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19 septembre 2012 3 19 /09 /septembre /2012 21:31

 Narbonne

DIMANCHE 13 mars 2011

Genèse 2, 7 – 9 ; 3, 1 – 7

Matthieu 4, 1 - 11

 

(D’après Antoine Nouis L’aujourd'hui de la création pages 100 et suivantes)

 

Introduction   : « Non, dis le serpent. Mais si vous en mangez, vous serez comme des dieux…. ». Les Ecritures ne font pas de cadeau au serpent, présenté comme un animal au regard dévoyé, un fourbe enjôleur qui présente tout sous un jour faussé. Il n’est pas le seul puisque nous retrouvons un adversaire de son acabit et dans la même attitude d’esprit dans l’Evangile: un regard et une compréhension de la parole proposés à l’homme pour l’inviter à se déplacer dans le doute, la négation de l’amour, pour que lui aussi voit les choses dans un vécu égocentrique. Et nous, quel regard posons-nous sur l’amour offert ? Une contrainte peut-elle nous en détourner ? Je n’aborderai pas aujourd'hui la notion d’historicité du récit de la Genèse, ni les mythes que le premier livre de la Bible offre à notre lecture. Il y a aussi, semble-t-il deux arbres au milieu du jardin selon Genèse 2, mais nous nous en tiendrons à l’affirmation de Genèse 3. Là aussi, les regards sont multiples et divergents et nous aurions pu en faire le sujet de notre méditation.  Dès le deuxième chapitre de la Genèse des regards autres, autres que celui du Dieu de la création, intervient : celui de l’homme, celui de la femme, et celui du serpent. C’est une liberté qui leur est offerte de choisir, de relire aussi ce qu’ils entendent, d’accepter ou de rejeter une contrainte aussi petite soit-elle. Toute l’histoire de l’homme est jalonnée de ces choix qui peuvent être décisifs, voire vitaux,  dans le face à face avec Dieu. Jésus lui aussi y est confronté comme le rapporte l’Evangile de Matthieu. On dirait notre propre histoire… là, susurrée à notre oreille : « si vous en mangez, vous serez comme des dieux… »

 

1) un jardin, liberté ou contrainte ? Adam se trouve dans un jardin abondamment arrosé. Une nature riche, luxuriante et prête à s’offrir aux mains expertes du jardinier. Adam, dans ce jardin, est invité à le cultiver et le garder, à le faire fructifier pour se nourrir, lui et sa famille. Dans ce jardin, on peut supposer, sans grand risque de se tromper, qu’il y a des arbres, beaucoup d’arbres, des milliers d’arbres et plus peut-être. Pourtant, l’un d’eux focalise toutes les attentions : celle du rédacteur du récit, celle des personnages de l’histoire qu’il écrit, mais aussi celle des lecteurs du texte : c’est l’arbre qui est au milieu du jardin. En effet, le Seigneur a dit… Au fait, si je vous posais la question : « qu’a dit le Seigneur ? », Comment répondriez-vous ? « Vous répondriez peut-être comme 90 %  des personnes interrogées : Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. ………  Un professeur indulgent donnerait à cette réponse une note de 10 sur 20 ; et un professeur sévère pourrait descendre jusqu’à 0,5 sur 20. Car cette réponse correspond soit à la moitié, soit au centième, voire au millième du commandement que Dieu a donné à l’humain. C’est comme lorsqu’on présente une feuille quadrillée blanche, avec un carreau noir, et qu’on demande ce qui est sur la feuille. Tout le monde répond : un carreau noir, alors qu’il y a 2519 carreaux blancs pour un seul carreau noir ! Il est en de même avec le commandement de Dieu. Le texte ne dit pas : Tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais, MAIS, Tu pourras manger de tout arbre du jardin, mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais, car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir. Ce n’est pas tout à fait la même chose de dire : tu peux tout faire… sauf une chose, et : Tu ne feras pas cette chose. L’humain est tellement obnubilé par l’interdit qu’il le met sur un piédestal, alors que l’Ecriture place la liberté en premier : Tu peux manger de tout arbre du jardin.

Le premier commandement que l’on  trouve dans la Bible est une parole de liberté. Tu peux manger de tous les arbres des jardins, des dizaines, des centaines, des milliers, des millions (je sais, peut-être que j’exagère, mais  je suis du midi et une fan inconditionnelle de Pagnol) des millions d’arbres qui sont autour de toi. C’est comme un roi qui partirait en voyage et qui laisserait son palais, immense, à son serviteur. Il lui dirait : tu peux profiter de tout, les salles, les entrées,  les cuisines, les tours, les cours, les jardins, les patios, les couloirs, les bureaux… tout. Sauf une seule pièce, celle où se trouve mon lit. Tu es ici chez toi, mais en respectant mon lit tu te souviendras que je t’ai confié ce palais ».

Antoine Nouis remarque que « Dans l’histoire, l’Eglise s’est plus préoccupée de préserver la seule chambre que d’autoriser l’accès à toutes les autres pièces. Elle s’est plus souvenue de l’interdit (elle en a même fait un catalogue) que du permis. L’Eglise s’est-elle seulement aperçue qu’avec ce discours, qui insiste mille fois plus sur l’interdit que sur le permis, elle a tenu le rôle du serpent ? »  C’est comme si elle avait dit : « quand bien même Dieu a dit que vous pouviez manger de tous les arbres du jardin, suivez mon conseil et n’en mangez aucun, afin de ne point pécher par inadvertance »[1]. Notre vie dans l’Eglise est une vie libre et si catalogue il y a, c’est celui de tous les possibles qui s’offrent à nous ; quel regard est  le notre ? Voyons nous  Dieu nous offrir des millions d’arbres, si, si, des millions, ou le serpent qui ne voit que celui qui est interdit ? Verrons-nous d’un  bon œil la proposition du serpent : vous serez comme des dieux ? Etre comme un dieu….

 

2) Etre comme des dieux :  Voici le commentaire que nous offre le pasteur Marie-Odile Miquel[2] sur cette alternative offerte par la bête rampante de la genèse aux humains : «Etre comme, c’est là le nœud du problème et ce que propose le serpent. En face de ce désir « d’être comme », Dieu, lui, crée l’homme à son image.  L’homme créé à « l’image de Dieu » n’est pas l’homme « comme Dieu » … Et c’est dans cette distinction subtile que tient  tout le travail spirituel de notre vie ! « Être comme », c’est se dissoudre dans une identité commune où rien ni personne ne dépasse, ne diffère, ne se remarque.  « Être comme », c’est abdiquer du désir d’être, de la responsabilité d’être, du travail et de la souffrance que cela implique parfois.  « Être comme », c’est la négation « d’être » tout simplement.  Or Dieu attend de l’homme qu’il devienne ce qu’il est, et non pas qu’il soit un vague clone parmi tant d’autres, si dramatiquement semblables.  Dieu nous veut debout, face au monde et en prise avec nous-mêmes. Uniques.  Il ne nous veut pas « comme ».  Il nous appelle, chacun par notre nom, un à un, enfant aimé, unique, différent, aimé parce que différent !!  Être, c’est donc répondre à ce que Dieu veut de nous, « être à son image ».  Être à son image, c’est être créateurs, créatifs, engagés dans notre monde pour faire jaillir le Royaume partout, et surtout là où on ne l’attend pas. C’est répondre par nos actes créateurs à son acte créateur initial.  Etre à son image, c’est nous reconnaître dans le Christ, repousser, à son exemple la tentation du pouvoir et de la toute puissance.  Être à son image, c’est accepter, justement de ne pas « être comme ». C’est nous accepter uniques, différents, jusque dans nos faiblesses.  Accepter de ne pas être tels que nous aimerions tant être, si forts, si puissants, si parfaits ! « comme » des héros, des puissants, des parfaits. (…) »

 

Dans la Genèse, l’homme et la femme, dans l’éclatante force d’une création que Dieu trouvait très bonne, dans un milieu hospitalier et agréable,  ont préféré tourner leur regard vers l’inhumanité : ils ont aspiré à devenir comme des dieux et ce désir est né parce qu’ils ont choisi de regarder, si je puis utiliser l’expression et je trouve qu’elle n’a jamais été aussi bien explicative, ils ont choisi de regarder l’arbre qui cache la forêt, la luxuriante forêt de tous les possibles de leur humanité.

 

Jésus lui, dans la faiblesse d’un jeûne prolongé, dans la chaleur accablante d’un désert moyen-oriental, a choisi de rester homme, totalement homme et de poser sur les Ecritures un regard d’homme. Il nous ouvre la voie ; il assoie notre vocation à être à son image, à l’image de Dieu tel que nous sommes, nous, les humains.

Conclusion :  En conclusion, je vous propose de réviser un contrat signé il y a longtemps, que nous pourrions appeler « le contrat de Faust[3] » Voici ce qu’écrit Xavier Emmanuelli :

 

La légende de Faust raconte l’histoire d’un homme qui a vendu son âme au diable pour satisfaire son désir de jouissance et sa curiosité intellectuelle.

Dans notre civilisation, tout se passe comme si le serpent avait rencontré l’homme occidental il y deux siècles, et lui avait proposé le marché suivant : Tu auras la puissance, la connaissance du bien et du mal, le bonheur et le secret de la Création, et tu pourras ainsi renoncer à Dieu. Tu te déplaceras où tu voudras sur la mer et dans les airs, tu exploreras les limites du monde et tu contrôleras la matière, tu seras informé en direct de tout ce qui se passe partout. Tu posséderas tout, et la terre sera ton royaume. Tu pourras nourrir des milliards d’hommes, tu perceras les secrets du vivant, tu pourras guérir les maladies et réparer la vie. Tu auras le froid et le chaud, le confort et la liberté sexuelle.

Nous avons signé le contrat de Faust, et le serpent a tenu parole. Nous avons tout : la science, la connaissance, la puissance, et l’abondance.. ; mais nous avons perdu le sens.

- l’humain connait l’univers, mais il ne sait pas à quoi il sert.

- il a percé le secret de la vie, mais il a perdu le sacré de la vie.

- Il peut communiquer avec le monde entier, mais il n’a jamais été aussi seul.

- il peut produire de la nourriture en abondance, mais il n’a pas appris à la partager.

Ne serait-il pas temps de déchirer le contrat que nous avons signé avec le serpent, pour nous tourner vers le créateur et retrouver la vraie place qu’il nous appelle à tenir dans son jardin ? »[4]

 



[1] Antoine Nouis « Aujourd’hui de la création » page 101

[3] Antoine Nouis l’aujourd’hui de la création

[4] d’après Xavier Emmanuelli J’attends quelqu’un p. 107-108

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