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31 août 2013 6 31 /08 /août /2013 13:57

MAURICE ZUNDEL

HYMNE A LA JOIE

EXTRAITS

 

Les livres

 

(…)Il ne restait plus que les livres. Avec eux, aucune difficulté d’avouer mon ignorance, aucune nécessité d’aboutir à une conclusion, aucune mise en demeure de prendre parti avant qu’une conviction ait mûri spontanément, dans «  les chambres secrètes »[1] du cœur et de l’esprit. Avec eux, on peut, chaque matin, se remettre à l’école et faire un nouveau départ – a fresh start – dans un monde tout neuf.

Ils nous rendent, en effet, contemporains de tous les âges et de tous les génies, ils nous délivrent de notre insularité en nous initiant à d’inusuelles problématiques qui complètent et revitalisent la nôtre et en nous confrontant avec d’autres mentalités, d’autres échelles de valeurs, qui nous invitent à une salutaire auto-critique. Ils ne forcent jamais notre attention, nous laissant libres de leur donner audience ou de leur donner congé : ils nous induisent au silence, qui le maître des maîtres, puisqu’ils nous enseignent sans parler.

Quel repos, quand on est submergé par le bruit des contacts « humains, trop humains », de pouvoir s’entretenir avec les livres et de scruter, sous leur conduite et sans quitter sa chambre, la terre, le ciel ou la mer, les secrets de la biologie ou ceux du cœur humain, les arcanes de l’histoire  ou la psychologie si variée des langages !

On s’émerveille de la science toujours en mouvement de leurs auteurs, de leur patiente érudition, de leur probité dans la confession de leurs erreurs, de leur dépouillement devant l’objet en lequel ils s’effacent, de leur immortelle jeunesse dans l’ardeur avec laquelle ils poursuivent, chacun à sa manière, leur inépuisable itinéraire vers « le pays de la vérité ».

« Le pays de la vérité », notre vraie patrie, c’est vers lui qu’ils aspirent, vers lui qu’ils nous conduisent par cette traction qui les entraîne, de la circonférence où leurs disciplines se segmentent, vers le Centre où éclate pour tous « la même joie de connaître », dans la communion à cette Présence qui est la Vérité en Personne : que nul ne peut dire mais que chacun reconnaît, dès qu’empli de sa lumière il devient libre de soi.

Les livres, je leur dois cette conversation qui ne lasse ni ne blesse jamais, ce besoin de silence qu’ils nourrissent, ce tranquille bonheur qui n’est pris à personne, ce stimulant indispensable qu’ils ne cessent d’offrir à ma pensée et, dans les heures tragiques, la présence de l’éternel, dont ils sont la quête et le signe.

Je sais qu’il y a des livres qui ne valent pas d’être lus. Nul ne nous contraint à les lire et cela suffit pour échapper à leur impuissante intrusion dans un monde d’où le silence les rejette.

Mais il y en a tant d’autres, capables de nous enrichir, que j’ai toujours trouvé en eux, quand l’humanité devenait folle, la force d’espérer et de croire, malgré tout, en l’homme : à cause de ces meilleurs d’entre nous, qui, au-delà d’un absurde carnage, ne cessaient d’orienter nos regards et nos efforts vers « le pays de la vérité ». (…)



[1] comme aimait à dire notre ami Charles du Bos, dont vingt-cinq ans, depuis le 5 août 1939,nous ont rendu chaque jour plus précieuse la présence irremplaçable

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