juifs, jeunes et vieux, hommes et femmes, pieux ou non, ne manqueraient pour rien au monde les cultes, obligatoires pour les plus récalcitrants au moins le jour du sabbat. Toute la vie sociale tourne autour de la synagogue : ici, on prie et on reçoit l’enseignement de la Torah, mais aussi, ici, chacun retrouve ses pareils, ses semblables, peuple mis à part, par et pour le Dieu D’Israël. Tout y semble immuable depuis des temps immémoriaux, rien ne change, rien ne bouge, malgré les discussions à bâtons rompus organisées dans les écoles où l’on enseigne la Torah. J’ose me risquer  à une expression anachronique pour ce temps et cette époque là : c’est le lieu par excellence de l’antiréformation : la Torah a été donnée une fois pour toutes et fait force de loi sur la base des décisions rabbiniques qui gèrent l’intégralité de la vie juive. Le chef de la synagogue peut décider de donner la parole à tout homme présent. C’est ainsi que Jésus la reçoit et s’exprime.

- le fils de Marie va parler ! dis-donc , tu te souviens le jour où… chuchotements, regards de connivence, on s’apprête à entendre et à écouter un fils du pays. Il a grandi parmi nous, il connait la tradition, les croyances et les rites… évidemment, il n’a pas fait de longues études, que pourrait-il dire que nous ne sachions déjà, ce charpentier-là ? C’est vrai, il a des mains de charpentier, mais il semble avoir aussi des mains de guérisseurs et on a entendu dire qu’il parlait plutôt bien… et il y a aussi cette histoire de cochons à Génésareth, ça a fait un de ces bruits par ici.. et puis, et puis, quand même, il est où son père ? En effet, curieusement, dans l’évangile de Marc, Joseph n’est jamais mentionné[2]. On connait sa mère, ses frères, ses sœurs, mais son père… Et par ailleurs, sa réputation le précède : des scribes en disent pis que pendre et c’est très grave, affirment qu’il blasphème : ils exagèrent certainement… On le connait comme si on l’avait fait, ce petit qui a couru dans les rues du village sans faire trop de bêtises, c’était un enfant sage ; bref, oui, on le connait, trop bien peut-être et, à coup sûr, dans ces murmures qui se répandent de l’un à l’autre, le tableau de sa vie est peint au pinceau des ragots habituels qui circulent à voix basse et à grande vitesse sous les taliths des hommes et les voiles des femmes.

 

3) accepter la parole de Jésus :

Alors il prend la parole. « En l’écoutant, ils sont très étonnés et ils disent : « Qui lui a appris tout cela ? Cette sagesse qu’il a reçue, qu’est–ce que c’est ? Et ces miracles qu’il fait, comment les fait–il ? » Etonnement admiratif, questionnement de cœurs avides d’apprendre, désirs d’autres miracles ? On croyait le connaitre par cœur et le voilà ouvrant la porte à l’inconnu, l’inattendu. Ce dont il parle, nous le savons déjà et pourtant, nous ne le savions pas… tout à coup sa parole déplace toutes leurs convictions ; alors commence ce lent empoisonnement du cœur et de l’esprit qui s’instille, goutte à goutte, en eux. Car le premier étonnement passé, passé dans les cœurs et les esprits comme sur une terre saturée de traditions, de certitudes, quand ce n’est pas de superstitions, la parole devient comme une pluie inféconde qui ruisselle sur les bas côtés des champs, et va se perdre quelque part, on se sait où… Chacun d’eux est ce champ à la terre durcie par la sécheresse de l’enseignement millénaire des rabbis, une terre désertique qui refuse la rafraichissante verdure d’oasis improbables et lointaines.

Pourquoi ? pourquoi alors qu’ils ont conscience de croiser le chemin d’un sage et d’un guérisseur, pourquoi refusent-ils de croire en lui ? Est-ce parce que Dieu doit venir en puissance et en gloire et non, avec Jésus, dans l’humble réalité de la vie quotidienne ? Est-ce parce que, à si bien le connaitre, ils ont enfermé Jésus dans ce qu’ils savent de lui, ou de leur propre vie projetée sur la sienne ? Est-ce parce qu’ils se sont barricadés dans un cadre religieux familier qui ne peut être qu’inamovible ? Et si le miroir qui renvoie leur reflet devenait un prisme si déformant que l’image renvoyée et reçue, méconnaissable, leur était tout simplement insupportable ?

Luther disait : « il vaut mieux pour toi que le Christ vienne à toi par l’Evangile, car s’il entrait par cette porte, tu ne le reconnaitrais pas ». Voilà peut-être la réponse à tous ces pourquoi : Jésus est entré, to de go par la porte de la maison, beth knesset, c’est la maison de l’assemblée, la maison de tous, leur maison.

 

4 ) accepter la parole de « l’autre »

Et nous, ne sommes-nous pas des proches de Jésus, n’habitons-nous pas le même village, ne sommes-nous pas de sa parenté et de sa maison, puisque nous avons le même Père ? Comment le voyons-nous ? Que comprenons-nous quand il parle ? Nous, ici, aujourd’hui, à Narbonne ? Le pasteur Capoul écrit, je cite : « A l’heure des superlatifs, où tout ce qu’invente l’homme est super, où chaque jour apporte son lot de surprises techniques encore plus performantes que celles de la veille, où l’on ne s’étonne plus de grand-chose parce que ce qui est infaisable aujourd’hui existera sûrement demain, il faut plus qu’un fils de charpentier, beau parleur et un peu magicien pour justifier la présence divine. A l’heure du superlatif, le quotidien n’est pas remarquable. Il faut du sensationnel, de l’époustouflant, des actes plus encore qu’une parole, vraiment extraordinaires pour émouvoir les hommes. Comment, dès lors, la simple figure de l’homme pourrait-elle convaincre de la présence divine ? [3]»

« Jésus ne peut faire aucun miracle à Nazareth. Pourtant, il guérit quelques malades en posant les mains sur leur tête ». Jésus a compris la réaction de ses coreligionnaires, il ne les reprend pas durement ou avec colère comme il le fera plus tard avec les scribes et les pharisiens. Lui aussi a grandi avec eux, lui aussi les connait par cœur,  ceux qui ont son âge, et les plus âgés toujours prêts à remettre les pendules à l’heure des croyances ancestrales. Il ne les fera pas bouger d’un centimètre dans leurs convictions, et ce n’est pas encore le temps pour eux de comprendre que Dieu est venu à leur rencontre, sans succès. Il remet à son Père ce qui arrive, là, dans la synagogue, et la suite des évènements. Il continue ce pour quoi il a été choisi, appelé et confirmé le jour de son baptême dans le Jourdain : « tu es mon fils bien-aimé, objet de mon affection » et il continue, lui aussi d’aimer : « il guérit quelques malades en posant les mains sur leur tête »…

La réaction de Jésus me déplace et me renvoie à mes propres réactions face à un interlocuteur qui refuse toute discussion. Quand la situation est bloquée, quand on ne peut rien y changer,  nous pouvons toujours, comme lui, nous en remettre au  Père « sans renoncer à nos convictions ni à ce que nous avons à faire »[4]. Aimer le sourd, l’aveugle, l’entêté, l’aimer tout entier, de tout cœur, l’aimer comme Jésus nous a aimés. Et qui sais si ce n’est pas nous qui serons déplacés ?

 

5 ) conclusion

Ecoutez l’histoire du théologien et des trois pêcheurs qu’Antoine Nouis raconte : « un théologien entreprend un voyage en bateau pour visiter les champs de mission de son église. En route, le bateau fait escale sur une petite île. Il va se promener sur la plage, et il arrive près de trois pêcheurs qui réparent leurs filets.

Intéressé par leur profession, il engage la conversation. Lorsque les pêcheurs apprennent la profession du voyageur, ils sont fiers de se déclarer chrétiens.

Le théologien leur demande comment on dit le Notre Père dans leur langue, mais les pêcheurs répondent qu’ils ne connaissent pas cette prière. La seule prière qu’ils connaissent est la suivante : nous sommes trois, tu es trois, aie pitié de nous.

Le théologien est épouvanté par le caractère primaire de cette prière et il passe la journée à leur apprendre le Notre Père. Les pêcheurs sont de bonne volonté, et arrivent à mémoriser cette nouvelle prière.

Quelques mois plus tard, lors du voyage de retour, le bateau fait une escale dans cette même île. Quand la terre est en vue, le théologien monte sur le pont, et se souvient de la rencontre avec les trois pêcheurs. C’est alors qu’une lumière apparaît à l’horizon en provenance de l’île. Elle semble grandir. Ce sont les trois pêcheurs qui se dirigent vers le bateau en marchant sur l’eau.

Ils se présentent au théologien et lui disent : pardonne-nous, mais nous avons oublié la prière que tu nous as enseignée. Nous disons : Notre Père qui est au ciel, que ton nom soit sanctifié… et nous ne nous souvenons plus du reste. Peux-tu nous répéter cette nouvelle prière.

Le théologien est bouleversé. Il leur dit : rentrez chez vous, mes amis, et quand vos priez, dites : nous sommes trois, tu es trois, aie pitié de nous.[5] Amen.

 



[1] Jésus juif pratiquant page 62

[2] prédication inconnue page 1 du 29 juillet 2006

 

[3] A. Capoul prédicaion du 12/12/2010

[4] citation d’un inconnu

[5] d’après Léon Tolstoï

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