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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 19:48

 

CARCASSONNE

                                 Dimanche 17 juin 2012

EZECHIEL 17, 22 - 24

MARC 4, 26 - 34

 

 

Introduction  :Quelques petits versets qui racontent une histoire de graines minuscules. Une bien petite semence qui tient dans le creux de la main. Une histoire agricole ou potagère tout à fait banale. Tout parait si simple dans ces paraboles : « D’elle-même la terre produit du fruit » et « le grain devient un arbre ». Le semeur sème, la semence va pousser jusqu’à la récolte, la petite graine va devenir assez grande pour que son feuillage et ses branches deviennent abri où se poser. Dans les deux cas, les semailles ont une production assurée. Deux paraboles optimistes ; comment les lire ? Daniel Marguerat écrit : « Le texte biblique dépayse, il invite à faire un voyage en soi. Il est comme un gisant, venu du fond des âges que la lecture réveille : ce qu’il dit est à la fois étrange et familier, car il parle de Dieu et de nous, mais pour ouvrir des horizons que l’on n’attendait pas »[1]. Sur terre, l’horizon semble bouché, l’avenir incertain, que peut donc apporter de nouveau le texte biblique ? Il est un contrepoids à l’inquiétude inhérente au cœur de l’homme ou selon une expression très parlante de Félix Mosser, professeur de théologie pratique, il est un antidote à  l’inespoir. Car, la semence, dit Jésus tout au début du chapitre 4, c’est la Parole de Dieu. La parole reconstruit un regard neuf sur nos vies et nos questionnements. Là où nous vivons une attente pesante et paralysante,  la parole réinvente cette attente pour nous la faire désirer. Là où nous sommes démoralisés par la petitesse de nos capacités face à l’immensité de l’abime sans fond de ce qu’il y a faire, elle proclame que le petit d’aujourd’hui sera demain capable d’être grand. Nous en parlerons ce matin d’abord avec le contexte de notre lecture, puis avec l’attente du semeur revisitée par cette parole et enfin, avec le minuscule grain de moutarde, nous rétablirons à sa juste place la notion de petitesse. Un antidote à l’inespoir ?N’en doutez-pas.

 

1) contexte, généralités :

 

Juste avant notre texte, l’évangéliste a placé la parabole du semeur, vous savez, celui qui sème, il faut bien le dire, un peu n’importe où, même dans les cailloux, ou carrément sur le chemin d’à-côté, ce qui a du faire naître quelques sourires de réserve  sur la bouche de certains de ses auditeurs ; ceux-là, n’y voyant qu’une histoire champêtre n’ont pas compris que le semeur sème large, que la semence de la parole doit être plantée partout. Et qui plus est, l’on peut envisager qu’une semence puisse se multiplier 30, 60 et même 100 fois… même s’il y a des pertes… Le contexte est donc une invitation à contempler comment la parole croit, se développe, grandit, devient féconde… La parole ensemencée, dissimulée dans la terre de chair où elle est tombée,  est vivante ; Jésus nous encourage ici à manifester la foi du laboureur ou celle du jardinier. Sème : la parole poussera et peut-être d’une façon inédite dans un lieu où tu ne l’attendais pas.

Alors pour que nos paraboles restent baume apaisant et structurant pour nos cœurs, nous n’entrerons pas ce matin dans des considérations agronomiques sur la technique de plantation et la façon dont une graine se développe en terre, et nous n’ergoterons pas sur la grandeur ou la hauteur d’un moutardier arrivé à maturité. Là n’est pas l’intention de Jésus. Si erreur botanique il y a, que nous importe. Les paraboles ne sont pas des leçons de science, mais l’affirmation que le règne de Dieu est pour aujourd’hui, ici, dans ma vie, dans la vôtre ; qu’il peut y déposer tous ses dons et toutes ses promesses et que l’attente du semeur n’est pas un temps de vide, inutile et inhabité où tout serait arrêté jusqu’à la récolte ; il devient un temps de disponibilité. La semence enfouie est une dynamique invisible mais en pleine action. Il faut, sans impatience, sans hâte et sans inquiétude attendre qu’elle vienne à maturation.

 

2) « inespoir » face à l’attente

 

Ah, l’attente ! Notre XXIe siècle est celui où l’on doit produire vite et beaucoup avec des techniques dites « de pointe » pas si tôt mises au point qu’elles sont déjà dépassées par plus performantes qu’elles : progrès, croissance, développement, expansion sont les mots d’ordre associés à un rythme effréné, (et ce serait encore mieux si on pouvait aller aussi vite que la lumière, n’est-ce pas ? et pourquoi pas plus vite ?…) ; notre siècle est aussi celui de l’anticipation futuriste où l’imagination peut gonfler la pensée jusqu’à l’extravagance.  On n’a pas encore terminé un projet que mille autres déjà voient le jour… avec leurs lots d’impatiences, d’inquiétudes, de questionnements, de recherches tout azimut sans compter l’anxiété et la fébrilité que tout cela induit… L’attente pour nos contemporains c’est de l’inutile, de l’inefficace, de l’improductif.  Elle devient une espèce de torture de l’esprit. Ils veulent tout, tout de suite, pour eux en premier évidemment et si c’est indispensable, au détriment de tous les autres. L’attente est vécue le plus souvent comme un échec. Envisager d’attendre c’est reconnaître que l’on est un perdant. Il n’en est pas question.

 

Mais voilà, l’attente suscitée par le Royaume qui ressemble à l’homme qui sème est bien différente. Ici « que l’homme dorme ou soit debout, la nuit et le jour la semence germe et grandit et il ne sait comment ». Dieu travaille de façon cachée, dans le champ où la semence de vie est déposée. Elle est enfouie mais pas étouffée, fragile mais résistante à toutes les intempéries, indépendante de nos pauvres efforts humains. Le Royaume de Dieu est une affaire de mûrissement, de longue maturation. C’est une affaite de patience et d’attente où rien ne dépend plus de l’homme qui a semé ; s’il vient voir la terre, peut-être l’arroser, dessous, ce n’est plus lui le patron. Une attente confiante, patiente et sereine pendant laquelle le semeur vaque paisiblement à ses occupations journalières, et prépare aussi la moisson : il affute les faucilles, il dépoussière les sacs qui vont se remplir, il prépare les silos, il  organise l’équipe de moissonneurs mais il pourrait tout aussi bien prendre du repos. Il vit. La parabole baigne tout entière dans un regard tourné vers un avenir plein de promesses cachées. Pas d’horizon bouché, pas de peur du lendemain : un avenir ouvert sur une récolte prévue et qui pourrait bien fructifier au-delà de toute espérance. 30, 60, cent fois plus... Luther fait un résumé saisissant de cette tranquille attente : « Le soir je vais dans ma chambre, je jette les clefs aux pieds de mon Seigneur Dieu en lui disant : Seigneur, c’est ton affaire et non la mienne.  La parole doit agir et non pas nous, pauvres pécheurs. Je la veux prêcher, je la veux la dire, je veux l’écrire. Mais seule la  Parole doit œuvrer et elle le fait quand je dors et quand je bois de la bière avec mes amis. (…)»

 

3) le petit qui ne voit rien grandir : de l’inespoir à l’espérance

 

Quant au grain de moutarde… Le Royaume de Dieu y est comparé à une minuscule semence.  D’un commencement insignifiant surgit au temps de la floraison, un arbre, certes, pas un cèdre immense comme ceux devant lesquels nous nous extasions parfois en levant la tête au risque du torticolis, mais un arbre, assez grand cependant pour en être étonnant si l’on se remémore la minuscule graine qu’on pouvait tenir entre deux doigts. Un arbre qui n’étend pas ses branches jusqu’au bout du monde, même s’il est plus grand que les plantes potagères du jardin. Et qui plus est, c’est un arbre hospitalier. La Parole n’est-elle pas accueil ? Semée minuscule dans le cœur de l’homme, ses premiers pas y sont invisibles et elle se développe même à l’insu de celui qui la porte. Elle grandit, prend forme, ses ramifications s’élargissent pour devenir lieu de vie. Dans le jardin du monde, de notre monde où tant de graines ont produit des erreurs de la nature mortifères, où tant de plantes et d’arbres dépérissent sans espoir de guérison, comment ne pas s’émerveiller de cet arbre accueillant d’où jaillissent les chants des oiseaux qui s’y sont posés ? Je vous laisse le soin de nommer ces oiseaux et leurs chants, chacun selon sa vue et son oreille,  chacun en son époque. Le moutardier de notre parabole c’est celui de l’espérance, perspective pas encore et pourtant déjà là du Royaume de Dieu en action, antidote à l’inespoir.

 

3) notre rôle :

 

C’est ainsi que les paraboles ouvrent pour nous des horizons nouveaux. Nous qui sommes souvent dans l’action à tout va, ou dans le découragement face à l’ampleur de la tâche à accomplir, il est rare que nous vivions sereinement les heures de nos vies. Il y a tant à faire ! Tant de pauvres, tant de malades, tant d’étrangers, tant de prisonniers, tant de lieux où Jésus est et où nous voudrions le rejoindre.

 

Alors voilà l’inédit pour nous : Il faut juste accueillir la semence dans la terre de notre cœur et aussi, c’est selon, mettre la semence ou le grain en terre, dans NOTRE champ ou NOTRE jardin. C’est là notre part de travail : soit être terre fructifère, soit semer, semer sans retenir la main ou le bras tout autour de nous puis entrer dans le repos de Dieu. La semence va pousser et grandir hors de nous ou en nous. Cela ne nous exempte en rien de travailler, Luther en est un exemple remarquable. Car dans sa vie il n’a pas fait que dormir et boire de la bière… Dans ces deux paraboles, seule la croissance est envisagée ; tous les aléas envisageables sont occultés. Le lecteur est juste invité à regarder le Royaume de Dieu grandir, à contempler l’accomplissement de la promesse depuis ses petits commencements. Et à prendre sa part dans ce royaume, chacun, tel qu’il est, avec ce qu’il est. Une histoire dans notre vie de semailles et de semence. Après, Dieu prend la relève. Dieu merci, oserais-je dire !

 

Conclusion :

 

En conclusion, écoutons la courte méditation qu’Henri Lindegaard a écrit sur la parabole du grain de blé. Elle est intitulée :

 

Tombé à terre.

Il faut que le grain tombe

Se laisse couvrir de terre

S’enfonce dans l’obscurité.

 

Ce qui se produit alors est merveilleux :

Craquent les écorces,

Craque le terrain,

Et apparait la double spirale de la vie.

 

Un double mouvement,

Vers le haut et vers le bas,

Vers l’aventure et vers l’approfondissement.

Aventure vers le haut :

Deux feuilles comme deux mains ouvertes pour prier.

Approfondissement :

Des racines qui s’enfoncent dans les couches horizontales.

 

Il faut la louange et la présence au monde.

C’est la racine qui alimente la feuille,

Et c’est la feuille qui permet à la racine de respirer.           

(Jean 12)


[1] Daniel Marguerat « J’habiterai chez toi »

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1 juillet 2013 1 01 /07 /juillet /2013 22:41

DIMANCHE 22 FEVRIER 2009

ESAIE 43 ,18 - 25

2 CORINTHIENS 1, 18 - 22

MARC 2, 1 - 12

 

Introduction : Nous voilà à Capharnaüm. Une petite ville de pêcheurs, au nord-ouest de la mer de Galilée. C’est là que Jésus appela Pierre et son frère André, ainsi que Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Matthieu y a été collecteur d’impôts. Les récentes découvertes en archéologie conduisent à penser qu’un millier de personnes vivaient là[1]… c’était si je puis employer ce mot, un  centre industriel de pêche[2], les bateaux sur la rive, les filets étendus ou en réparation. Mais c’était aussi une petite cité cosmopolite, où vivaient pas mal d’étrangers, près d’une route à grand passage et d’un poste frontière. Et entourée comme elle l’était, de terre étrangères, les galiléens portent en eux un gène de combat et de défense car les invasions furent nombreuses. Ce sont des gens qui ne baissent pas facilement les bras[3]. Ils ont l’habitude de vivre quasiment en autarcie : ils produisent tout ce qui leur est nécessaire pour vivre et sont donc relativement indépendants. Et que dire du nom de cette petite ville ! Kfar Nahum : village de la compassion, de la consolation… et combien approprié dans l’épisode que nous avons lu. Car nous allons parler de compassion, de solidarité, de miséricorde et de pardon ce matin.

 

 

 

 

 

1) un acte de solidarité exemplaire

 

- les circonstances autour de l’histoire : voyons ensemble plus de détails sur cet épisode. Jésus est « à la maison ». Il serait tentant de dire qu’il s’agit de la maison de Pierre où Jésus a guéri sa belle-mère dans le chapitre 1, mais il y a d’autres thèses ; nous n’irons donc pas plus loin sur cette question. Toujours est-il que Jésus est là, « à la maison ». Dès le premier chapitre, Marc le décrit comme un thaumaturge :il guérit toutes sortes de maladies y compris la belle-mère de Pierre, guérison instantanée qui la met debout capable à nouveau de faire son travail dans la maison ; il guérit même la lèpre ; il chasse les démons ; et il proclame aussi « le message »… Sa notoriété le précède et la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre… Il est à « la maison ». Des scribes sont arrivés, pour parler avec lui et se sont installés, bien assis, prêts à la discussion. La maison s’est remplie au point qu’il n’y avait plus de place, même devant la porte.

 

- les maisons en ce temps-là[4] : Comment était donc cette maison ? On peut penser à un gros cube construit en terre, de forme régulière, et blanchi à  la chaux. Pour les plus pauvres, une pièce unique, pas très grande et sans fenêtre. Tous vivaient là, hommes et animaux. On accédait au toit en terrasse, légèrement incliné pour l’écoulement de l’eau par un escalier extérieur, un toit en général fait de terre, solide et durcie et consolidée avec des branchages et de petites poutrelles de bois.

La maison est donc pleine, une foule se presse autour de Jésus et fait véritablement barrage pour quiconque voudrait l’approcher. Et justement voilà un petit groupe qui avance lentement avec un lourd fardeau et il est évident qu’il ne verra pas le héros du jour s’il s’obstine à vouloir passer par la porte.

 

- les amis ingénieux : Je l’ai déjà dit,  les Galiléens sont des personnes résolues et combattives. Quatre hommes vont nous le confirmer. Ils portent un brancard, sur lequel git un paralytique. Ils ont autant de courage que de suite dans les idées.  Ils sont convaincus, déterminés, ils ne reculeront devant aucun obstacle. Nous ne saurons jamais leur nom, ni celui de l’homme qu’ils portent à bout de bras. C’est déjà extraordinaire qu’ils se soucient de cet homme là, car du temps de Jésus, la maladie est étroitement associé au péché. Il a péché, et si ce n’est lui, c’est forcément quelqu’un de sa parenté. C’est un pestiféré, en quelque sorte, à qui toute vie sociale et religieuse est refusée. Il est condamné, par les mœurs de l’époque, à rester là, dans son brancard jusqu’à ce que mort s’en suive. Mais voilà, des hommes pensent qu’il y a un espoir, une possibilité que sa vie soit transformée, qu’il peut guérir grâce à Jésus et dans leur détermination, les voilà qui montent sur le toit et qui y font un trou ! imaginez ces hommes, grattant la terre durcie, écartant les bouts de bois, s’écorchant les mains sans se plaindre jusqu’à ce qu’un trou soit assez grand pour faire passer le brancard. Imaginez la coordination qu’il faut à quatre, pour descendre le brancard avec des cordes à chaque coin. Il faut faire attention à lâcher du lest tous en même temps pour que le paralytique ne tombe pas. Il faut être un peu  fou pour  entreprendre une telle tâche mais qui n’aimerait pas avoir des amis, des parents de cette sorte-là prêt à tout pour nous ? Ce n’est pas pour eux qu’ils veulent un miracle, mais pour celui qu’ils transportent. Oui, quelle affection, quel amour magnifique !

Et dessous, on  a du se poser pas mal de question quand la terre a commencé à tomber sur les uns et les autres, quand peu à peu le jour à pénétré par le toit dans la maison, puis que le brancard est apparu, avec son chargement immobile,  jusqu’à se poser sur le sol, tout près de Jésus. ……………………………….

 

2) la guérion, porte ouverte sur le pardon :

 

- inattendu : Alors, voyant leur foi, Jésus dit au paralytique : « Mon enfant tes péchés sont pardonnés ». Mais qu’est-ce qu’il dit ? C’est pour une guérison qu’ils sont venus ! Voyez un peu la tête des personnes présentes : celle du malheureux sur son lit de souffrance ; il n’a rien demandé mais ce qu’il veut c’est être guéri ; celle de ses amis dont la tête apparaît dans l’espace manquant du plafond :  tant d’efforts pour entendre cette parole ! Celle de la foule qui n’y comprend rien et aussi celle des scribes, offusqués, choqués, complètement médusés : il blasphème ! Seul Dieu peut pardonner les péchés. Mais pour qui se prend-il celui-là ?

 

- Jésus porteur du pardon de Dieu : Jésus, lui, a vu l’incroyable effort de ces hommes, la souffrance du malade, il a lu dans leur cœur la foi qui les anime, la certitude de la guérison… et rien ne peut le prendre de court : un  malade arrive par le plafond, c’est de l’insolite pur,  mais l’inattendu ne le laisse pas sans voix ni réaction ; son cœur déborde d’amour et de compassion pour tous les souffrants. Alors délaissant ce qu’il était en train de faire ou de dire, nous ne savons pas, il va, avec le support d’une guérison, annoncer le pardon, sans que l’homme ne fasse quoi que ce soit, pas de sacrifices, pas de prêtres,  pas non davantage de Temple, et il n’a même plus besoin du jour du « grand pardon » le Yom Kippour pour dire le pardon de Dieu.[5] Des paroles qui saute comme de la dynamite au visage des scribes assis-là. C’est intolérable, c’est inadmissible. Il efface d’une parole tout le système religieux mis en place, tous ceux qui le soutiennent, et fait voler en éclat toutes leurs certitudes religieuses. Et dans leurs cœurs, ça bouillonne de colère et d’indignation………………………………………..

 

« Qu’y a-t-il de plus facile, de dire au paralysé : tes péchés sont pardonnés ou bien de dire : lève-toi, prends ton brancard et marche ? pour que vous sachiez que le fils de l’homme a l’autorité pour pardonner les péchés sur la terre, il dit au paralytique : je te le dis, lève-toi, prends ton brancard et rentre chez toi ». L’homme se leva, prit aussitôt son grabat et sortit devant tout le monde »…

 

- il y là plus qu’une guérison : Mais voir dans cet épisode une simple guérison, ce serait un peu  court. Car l’homme n’est pas seulement guéri, il est aussi rétabli dans sa relation avec Dieu, avec les autres et avec lui-même. Il va retrouver une place dans la vie sociale et religieuse de sa ville… Il aura accès au Temple… il va pouvoir vivre tant de choses maintenant. Il m’arrive de me dire  que j’aurais sauté ou peut-être crié de joie à la vue de la guérison si j’y avais assisté… mais ce pardon donné, que m’aurait-il fait ? Dimanche après dimanche, j’entends le rappel de volonté de Dieu à mon égard, la prière de repentance où je confesse tout ce qui m’éloigne de Lui et je reçois la parole de pardon… Suis-je vraiment consciente de ce qui se joue là, est-ce que j’en mesure vraiment la portée ? Recevoir le pardon de Dieu, c’est comme recevoir la vie une nouvelle fois, c’est une nouvelle naissance ; c’est renouer le dialogue avec Lui, c’est aussi vivre lucidement. Croire que Dieu me pardonne, croire qu’il prononce pour moi sa parole de vie et d’accueil, croire qu’il m’aime avec mes faiblesses, mes erreurs, croire, tout simplement… je suis comme ce paralysé, clouée sur mon brancard de préjugés, d’idées toutes faites, empêtrée dans mes deuils, mes souvenirs, mon passé, entravée dans mes rapports avec Dieu, les autres et moi-même. [6],

 

 - aujourd'hui : Chaque jour, aujourd'hui, Dieu m’accueille et m’accorde son pardon. « Chaque jour, je commence avec entrain » disait Antoine, un père du désert, et mes chères sœurs à Pomeyrol commencent² chaque jour « une neuve journée ». Jésus a toute autorité pour libérer les humains des puissances qui corrompent et détruisent l’œuvre de Dieu. Il a autorité pour guérir extérieurement et intérieurement. Il me rend présent le règne de Dieu par sa parole libératrice. En Jésus, la souveraine liberté de Dieu est présente et en action. Et elle me met debout. E T     V O U S  ? …………………………………………

 

 Conclusion : « C’est l’image d’un l’enfant qui tient un ballon au bout d’une ficelle. Nous sommes l’enfant et Dieu est le ballon. Par notre péché, nous coupons la ficelle qui nous relie à Dieu. Mais par son pardon, Dieu rétablit la relation en faisant un nœud sur la ficelle. Comme chacun le sait, une ficelle sur laquelle on fait un nœud est plus courte qu’avant ! Ainsi, chaque fois que Dieu nous accorde son pardon, la ficelle se raccourcit et nous sommes plus près de Lui »[7]……………………………

 

Ecoute le Seigneur, aujourd'hui, ici, il te parle : « lève-toi, prends ton brancard et marche » ……………………………………………………………………………………………………..



[1] Les premiers temps de l’Eglise p.290

[3] le monde où vivait Jésus page 81

[4] voir les notes en annexe

[5] Antoine nouis « l’aujourd'hui de l’Evangile » page 63

[6] célébrer.ch

[7] L’aujourd'hui de l’Evangile page  62

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10 juin 2013 1 10 /06 /juin /2013 10:20

 

je suis émue au souvenir de ce dimanche où la chorale de Walheim a illuminé le culte de sa participation. Pour une prédicatrice en herbe, plus de cent personnes au culte, c'était fichtrement étonnant ! Je ne me lasse pas de demander au Seigneur qui'l guide vers notre paroisse un(e) musicien, bien posé à Narbonne, et qui nous porte et nous accompagne dans nos chants dimanche après dimanche.

 

 

DIMANCHE 7 JUIN 2010

 MATTHIEU 28, 16 - 20

 

Introduction : Matthieu termine son évangile comme il l’avait commencé, en direction de Dieu et en direction des hommes . Le Christ glorifié, le Sauveur du monde, le vainqueur de la mort affirme maintenant, au terme du parcours et en présence de la communauté croyante, qu'il est avec nous jusqu'à la fin du monde.

 

Les disciples : Pourtant, les disciples, sur cette montagne, ce n’est pas vraiment l’Eglise triomphante[1]. Ils sont là, sur cette montagne dont nous ne savons pas le nom, qui rappelle à n’en pas douter  toutes les montagnes dont parlent les Ecritures, le mont Sinaï, le sermon sur la montagne, la transfiguration... Ils sont là, et dès que Jésus apparaît, ils adorent. … ils adorent mais….. certains doutent ! cette petite remarque souligne discrètement la réalité de la vie chrétienne à laquelle nul ne peut échapper :  deux sentiments toujours mêlés : foi et doute, certitude et incrédulité, inébranlable conviction et inévitable hésitation. Dans le Nouveau Testament, le doute ne se manifeste jamais chez les incroyants mais toujours dans la vie des disciples, comme il se manifeste souvent dans la mienne, et aussi dans la vôtre, probablement. Il ne faut pas en avoir honte ; ce n’est pas une faute, ce n’est pas un péché, c’est l’inévitable condition du disciple. Mais c’est précisément dans ces moments de grande fragilité où la foi et le doute ensemble, nous saisissent, que le Seigneur nous donne rendez-vous et se tient là,  devant nous, non pour nous accuser et dénoncer notre inconstance ou nos errances, mais pour nous rencontrer et nous confier l’annonce de l’évangile au monde. [2] L’Evangile est puissance de vie, l’Evangile est présence. « Je suis avec vous » dit Jésus.

 

2) Dieu avec nous : Dieu est présent à travers les actes, les gestes, les paroles de son Envoyé. Dieu est présent dans l’amour que porte Jésus aux mal-aimés de son temps. Dieu est présent dans l’engagement qui va jusqu’au don de soi pour ceux que l’on aime. Dieu est présent sur la croix. Dieu est présent dans le cri même de ceux qui se sentent abandonnés. Dieu est présent là où les disciples n’ont vu qu’absence et vide. Le Dieu dont Jésus nous a montré le visage a été présent tout au long de l’histoire de son peuple. Il était présent en Egypte au temps de l’esclavage et dans l’exode vers la liberté. Il était présent dans le désert au temps des fatigues et des murmures. Il était présent au temps de l’installation dans la terre promise comme au temps de l’humiliation de l’exil à Babylone. Tout au long de l’histoire d’Israël retentit le refrain de l’alliance de vie : « vous serez mon peuple et je serai votre Dieu »[3]. Tout au long de cette histoire Dieu déploie sa fidélité, et la ténacité de son amour, envers un peuple insatisfait qui voulait un Dieu plus visiblement présent, et moins exigeant à l’égard des siens. La fidélité de Dieu s’est révélée de façon claire et forte dans l’histoire de Jésus et bien sur, dans l’évènement de Pâques, où cette histoire rebondit en une promesse offerte aux disciples de tous les temps, à l’Eglise de partout et de toujours : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Aucun lieu dans ce monde n’est à l’écart de son action de salut. Alors Jésus dit : Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples ».

 

         3 ) un défi à relever : il y a ici, pour nous, chrétiens, un grand défi à relever : ce Jésus qui est parti, et qui est avec nous tous les jours, nous avons à le rendre présent à travers notre foi, dans la cohérence de nos paroles et de nos actes, à travers nos chants aussi. Aujourd’hui, Jésus est présent quand les siens pratiquent sa Parole, gardent ses commandements et le suivent sur le chemin de vie qu’il a balisé.[4] Le chrétien s’investit dans sa façon de dire et de manifester son Seigneur aux autres. Notre parole et notre engagement témoignent d’une présence d’amour à celles et ceux qui aujourd'hui se sentent abandonnés. Notre mission est de rendre l’espérance de Pâques aux crucifiés d’aujourd'hui, à tous ceux qui sont humiliés, délaissés, démunis, souffrants. Personne n’est exclu de l’amour de Dieu. Vous qui peinez dans les contradictions de la vie, qui êtes peut-être découragés, qui vous heurtez à des murs qui vous blessent, sachez que la situation que vous êtes en train d’affronter n’est pas le dernier mot qui est prononcé sur votre vie ; le dernier mot du Christ crucifié et ressuscité c’est : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », avec vous dans les déserts de la vie, où l’amour s’est raréfié, asséché ; avec vous les malades, les mal-aimés, les angoissés, les isolés, les solitaires. Comme Pâques après vendredi-saint, l’histoire de votre vie peut rebondir vers un autre avenir. Au point limite de nos épreuves, c’est là que commencent nos résurrections. C’est le chemin qu’ont suivi les disciples : de Pâques à Pentecôte, c’est le temps et l’espace à parcourir pour mourir et renaître à la vie. De la tombe vide jusqu’au don de l’Esprit. Anne-Lise de Ramp Descamps disait : « Pâques, c’est la protestation de Dieu. Pâques replante l’espérance déracinée, Pâques reconvoque le Royaume congédié. » De Pâques à Pentecôte, c’est l’espace nécessaire à la Grâce de Dieu pour se faufiler dans le cœur et l’intelligence des disciples.[5]

 

         Conclusion : allez et faites des disciples : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre ». Mais soyez rassurés ; notre vocation n’est pas assortie d’une obligation de résultat car aucun de nous ne maîtrise les effets de la Parole de Dieu qu’il nous est demandé d’annoncer. Jésus, seul, a le pouvoir de toucher les cœurs. Nous, ses disciples, nous disons simplement les paroles et les actes qu’une multitude d’hommes et de femmes ont médités depuis deux mille ans et  qu’ils ont reçus comme étant la Parole de Dieu.  Ils l’ont laissé agir en eux pour y discerner l’appel à se mettre en marche, à devenir témoins d’un amour qui les dépassait,  à s’aventurer avec leur foi et leurs doutes, leurs forces et leurs faiblesses sur le chemin du service et de l’annonce de l’Evangile. La Parole de Dieu,  trace en nous  le chemin  sur lequel le Ressuscité, le Christ vivant, nous conduit au rendez-vous qu'il nous a donné, ce matin. Pardonnés, libérés de tout ce qui nous écrasait et retenait notre joie, il nous envoie à la rencontre du monde pour manifester son Royaume de justice et d’amour. Alors, chers amis, gardez bien plantée dans vos cœurs sa promesse certaine : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

 

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30 avril 2013 2 30 /04 /avril /2013 09:33

Narbonne DIMANCHE 28 NOVEMBRE 2010

ESAIE 2, 1 - 5

ROMAINS 13, 11 - 14

              MATTHIEU 24, 37 - 44

 

Introduction : Voilà des textes qui résonnent à nos oreilles du 21ème siècle comme une musique anharmonique, plutôt grinçante à la limite du supportable ! Non pas qu’elle ne soit pas une bonne musique, la partition est canonisée et l’Auteur reconnu de tous, mais comment l’entendons-nous ? L’avènement du fils de l’homme ? les temps sont proches ? Montons à la montagne de l’Eternel ? …. Des textes que d’aucuns utilisent pour faire peur, pour engranger des paroissiens, des œuvres supposées de salut et des dons financiers, pour aussi creuser un abîme, ou monter un mur bétonné entre les bons et les méchants, les justes et les injustes tels qu’ils les ont eux-mêmes définis. L’Evangile n’est-il pas bonne nouvelle, promesse, espérance ? Je le crois. Comment donc entendre ces textes aujourd'hui ? Comme une symphonie puissante avec un thème à la fois fort et sensible ou bien est-ce une partition mal fagotée ? Ce matin, puisque nous sommes le premier dimanche de l’Avent, nous les écouterons, en concert, avec quelques explications pour en comprendre les dissonances ; et, en finale, un conte de noël, avec pour dernier accord….  mais nous en sommes pour le moment à l’ouverture.    

 

1) les textes : 

 

- Esaïe : Prélude : le texte d’Esaïe présente la vision d’un mont Sion qui rassemble tous les peuples dans une paix idyllique initiée non par les hommes, mais par Dieu. On y voit les hommes venir en pèlerinage vers le lieu où Dieu se manifeste dans sa gloire et sa justice. Le mont Sion pour Esaïe, c’est le lieu d’où sort la parole. C’est le lieu où Dieu se manifeste dans sa justice. Israël, dans cette attente, vit chaque jour sous la loi de 613 commandements qu’il faut observer pour espérer vivre la réalisation de la promesse. Ces dernières mesures résonnent comme un grincement à mes oreilles.

Qu’en est-il donc pour nous, nous qui sommes venus à la suite de Jésus le christ, mort et ressuscité ?  « Pour nous, cette justice promise s’est manifestée en la personne de Jésus. Avec sa mort et sa résurrection, le mont Sion a cédé le pas à la colline de Golgotha où nous sommes transformés par la Grâce et solidement ancré en Christ »[1]. La loi est accomplie. La grâce est  offerte. Alors monte comme une vague le thème de la partition : Dieu est là, il offre une espérance. Ma vie l’accueille-t-elle ?

 

- Paul :  Scherzo : les paroles de  Paul aux Romains. Elles pourraient être lues de façon dualiste, tout en noir et blanc, et on les écoute avec l’envie de se boucher les oreilles. Quelle est donc la pensée de Paul ?  La nuit est avancée, le jour approche dit-il. « Une opinion largement répandue, c’est qu’aujourd’hui le monde va mal. Notre planète est malade, la pollution a atteint des seuils-limites. L’économie est en crise, le chômage progresse, les partis extrémistes de tous bords ont la cote. Les guerres prennent des dimensions toujours plus inquiétantes et les armes nucléaires prolifèrent. Et ne parlons pas du terrorisme ! Face à ces scénarios-catastrophes, Paul tient un langage qui va à contrecourant. A la nuit succédera le jour. L’avenir qui nous attend est celui de la présence de Dieu. Pourtant l’optimisme de Paul n’est pas naïf ; il discerne la nuit, et il sait que nous y sommes encore. Seulement, il a foi en un Dieu qui nous aime et qui nous arrachera des ténèbres dans lesquelles notre monde semble s’engouffrer. Il perçoit  déjà les premiers rayons d’un jour nouveau. Le thème remonte doucement, tout doucement dans la musique grinçante, jusqu’à son point d’orgue : Jésus Christ a été le premier rayon de ce jour. Il a déjà commencé à briller dans notre vie quand nous l’avons accueilli comme Seigneur, même si nous vivons dans un monde où il fait encore sombre. »[2] Les paroles que Paul adresse aux Romains convertis, tout droit sortis des débauches d’une civilisation en fin de parcours, ces paroles-là  sont très dures ; le violon joue, on dirait la porte d’un château des Carpates, qui gémit sur l’immensité d’un hall démesuré. A nouveau, en fond, comme un renouveau derrière la musique lugubre monte l’appel de l’espérance. Car, à travers Jésus, le Christ, la promesse de Dieu nous rappelle l’espérance du jour qui point à l’horizon et dans l’attente de ce jour, elle nous interdit la résignation, les « a quoi bon », les « il n’y a rien à faire »…. Dieu est là, il offre une espérance, une espérance qui peut remplir ma vie.

 

- Matthieu : Gigue : le chapitre 24 de l’évangile de Matthieu est celui de tous les dangers d’interprétation, comme les précédents d’ailleurs. L’annonce d’un temps ressemblant à celui du déluge dont parle la Genèse, la destruction de nombreuses personnes, 1 sur 2, dit le texte, encore que ces statistiques là sont quand même plus optimistes que les 8 personnes rescapées du monde entier de l’époque de Noé... Et qui plus est, des personnes occupées toutes à vivre, tout simplement, leurs activités quotidiennes, nécessaires, humaines. Jésus peut-il reprocher aux hommes d’être des hommes, aux femmes d’être des femmes, aux enfants d’être des enfants ? Il a suffisamment montré, je devrais dire, prouvé, jusqu’à la mort sur la croix, qu’ils les aimaient tels qu’ils étaient. Alphonse Maillot commente ainsi ce passage expliquant la disharmonie de la symphonie : « [Ils] qui croient vivre en consumant leur vie dans un appétit, une fièvre de vie, qui sont aussi autant d'essais d'oublier de vivre. On ne doit ni se laisser vivre ni vivre en "surrégime", mais recevoir, chaque jour, paisiblement, sa tranche de vie comme pouvant être la dernière, mais aussi comme un don réel qu'il nous est possible de remplir de vie. Attention ! Jésus n'interdit pas ici qu'on mange, boive ou se marie, mais que l'on croie que cela suffit à rendre une vie réelle. » Voilà d’où nous vient cette sensation de fausses notes : une compréhension de vie à l’horizontale sans aucune autre dimension. Chaque instrument joue seul sa partition oubliant qu’il est partie d’un tout plus grand qu’il ne le perçoit et le joue. Alors quand ils se taisent, le piano reprend le thème comme un jaillissement de vie, de vie en Christ. J’aime l’expression « recevoir chaque jour sa tranche de vie quotidienne » en symbiose avec le thème  de la symphonie et dans le conte que je vous propose, ce thème là transparait sous chaque accord : Dieu est présent, il nous offre sa grâce, comment l’accueillons-nous ?

 

2) La légende du Père Martin : Et voilà notre finale. Connaissez-vous la légende du père Martin ? Le père Martin avait reçu la promesse que Jésus lui rendrait visite le jour de Noël. C’était un vieux cordonnier, ni riche, ni pauvre, mais solitaire, si seul, si seul. Alors, à la nouvelle de cette visite, avec fébrilité, il prépare du café bien chaud qu’il garde sur un coin de feu, quelques galettes bien sucrées, des chocolats enrobés dans leur papier doré, demain c’est Noël, n’est-ce pas ? et confortablement installé dans son fauteuil au coin du feu, tout près de la fenêtre d’où il peut voir la rue, il attend, la nuit passe, le jour commence à poindre et toujours rien...  Peu à peu le ciel s'éclaire et le père Martin ne tarde pas à voir paraître sur la place, le balayeur de rues, le plus matinal de tous les travailleurs.  Il ne lui accorda qu'un regard distrait; il avait, en vérité, bien autre chose à faire qu'à regarder un balayeur de rues ! Cependant il paraissait faire froid au dehors, le cantonnier, après avoir donné quelques vigoureux coups de balai, ne tarda pas à éprouver le besoin de se réchauffer. Le brave homme, se dit le père Martin, il a froid, tout de même.  C'est fête aujourd'hui..., mais non pas pour lui. Si je lui offrais une tasse de café ?  Et il frappa contre la vitre. Le balayeur tourna la tête, vit le cordonnier dans la porte et s'approcha. «Entrez, dit-il, venez vous réchauffer. Voulez-vous une tasse de café ? Le cordonnier servit son hôte à la hâte, puis se pressa de retourner à la fenêtre. Qu'est-ce donc que vous avez à regarder dehors ? dit le cantonnier. J'attends mon Maître Jésus, répondit Martin, qui peut venir à toute heure, et qui m'a promis de venir aujourd'hui. (…) Puis le cantonnier sortit et le père Martin se remit à guetter.

Au bout d'une heure ou deux, ses regards furent attirés par une jeune femme, misérablement vêtue, portant un enfant dans ses bras.  Elle était si pâle, si décharnée, que le cœur du vieillard s'émut.  « Elle n’a même pas un vêtement chaud sur elle »,  se dit-il. Peut-être cela le fit-il penser à sa fille. Il ouvrit sa porte et l'appela ! — « Eh ! dites donc ! » La pauvre femme entendit cet appel, et se retourna, surprise.  Elle vit le père Martin qui lui faisait signe d'approcher. — « Vous n'avez pas l'air bien portante, madame ».  – « Je vais à l'hôpital », répondit la jeune  femme.  « J'espère bien qu'on m'y recevra, avec mon enfant.  Mon mari est en mer et voilà trois mois que je l'attends, je n'ai plus le sou et il faut que j'aille à l'hôpital » ! — « Pauvre femme ! » dit le vieillard attendri.  Chauffez-vous et laissez-moi le marmot. Quoi !  Vous ne lui avez pas mis des vêtement d'hiver ? » -« Je n'en ai point » soupira la pauvre femme. « Attendez donc, j'ai des souvenirs de ma fille que je garde précieusement », et il les remit à la femme. Il étouffa un soupir, « Bah ! se dit-il je n'en ai plus de besoin pour personne, maintenant.»  Et il revint à la fenêtre. —(…) À attendre ainsi cette visite, notre cordonnier n’a jamais été aussi attentif aux autres et à lui-même ainsi qu’à Jésus : aux uns il dit bonjour, à un autre il offre un café, à un petit enfant, il fit don de ses galettes, à plusieurs autres de ses chocolats dorés ; puis il y eut les précieux jouets de sa fille et quelques uns de ses vêtements…  Cette attente a transformé également tous les autres soucis en les subordonnant à l’attente.  (Conte de Noël de Ruben Saillens)  

 

Conclusion : Votre tranche de vie, aujourd’hui, est celle de l’attente de votre Seigneur. Pèlerin du cœur qui monte vers lui et chaque jour désire ardemment en être plus proche, comme Israël y est exhorté par le proto-Esaïe ; l’être en perpétuelle transformation pour aimer mieux et plus chaque jour, comme Paul y encourage les chrétiens romains ; vivre sa vie se tenant prêt comme nous y encourage Jésus, ne sommes-nous pas tous des « père » et des « mère » Martin, dans l’attente paisible et assurée qui nous projette vers le Jésus que nous pouvons croiser à tout instant sur notre chemin ? Alors, au moment où la symphonie se fait place en moi et m’habite, j’entends s’élever une autre partition, sereine et forte à la fois. Vous aussi, j’en suis sûre.  Ecoutez : «J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. »[3]. Viens, Seigneur Jésus ! Amen.



[1] Lire et dire Pavel Gajewski

[2] lire et dire

[3] matthieu 25, 35-36

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16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 20:02

DIMANCHE 26 OCTOBRE 2008

EXODE 22, 20-26

1 THESSALONICIENS 1, 5-10

MATTHIEU 22, 34-40

 

INTRODUCTION : Chaque année, quel prédicateur ne commence pas le 4ème dimanche d’octobre par ces mots : « c’est le dimanche de la Réformation… » Le 31 octobre 1517, Luther placarda sur les portes du château de Wittenberg ses 95 thèses. il y dénonçait les pratiques de l’Eglise et particulièrement la vente des indulgences. L’Eglise avait oublié l’essentiel. L’essentiel, nous l’avons lu à l’instant : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence[1]. C’est là le grand commandement, le premier. » Et à ce premier commandement, Jésus  apporte un complément : « Un autre, second, cependant, lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même[2]. De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes ». Tout au long de l’histoire de l’humanité, des hommes et des femmes ont, comme Luther, vécu de ces paroles, orales ou écrites, prononcées par Dieu comme prémices d’une conversation où l’homme à son rôle à jouer, des lois que Dieu donne aux hommes comme autant de promesses qui éclairent le dessein qu’il a conçu pour nous, un dessein divin où l’homme est aimé, choyé, protégé, entouré ; les hommes ont-ils su, savent-ils, sauront-ils, au-delà des commandements, voir dans les paroles divines des promesses qui leur ouvrent la voie royale de l’amour, de la liberté et l’indicible privilège d’être le partenaire de Dieu ?

 

1) les commandements de Dieu : une promesse

 

Au tout début, la parole fut celle de Dieu devant son œuvre; elle nous dit son dessein à l’égard de toute l’humanité : «Faisons l’homme à notre image selon notre ressemblance (…)  Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon.» Quel est le devenir d’une chose faite à l’image de Dieu et qu’il trouve bonne ? Promesse pour l’homme, d’un épanouissement déjà là avec Adam et Eve, mais aussi à venir dans leur descendance ! L’homme est alors dans le dessein divin, un vis-à-vis, à qui est confiée la responsabilité de gérer la terre, il est propulsé à la dignité de coopérateur de l’action créatrice de Dieu. [3]

 

* au commencement : lisons, les premières paroles que Dieu dit à l’homme:  « Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez–vous, remplissez la terre et soumettez–la. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui rampe sur la terre. » Aucun doute, les verbes sont à l’impératif (bien qu’en hébreu, le temps utilisé désigne une action commencée mais inachevée); Dieu donne un commandement, une loi ;  l’homme sait ainsi où est sa place, il est le gardien de la terre et non son maître absolu. Et s’il reste à l’écoute de ces paroles, il éprouvera combien elles sont bonnes pour lui.  Car avez-vous remarqué : la loi est assortie d’une bénédiction : « Dieu les bénit et Dieu leur dit ». La bénédiction de Dieu dans les Ecritures est souvent accompagnée d’un appel qui donne à l’homme dignité et droit de réponse, un appel sous forme de loi qui rappelle à l’homme que sa vie s’enracine dans une écoute de la parole de Dieu.[4] Mais déjà, l’homme veut aller au-delà, seul. Il n’est plus un partenaire du Seigneur. Il pense pouvoir prendre sa place …

 

* Aux jours de Noé : Plus tard, l’homme, à nouveau est devenu sourd à la Parole : il est suffisant, il convoite, il est violent, il veut encore et toujours être le maître de la terre : « La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence.  Dieu vit que la terre était corrompue ; car toute chair avait une conduite corrompue sur la terre. » Pourtant, dans sa déception,  Dieu ne se résout pas à rayer d’un coup de plume la Création. Et Dieu parla encore : « Fais-toi une arche en bois de résineux … tu entreras dans l’arche, avec tes fils, ta femme et tes belles–filles… Tu feras aussi entrer dans l’arche deux animaux de chaque espèce vivante », des commandements étonnants, promesses de la préservation de la de vie pour Noé, sa famille, et le monde animal,  promesse aussi d’une alliance éternelle. « Noé agit en tout point comme Dieu le lui avait ordonné. » Et le Seigneur confirme son alliance en faisant monter dans le ciel un arc-en-ciel… et à nouveau un commandement, plutôt 7 commandements, 7 paroles qui gèrent la vie de l’homme avec son  environnement, les animaux et les humains. 7 paroles dites à Noé qui sont autant de promesses pour l’avenir de l’humanité, promesse renouvelée à Abraham qui, face au commandement divin : « Va pour toi hors de ton pays et de la maison de ton père vers le pays que je te montrerai» voit aussi dans ces ordres, une promesse à laquelle il répond par la confiance en son Créateur et en lui seront bénies toutes les nations de la terre.

 

* Aux jours de Moïse : Le temps passe. Nous voilà aux côtés de Moïse qui reçoit dix paroles ; Antoine Nouis nous dit « les dix paroles ne se présentent pas comme une série de prescriptions, mais comme une réalité spirituelle à deux faces. Une face qui parle de la libération de Dieu et une face qui évoque les ordonnances que les hommes doivent suivre pour vivre cette libération. Le mot que nous traduisons par commandement recoupe cette double réalité libération/prescription. »[5] Les dix paroles ne sont pas un règlement qu’il s’agit de respecter mais un chemin sur lequel on chemine, l’ouverture toujours possible d’un dialogue avec Dieu. Elles sont le lien entre la libération promise et avérée et la promesse d’une terre à venir. Et en réponse, Moïse et ses contemporains diront leur obéissance mais aussi leurs questions et parfois leurs révoltes devant le Dieu de la liberté.

 

2) les deux grands commandements :

 

Ainsi en a-t-il été des juifs tout au long de leur histoire jusqu’au temps de Jésus. Ils s’efforçaient de vivre en respectant à la lettre les 613 commandements de la Thora, 613 mitsvot auxquelles s’ajoutaient un incroyable  agrégat de prescriptions  pour la vie quotidienne édictées par leurs rabbins et qui avaient force de loi. Les Pharisiens, spécialistes de ces prescriptions connaissaient donc jusqu’à la plus petite virgule des commandements et nul doute que très souvent dans leurs débats, ils se demandaient quel était le plus grand et voilà qu’ils viennent, en groupe, interroger Jésus : « Maître, dis-nous, quel est le plus grand commandement ? » Dans le monde juif de l’époque, les commandements de la Thora n’étaient pas de simples préceptes ; ils faisaient office de code civil car l’autorité civile et religieuse ne faisaient qu’un pour les juifs (si l’on excepte l’ordre romain). Aussi les pharisiens avaient-ils une position d’autorité bien assise  sur leurs « am ha arets », le petit peuple juif.  [[Imaginez pour réaliser l’abîme qui nous sépare de cette époque que l’on puisse, avec une licence de théologie rendre la justice au tribunal d’instance de Narbonne ou participer de plein droit au conseil municipal avec droit de veto…]][6].

 

- le plus grand commandement : Alors, quand Jésus prend la parole pour répondre à cette question, ses auditeurs sont tendus vers sa réponse. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence[7]. C’est là le grand commandement, le premier. » Réponse déconcertante de profondeur et de simplicité. Jésus cite le fondement de la loi juive. Il cite ce que chaque Juif pratiquant récite matin et soir : le « shéma » Israël. Il ne fait lui-même que répéter ce qui lui a été enseigné par son père Joseph. Il n’y a donc là rien de révolutionnaire. C’est le commandement fondamental, mais pour Jésus « La loi de Dieu n’est pas une simple série de prescriptions à suivre, elle va bien-au delà : elle appelle une conversion de notre cœur, de notre intelligence et de notre pratique »[8] Aimer Dieu totalement, sans compromis, être capable d’aller jusqu’au bout de soi-même, être entier. Dieu veut la totalité de notre personne. Il ne veut pas être le Dieu de nos dimanches matins ou de nos baptêmes, il veut être le Dieu de nos vies entières. Il veut être pour nous le Dieu qui nous a fait à son image et qui a constaté : « et voici cela était très bon ».

 

- « Tu aimeras ton prochain comme toi–même. » :  Mais ces paroles vont plus loin. Il veut que nous, nous  soyons l’homme  promis tout au commencement. Nous sommes aussi une promesse de Dieu. « Faisons l’homme à notre image … et cela était très bon … C’est ce que Jésus énonce maintenant. Au 1er commandement, il apporte un complément : « Un autre, second, cependant, lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même[9]. De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes ». Aimer l’autre comme je m’aime, moi. L’aimer tel qu’il est, le prendre dans ses bons et ses mauvais jours, avec ses qualités et ses défauts.  Dieu l’a voulu ainsi,  même si, le plus souvent, l’autre est comme un miroir de ce que je suis et peut-être, justement parce qu’il me rappelle mes propres faiblesses, mes propres limites, est-il doublement un don de Dieu ; car, grâce à lui, je peux apprendre à m’accepter tel que je suis. L’aimer, l’accueillir … dans accueillir, il y a le mot « cueillir ». Cueillir la rose que l’autre me tend, avec ses pétales, sa senteur et ses épines ! Dieu nous invite à cueillir ce qu’il fait pousser sur notre chemin. N’y verrai-je que des épines ou y verrai-je les trésors de Dieu ? »[10]

 

3) conclusion :

 

« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi–même. » L’ordre d’aimer… est-ce une loi ? Est-ce un commandement ? N’est-ce pas plutôt une lumière qui éclaire ce qui est au centre de nos vies ? L’amour de Dieu,  l’amour parfait, communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit ? N’est-ce pas plutôt un appel à la contemplation pour illuminer l’être intérieur créé à l’image de Dieu ? N’est-ce pas la promesse d’une liberté, la liberté des enfants de Dieu ? Ecoutons Luther dans son final de « la liberté des chrétiens », qui est porte ouverte sur l’avenir, sur notre avenir : « un Chrétien ne vit pas en lui-même, mais dans le Christ et dans son prochain, dans le Christ par la foi, dans son prochain par la charité ; par la foi, il s’est élevé au-dessus de lui-même en Dieu, de Dieu il descend au-dessous de lui-même par la charité, tout en demeurant en Dieu et dans l’amour de Dieu. Comme le dit le Christ : « vous verrez désormais le ciel ouvert et les anges montant et descendant sur le Fils de l’homme. » Voilà quelle est la véritable liberté spirituelle et chrétienne qui libère le cœur de tous les péchés, de toutes les lois et de tous les commandements, qui plane au-dessus de toutes les libertés, comme le ciel plane au-dessus de la terre. Que Dieu nous accorde de bien le comprendre et le retenir ». Amen 



[1] Deutéronome 6,5

[2] Lévitique 19,18

[4] A. nouis l’aujourd’hui de la création p.72

[5] Les 10 paroles chapitre « je suis le Seigneur ton Dieu »

[6] www.ernancy

[7] Deutéronome 6,5

[8] l’aujourd’hui de l’evangile p. 374

[9] Lévitique 19,18

[10] armée du salut

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 11:34

Narbonne / Perpignan

DIMANCHE 7 Avril 2013

          ACTES 2, 42 – 47

         1 PIERRE 1, 3 – 5

           JEAN 20, 19 - 31

 

 

 

Introduction : «Les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu’ils avaient des juifs »… Ils ne savaient plus qu’attendre, ils ne savaient plus que faire, ils ne savaient plus qu’espérer. Et je n’ai pas pu m’empêcher de me dire que, nous, chrétiens, aujourd'hui, pourrions, aussi, nous retirer dans un lieu bien fermé à cause de la crainte… ce n’est plus celle des juifs, mais notre XXIème siècle suscite bien des peurs, des interrogations, des doute et que de déceptions ! Nous pourrions, comme les disciples après la croix, baisser les bras, nous fondre dans la foule, silencieux, dans l’expectative de ce qui va encore bien pouvoir arriver, comme si l’espérance déposée dans nos cœurs avait été jetée dans les oubliettes de la tour où nous voudrions bien pouvoir nous barricader pour être protégés de tous les dangers qui nous menacent. Peut-on encore espérer ? 3 questions feront le plan de notre questionnement. Qu’est-ce que l’espérance et où en étaient les disciples après la croix ? La visite de Jésus a-t-elle fait renaître l’espérance ; et celle de Thomas ?  et pour finir, quelle place peut-on faire à l’espérance, dans notre vie aujourd'hui ?

 

1) définition et questions :

 

- définition de l’espérance : Je voudrais, tout d’abord, tenter une approche de définition de l’espérance avec Frère Roger, de Taizé. Il écrit, je le cite, « l’espérance vise l’avenir, et (…) elle s’enracine dans l’aujourd’hui de Dieu. La source de l’espérance est en Dieu qui ne peut qu’aimer et nous cherche inlassablement. (…) L’espérance est exprimée par la notion de promesse… La promesse est une réalité dynamique qui ouvre des possibilités nouvelles dans la vie humaine »[1].(fin de citation). Pour le dire autrement, « L’espérance ne concerne pas que le futur. Elle s’incarne dans notre expérience de vie quotidienne pour nous donner confiance en l’avenir. »[2] L’espérance interdit toute résignation.

 

 - alors quelle espérance pour les apôtres et les disciples après la croix ?  Où en sont-ils dans ce lieu fermé, illusoire protection ? Les apôtres sont tous juifs, les disciples aussi (même si durant son ministère, des samaritains, ou une femme syro-phénicienne, par exemple, ont vu en Jésus le messie annoncé, ou, pour le moins, plus loin que l’homme Jésus). Essayons, juste un temps, de nous mettre un peu à leur place. Ils ont été nourris depuis leur plus tendre enfance, de la  lecture et des commentaires de la Torah et aussi des prophètes. Le peuple juif attend son Messie, un messie qui rétablira toutes choses en un temps où tout Israël vivra à nouveau sur la terre promise, un temps utopique aussi, où l’humanité toute entière vivra dans la paix et n’adorera qu’un seul Dieu. Comment ces hommes, porteur de cet enseignement millénaire auquel est venu s’ajouter, à l’époque des Maccabées, l’attente d’une résurrection des justes et des méchants, comment ces hommes auraient-ils pu prendre toute la mesure des paroles de Jésus ? Les femmes juives, elles, n’avaient pas été marquées par l’enseignement rigide des lettrés de leur temps. Et pour cause ! Elles n’avaient pas eu accès à cet enseignement et n’en connaissaient que ce que leurs hommes voulaient bien leur dire. Et hommes et femmes étaient profondément marqués par les superstitions véhiculées jour après jour de bouche à oreille : esprits, fantômes, démons…  avec leur savoir, avec leurs préjugés, avec leurs traditions ancestrales, avec leurs peurs, tels qu’ils étaient, ils s’étaient barricadés dans cette chambre haute, ensemble, à attendre, attendre quoi ? Attendre qui ? L’espérance d’Israël, focalisée pour eux, en Jésus, semblait avoir été un leurre. Ils n’espéraient plus rien. D’ailleurs, ils sont là, enfermés, quasiment pétrifiés dans ce lieu. Ils ont baissé les bras, ils se sont enfuis, ils ont renié, ils ont peur… L’aujourd’hui de Dieu n’est que silence et mort.  Il  n’y a plus d’avenir. L’espérance s’est volatilisée.

 

2) Renaitra-t-elle dans la chambre haute ?

Jésus vient : Pourtant, il y a eu le tombeau vide, Pierre et le disciple que Jésus aimait l’ont constaté, Marie de Magdala à qui deux anges sont apparus croise un jardinier qu’elle finira par reconnaitre : « Rabbouni »,  lui dit-elle après qu’il ait prononcé son prénom ; mais il interdit qu’elle le touche. Jésus la charge d’un message pour les disciples : « Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu »[3]. Qu’est-ce que tout cela signifie ? Le tombeau vide… l’interdiction de le toucher…  ce message qui ne dit rien de ce qu’ils espéraient… tout se bouscule dans leur tête, rien ne marche comme prévu, les romains sont toujours là et maintenant pour couronner le tout, les juifs pourraient bien être à leur trousse. Les paroles de Jésus… les écrits des prophètes… les miracles… les guérisons… un  labyrinthe dans lequel ils se sont engagés et dont ils ne trouvent plus la sortie.

Nous, ici, dans le Midi,  nous dirions : leur cerveau c’est le sac du loto. Personne ne peut dire le numéro qui va en sortir et eux, ne savaient même pas, même plus, le lot qui était à gagner ! Leur cœur, désemparé, oscille entre le questionnement du mystère ambigu du tombeau vide et un doute qui les taraude. Alors « Jésus vint, se présenta au milieu d’eux et leur dit : la paix soit avec vous ». Ils sont abasourdis de stupeur nous dit  Luc ; il écrit : « saisis de frayeur et d’épouvante, ils croyaient voir un esprit »[4], puis très vite à dû venir le temps de l’étonnement qui réchauffe de l’intérieur, le moment où le cœur se met à battre la chamade : « il est là », « il parle »… L’espérance qu’avait vécu Jésus et qu’il avait tenté de partager avec eux, devient une réalité tangible qui fait tomber tous les murs qui faisaient barrage en eux. « le Fils de l’homme doit être tué et trois jours après sa mort il se relèvera ». « il est là », « il parle »… La paix soit avec vous…

 

Mon Seigneur et mon Dieu : Un disciple est absent. On ne sait pourquoi il n’est pas là, mais quand il apprend que Jésus est vivant, il doute. Thomas  veut voir, il veut toucher malgré l’interdiction faite à Marie, et Jésus accèdera à sa demande : « Avance ici ton doigt et regarde mes mains, avance aussi ta main, et mets là dans mon côté ».[5] Thomas a vu. Mais a-t-il touché ? Le texte nous dit seulement : « Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu ». Et je crois que c’est à ce moment précis que l’espérance renait dans la chambre haute. Espère-t-on ce que l’on voit ? Les disciples voyaient, ils étaient rassurés, ils avaient en quelques instants élargis leur compréhension de l’enseignement du maitre : « trois jours après sa mort il se relèvera »... la résurrection était entrée dans leur vie. Mais Thomas va beaucoup, beaucoup plus loin. « Mon Seigneur et mon Dieu ». Il confesse non pas un corps humain ressuscité, mais Dieu vivant au milieu d’eux. La confession d’une telle foi en si peu de mot n’était-elle pas la substance même de l’espérance chrétienne ? Comme le dit frère Roger, il est en train de vivre l’aujourd’hui de Dieu, vivant et présent et, dans cet aujourd’hui, déjà, la promesse de l’avenir qui l’attend.  Christ est ressuscité. Il est vraiment ressuscité. Alors, les disciples entrent  de plein pied, avec Thomas, dans une espérance régénérée et transformée, où la présence du Seigneur fortifie, dynamise, incite à la prière, aux rencontres fraternelles, au partage, à l’annonce de la Bonne nouvelle. Le passage que nous avons lu dans  le livre des Actes en témoigne. Comme un bourgeon de printemps, l’espérance abonde dans les cœurs à nouveau tournés vers elle …

 

3) l’ espérance : et après ?

au 1er siècle :  l’Evangile post pascal la fonde sur la résurrection de leur Seigneur et leur Dieu, et la place au centre de leur prédication. L’espérance chrétienne se transforme en quelque chose de plus que l’attente de la réalisation des prophéties une notion nouvelle : cette résurrection de Jésus le Christ, devient une garantie absolue de leur propre résurrection. Bientôt, très bientôt… et l’attente du grand jour se vit au jour le jour : aujourd'hui, demain, très vite la promesse se réalisera. Et ils n’en seront pas les seuls bénéficiaires. L’espérance projette chaque disciple dans la possible rencontre de l’autre avec Dieu.  Elle est le levier qui impulse la réalisation d’une œuvre gigantesque, mondiale, universelle car chaque humain qui croisera leur route deviendra un possible : ils voient chaque homme, chaque femme, chaque enfant avec les yeux du Christ ressuscité : chacun est un enfant de Dieu qui peut confesser, en Jésus, comme Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu » et entrer dans le royaume du fils de son amour. Vous connaissez tous la célèbre phrase de Charles Wagner : « l’homme est une espérance de Dieu ». Voilà ce que l’esprit implanta dans le cœur des disciples.

 

Et maintenant, quelle espérance pour nous ? Ces disciples-là, cependant,  dans leur espérance ne voyaient pas dans les siècles futurs, d’autres chrétiens : nous, nous qui sommes aujourd'hui, réunit pour confesser avec Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ». Ils ne savaient pas que l’espérance traversait déjà, en eux,  le temps pour venir à nous. Ils ont vécu l’aujourd'hui de Dieu, dans une espérance de vie d’homme dont ils croyaient l’aboutissement à très court terme. Nous, nous avons appris d’eux que  vivre l’espérance, c’est garder ouvert un avenir dont nous ne pouvons fixer les limites. Un avenir qui s’offre, jour après jour…

 

Conclusion : Ensemble, nous pouvons affirmer, pour conclure : [« L’espérance] proclame que la puissance divine, celle de l’amour, ne sera jamais définitivement vaincue ni anéantie ; elle finira par l’emporter sur ce qui lui résiste, l’injustice, la haine, le malheur, la misère et même la mort »[6]. (…) Dieu conduit à autre chose que ce qui est. Il n’est présent et n’a une présence que parce qu’il oriente vers un futur possible. Il est actuel quand il nous mobilise pour participer à son action transformatrice en nous et autour de nous. Hier comme aujourd'hui, dans le monde entier aussi bien que dans notre existence, Dieu est avenir. » [7]  Amen.



[1] Lettre de Taizé 2003

[3] Jean 20, 17

[4] Luc 24, 37

[5] Jean 20, 27

[6] commentaires page 3

[7] André Gouenlle (à propos de la Bible)

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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 10:29


 

31 MARS 2013 NARBONNE

PAQUES

JEAN 20, 1 - 10[1]

 

Introduction : l’obscurité … un tombeau vide… 3 témoins… ils n’y voient rien dans le clair-obscur d’un jour qui n’en finit pas de se lever,  ils ne voient rien dans le tombeau béant. En eux, le vide après des jours de cauchemar. Une espèce de néant individuel ou collectif décrit dans l’Evangile de Jean. Que peut-il donc sortir d’une telle situation ?  Le Christ, le Ressuscité que nous célébrons aujourd'hui est d’abord un absent. Alors que les Evangiles nous décrivent en détail l’agonie de Jésus de Nazareth, aucun d’eux ne contient la moindre phrase sur une scène pourtant capitale : celle de la Résurrection. Ces évangélistes ! quels piètres réalisateurs ils auraient fait. Ils nous mettent en haleine par le récit d’un destin hors du commun, ils nous montrent la Passion avec une précision que j’ose qualifier de cinématographique, et tant pis pour l’anachronisme… et voilà qu’ils loupent l’essentiel. De la mort de Jésus, on sait tout. Le décor, les premiers et les seconds rôles, les dialogues… La tension dramatique est menée à son comble, les détails cruels et violents ne nous sont pas épargnés. Jésus meurt dans la souffrance devant nos yeux de lecteurs. Ensuite on assiste au rituel de la mise au tombeau, là encore avec pléthore de détails. Et alors ? et alors quoi ? De la résurrection, on ne sait rien, on ne voit rien, on ne nous dit rien. On arrive trop tard. Après la mise au tombeau, on passe brusquement à une scène de tombeau vide, comme s’il y avait un trou dans le récit, comme si le cinéaste n’avait plus eu de batterie au moment du récit, comme si le scénariste avait eu une absence ou avait été pressé d’en finir. La résurrection, c’est d’abord une disparition. Comme un film à suspense dont on aurait retiré la scène-clé, celle que tout le monde attend et qui donne son sens à toute la dramatique du récit. Replaçons d’abord le récit dans son contexte, puis regardons et écoutons les 3 personnages face à ce tombeau vide. Enfin, nous essaierons de laisser le texte nous déplacer, du tombeau vide vers une plénitude.

 

1 le contexte : Commençons par le contexte. Jésus a été enseveli un vendredi. Dans chaque Evangile le récit de la passion est suivi de la découverte du tombeau vide le surlendemain à l’aube. Pour dire la signification qui ont fondé la foi pascale des communautés chrétiennes, l’auteur du quatrième évangile retravaille à sa manière, comme les 3 autres, les données qu’il a puisées dans la tradition. Pour lui, Jésus enseveli a déjà été préparé comme c’était la coutume. Cent livres d’aromates offertes par un riche juif, le corps entouré de bandelettes et placé sur un banc, unique, puisque le tombeau était neuf. Puis une pierre a été roulée à l’entrée. C’est ce à quoi s’attendait ceux qui vinrent au tombeau. Et là, tout bascule…

Nous pourrions aussi nous rappeler ce que l’Evangile de Jean, rédigé des dizaines d’années après ces évènements, avait déjà en ligne de mire, dès les premiers chapitres. C’est un contexte général : écoutez le verset 22 du chapitre 2 : « Quand il ressuscita d’entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l’Ecriture et à la parole que Jésus avait dite. » Nous, les lecteurs du XXIème siècle en savons plus que les 3 disciples confrontés, dans l’obscurité du petit matin, à une vision bouleversante. Avant de parler de leur réaction, imaginons, bien que cela nous soit difficile, leur état d’esprit après la mise au tombeau. Un survol rapide, en pensée, des textes fait converger chaque disciple vers un lieu intérieur de déception, d’angoisse, de peur, de remords… les questions surgissent comme des vagues de tsunami : un flot qui emporte l’espérance loin de la plage de la certitude qu’avait aménagée le souvenir des paroles entendues, des gestes de guérison, d’accueil, d’un enseignement d’amour, ouvert et porteur de force… un espace ouvert, lumineux, de paix et de joie. Puis la vague destructrice, dans un frémissement silencieux submerge tout : la foule hurlante, Jésus en sang, la croix dressée, l’obscurité, tout est détruit dans ce rappel des dernières jours, des ultimes souffrances, qui recouvre le cœur et l’abat, le démantèle, l’entraine à la dérive… Les disciples ne savent plus où ils en sont, et ont choisi, quand même, de vivre ensemble ce temps de mort.

 

2) 3 témoins : ils en sont là quand notre récit les prend, et nous prend avec eux sur un chemin qui va les conduire là où leur maitre voulait les emmener, mais ils ne savaient pas, ils n’avaient pas compris. L’obscurité, à ce moment là n’est pas seulement celle d’une aube incertaine, c’est avant tout, chez l’évangéliste, une autre nuit, celle des ténèbres intérieures. Et là, nous les rejoignons. Car le récit narratif de Jean ouvre déjà, devant le tombeau vide, une perspective que nous pouvons franchir : celle de l’identification à l’un ou l’autre des 3 témoins même si, ce tombeau vide, pour nous, aujourd’hui, est synonyme de résurrection, alors que pour eux, il était désarroi et questionnement.

Suivons la réaction des disciples, que l’évangéliste décrit dans une spirale ascendante du voir au croire, de la vue à la foi comme si la résurrection était une réalité à croire qui se base sur un « voir », un voir différent d’ailleurs pour chaque disciple car le tombeau vide n’est pas une preuve en soi, tout sera dans le regard de la foi.

 

Marie voit la pierre roulée et en tire une conclusion pragmatique mais erronée : ON a enlevé du tombeau le Seigneur et NOUS ne savons pas où on l’a mis. Tiens, un « nous » pour elle toute seule ? Jean en appelle-t-il au lecteur avec ce NOUS ? Elle ne veut pas rester seule face à ce constat et recherche la présence d’autres disciples.

Pierre, lui, inspecte le tombeau avec minutie. Comme un policier, il examine les pièces, il procède à une espèce de relevé typographique. Mais sa perception reste extérieure. Pas de réaction, ni dans un sens, ni dans l’autre.

L’autre disciple, celui que Jésus aimait et dont nous ne savons pas le nom, lui aussi voit,  la même chose que Marie, la même chose que Pierre et……………… il croit.

Le tombeau était vide. Et le disciple croit… celui que Jésus aimait… et si c’était l’amour qui avait une longueur d’avance ?

 

3) Conclusion : le vide devient plein : et nous, au XXIe siècle, que concluons-nous devant le tombeau vide ? Nous aussi, nous sommes en pleine confusion dans un monde de crise, financière, économique, et même éthique. Peut-être vivons-nous ces temps difficiles comme des temps sombres d’épreuves, dans l’incertitude, dans l’inquiétude du lendemain.

Mais le vide devient plein.

La Bible l’atteste, nous savons que les disciples n’en sont pas restés aux incompréhensions, aux simples constatations. Ils ont rebondi, ils se sont relevés. Le vide du tombeau est devenu un espace plein : celui de Pâques. Ils partent en Galilée retrouver le ressuscité. Ils seront dehors, bientôt, à proclamer l’incroyable nouvelle : il est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! D’un tombeau vide à l’annonce de la résurrection, ils témoignent sans peur aux yeux du monde entier, au fil du temps jusqu’à nos jours, que rien pour Dieu n’est impossible, et que son amour est vainqueur de la mort. L’obscurité est devenue lumière, lumière de Pâques.

Le vide , enfin, est plein.

Nous, les disciples de Narbonne, les Marie, les Pierre, les disciples que Jésus aimait, déplacés du vide au plein, du voir au croire, de la mort à la résurrection, nous le proclamons aussi, Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Alléluia !

 



[1] D’après une prédication de Pierre-yves Niederhauser à la Lécherette http://protestant.paysdenhaut.ch/164/le-tombeau-vide-une-perturbation-dou-nait-la-vie et le commentaire de Lire et dire.

 

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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 10:16

DIMANCHE 28 SEPTEMBRE 2008

EZECHIEL 18, 25-28

PHILIPPIENS 2, 1-11

MATTHIEU 21, 28-32

   

INTRODUCTION :

 

* Comme toujours, Jésus fait entrer ses auditeurs dans un monde qu’ils connaissent bien. Les grands prêtres et les anciens du peuple viennent de se faire piéger dans les versets précédents, et Jésus continue sur sa lancée car nous avons là une série de 3 paraboles, la première que nous commentons ce matin, celle des vignerons homicides et celle du festin et de l’habit de noce. Trois paraboles qui posent un jugement sur les nantis religieux, leur sentiment de supériorité et leur mépris pour tous ceux qui n’étaient pas comme eux, sans parler de la « lie » de la société qu’étaient pour eux les collecteurs d’impôts et les prostituées. L’histoire de Jésus a dû leur rappeler les paroles du prophète Ezéchiel : « Si un juste revient de sa justice, s’il agit injustement et qu’il meure pour cela, il meurt parce qu’il a agi injustement. Si un méchant revient de la méchanceté avec laquelle il a agi, pour agir selon l’équité et la justice, il sauvegardera sa vie. » Ainsi, c’est ce que l’homme est dans son « aujourd’hui » qui compte aux yeux de Dieu. Reprenons ensemble l’aujourd’hui de ce passage des Evangiles. Ecoutons à nouveau l’histoire : «   « Un homme a deux fils. Il dit au premier : “Mon fils, va travailler, aujourd’hui dans la vigne.”  Le fils répond : “Je ne veux pas.” Plus tard, il regrette sa réponse et il y va.  Le père dit la même chose au deuxième fils. Le fils répond : “Oui, père, j’y vais.” Mais il n’y va pas.  Lequel des deux fils a fait la volonté du père ? » Les chefs religieux lui répondent : « C’est le premier. »

   

 

1) L’OBEISSANCE :

 

* l’obéissance pour les fils au temps de Jésus è les « juifs pieux » visés : Voilà deux fils bien peu conformes au modèle dit « autorisé ». Et un père dont l’autorité bat très sérieusement de l’aile. Car savez-vous jusqu’où l’obéissance devait aller dans les familles juives ? Rabbi Eliézer [1] répond : « jusqu’au point de ne pas protester si le père ou la mère prenait un sac plein de deniers et le jetait à la mer »… Le père de l’histoirelui, a un fils qui lui dit carrément, face à face, « non », et l’autre qui joue les fils obéissants et qui est loin d’en être un. Voilà déjà une situation proprement scandaleuse pour les grands prêtres et les anciens. Désobéir à son père ! Matthieu ne nous donne pas leur réaction mais on peut imaginer que cela bouillonnait dans leurs têtes et qu’ils révisaient en pensée tout ce qu’ils savaient sur le sujet. D’autant que leur situation au regard de la loi, grands prêtres et anciens, était celle de personnes qui ont l’habitude de sanctionner la désobéissance à la Torah. Il n’est pas question ici de rabbi qui débattaient à n’en plus finir jusqu’à couper les cheveux en quatre sur un sujet mais des prêtres qui recevaient les offrandes pour les péchés et des anciens, magistrats à la fois civils et religieux, probablement siégeant au Sanhédrin, le tribunal suprême juif appelés à sanctionner toute désobéissance jusqu’à excommunier quelqu’un du Temple. Nous ne sommes pas dans un débat d’idées mais bien sur le terrain, dans des faits concrets. Et les religieux ne semblent pas avoir vu venir ce qui va suivre. « Les collecteurs d’impôts et les filles publiques entreront avant vous dans le règne de Dieu » !

 

* ne pas tomber dans la même attitude : Les chefs religieux [[s’astreignaient à respecter scrupuleusement la loi et ils étaient persuadés d’être agréés par Dieu au point de lui rendre grâce de ne pas être comme ces gens de mauvaise vie ! Quelle insulte ! Quel sacrilège de recevoir ces personnes irréligieuses et – à leurs yeux, méprisables – comme modèles de repentance et de foi vécue.

 [[l serait facile de faire le procès de ces chefs religieux. Mais ce faisant, nous risquerions de tomber dans leur propre travers qui consiste à se croire supérieur à d’autres, à se croire en sécurité dans sa piété et sa pratique religieuse. D’ailleurs, épiloguer sur le comportement et l’attitude morale ou la piété d’autrui, n’est pas une façon d’éviter de se laisser poser les vraies questions et d’être obligé d’y répondre soi-même ? n’est-ce pas une façon de détourner le regard d’autrui de nous-mêmes et d’éviter la nécessité d’un changement peut-être radical dans notre vie, dans notre relation à Dieu  et aux autres ? N’y-t-il pas, en nous, parfois, si ce n’est souvent, l’attitude mentale de ces responsables juifs ?

 

* nous pourrions aussi parler de l’aujourd’hui de Matthieu, au temps où il écrivait son Evangile. Les querelles entre chrétiens d’origine juive et les chrétiens d’origine païenne empoisonnaient les différentes Eglises (nous nous souvenons que l’une d’elle mit aux prises, Paul et Pierre). Nous pourrions penser que les deux fils sont, aussi, l’image de ces deux communautés. La parabole alors prendrait l’allure d’une réflexion sur l’histoire du salut. Et y associer le deuxième chapitre de l’épître aux Philippiens, écrit dans les années 49/50, donc bien avant l’Evangile, permet de mettre en lumière LE juste, LE fils,  « obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix » qui lui, n’a pas dit non avant de changer d’avis, ni oui pour se dédire par la suite.

 

2) LES DEUX FILS, C’EST NOUS

 

* [[Il y a, en tout cas, en chacun de nous l’un et l’autre des deux fils. Dire « oui » et ne pas y donner suite ou dire « non » et faire tout de même ce que, dans un premier temps, on a refusé, sont des moments que nous vivons et connaissons tous. Aléas de la vie, réflexion, opportunités, prudence après-coup… Il est tout a fait humain de changer d’avis sans pour autant être une girouette. Nous sommes à la fois celui qui oppose un refus radical à Dieu et qui, dans un mouvement de conversion, accompli quand même la volonté du Père ; et nous sommes aussi celui qui acquiesce poliment du bout des lèvres,  à la volonté de Dieu mais qui n’y donne pas suite et vit au quotidien comme si Dieu n’existait pas. C’est là l’expression de la complexité et des contradictions de notre être, de notre humanité.]][2]

 

* pourquoi ? alors comment se fait-il que Jésus, qui connaît les limites et les faiblesses humaines, manifeste si peu de compréhension pour nos attitudes changeantes ? N’est-il donc jamais revenu sur ses propres choix ou ses propres décisions ? qui de nous ne se souvient de l’histoire de la femme cananéenne rejetée sèchement par Jésus et qui le conduit, en lui parlant, à la bénir à la fin ?  En fait, comme cela arrive souvent au cours d’une discussion entre Jésus et ses coreligionnaires, il raconte une parabole et à partir d’une situation de la vie quotidienne, il veut faire comprendre quelque chose d’important au sujet de Dieu et de la relation entre Dieu et les hommes.

 

* la clé de l’enseignement se trouve, probablement, dans l’attitude du 1er des frères, Dieu ne fige personne dans son passé, ni nous, ni les autres ; il est toujours possible de changer d’avis et de faire ce qu’Il nous demande. Peut-être est-ce la signification de l’aujourd’hui de la parabole. « Mon fils, va travailler, aujourd’hui, dans la vigne ». Chaque jour est une « neuve page » disent les sœurs de Pomeyrol dans la prière du matin au petit déjeuner ; chaque jour nous offre la possibilité de dire « oui » ; c’est « aujourd’hui » que nous vivons l’amour lumineux du Père, c’est « aujourd’hui » qu’Il nous appelle, c’est aujourd’hui que nous allons travailler dans la vigne. Je devrais dire « œuvrer » car à ce verbe en grec dans les Evangiles sont associés des expressions comme : il les fit « travailler » et gagna 5 autre talents ; cette femme a « travaillé » une bonne action à mon égard ; il y a 6 jours pour « travailler », venez vous faire guérir ces jours-là. Voyez combien son sens est éloigné de celui que nous lui donnons aujourd’hui. Le père ne traite pas son fils comme un esclave à qui il faut donner des ordres précis mais comme à un collaborateur dont il connaît la compétence et il en faut pour travailler une vigne ; il invite son fils à être inventif et créatif,  à puiser dans ses potentialités tout ce qui peut porter du fruit, du bon fruit ; un fils reste l’enfant de son père à tout âge, c’en est même quelquefois agaçant, n’est-ce-pas ? je suis malade, je suis âgé, et je suis seul, que puis-je faire dirons certains d’entre nous ? Le Père sait qu’il y a en vous tant de choses à partager, tant de richesses à offrir…  le fruit de l’Esprit c’est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur et maîtrise de soi. N’est-ce pas ce fruit là pour lequel nous sommes invités à travailler ? y-a-t-il une limite d’âge pour le produire ? n’est-ce pas plutôt l’âge qui offre l’expérience et la sagesse pour porter un tel fruit, celui de l’Esprit ; tous en sont porteurs et producteurs, si je puis utiliser le mot dans ce contexte, quel que soit l’ âge ou la situation. Le Père ne demande pas à son fils de « faire »,  il lui demande d’œuvrer dans la vigne et il l’invite à le faire « aujourd’hui ». Il nous invite à le faire aujourd’hui.  Tout est possible aujourd’hui. Ecoutons Swani Chidananda :

 

CONCLUSION :

Ce jour est un jour tout neuf

Il n’a jamais existé
et il n’existera jamais plus.

Prenez donc ce jour
et faites-en une échelle
pour accéder à de plus hauts sommets.

Ne permettez pas que la tombée du jour
vous trouve semblable
à ce que vous étiez à l’aube.

Faites de ce jour un jour unique, mémorable.
Enrichissez-le et, ce faisant,
enrichissez-vous.

Ce jour est un don de Dieu.

Il n’est donc pas quelque chose d’ordinaire,
de fortuit,
quelque chose qui va de soi.

Il vous est spécialement offert,
prenez-le entre vos mains
avec un sentiment de ferveur.

Amen.



[1] Se situe entre la première et la deuxième génération après destruction du second temple

[2] Biblio Domuni

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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 17:37

COLLIOURE

 

10 MARS 2013

 

LUC 15, 1 – 2, 11 - 32

 

Introduction : notre texte résonne en moi comme un écho de mots cent fois entendus qui viennent réveiller les souvenirs d’une histoire cent fois racontée. Comme un vieux conte qui ferait madeleine de Proust… le fils perdu, le frère en colère, le père compatissant, ne suis-je pas, parfois, l’un de ceux-là ? Beaucoup de commentaires en font l’exemple type de l’amour de Dieu, de l’accueil des pécheurs et de la grâce offerte toute entière et sans condition. Ainsi Luther assuré que les œuvres sont sans effet sur le salut… mais dans notre monde où la communication joue un rôle fondamental pas toujours bénéfique par ailleurs, nous pourrions braquer les projecteurs sur les échanges entre le père et ses fils ou entre les fils et le père. Tout n’est que non dit, silence, refus d’écoute dans ce texte et il m’a semblé intéressant d’en faire une analyse sous ce jour-là. Car nous, les humains, ne sommes-nous pas des êtres communicants et malheureusement, fort maladroits pour le faire ? Nous parlerons d’abord de la communication entre Jésus et ses auditeurs, puis de celle qui lie ou refoule les personnages de notre texte et enfin, nous tenterons une approche de sens pour nous, avec un commentaire d’André Gounelle.

 

1)           Jésus et ses auditeurs : dans les premiers versets du chapitre 15, nous trouvons, encore une fois, les pharisiens et les scribes murmurant contre l’accueil que Jésus réserve aux pécheurs. Le maitre est confronté à des auditeurs hostiles, imbus de leur savoir et de leur position ; ce qui, entre nous, n’est pas la meilleure façon d’être pour participer à une conversation enrichissante. Leur axiome de départ : Jésus est dans son tort ; c’est tout juste, mais ils  n’osent pas, s’ils ne lui disent pas en face : tu es un impur, un intouchable, un immonde pécheur. Nous ne devrions même pas t’adresser la parole. Et si les foules qui suivaient Jésus ne lui étaient pas aussi attachées, en tout cas, à ce moment là encore, ils feraient ce qu’ils ont à faire. Dénoncer ce prétendu rabbi qui finalement traine avec lui une odeur d’impureté qui pourrait bien faire tache d’huile sur le pays tout entier. Ils sont convaincus de leur bon droit, et leur vie, il faut le reconnaître, tend au plus près de la pureté physique enseignée par les Ecritures. Aujourd'hui nous dirions, ils sont psychorigides. La communication… ce n’est pas leur fort !

Jésus le sait ; il est aussi un enseignant pédagogue et un communiquant exceptionnel. Alors, plutôt que de les prendre à rebrousse-poil, de front, il laisse les accusations tomber à plat. Il commence par deux paraboles qui ne peuvent qu’emporter l’approbation des pharisiens et des scribes. Une brebis perdue, une drachme égarée et voilà leurs propriétaires lancés dans une recherche systématique et même risquée puisque le berger laisse là son troupeau tout entier pour partir à la recherche de sa bête disparue. Et quelle joie quand ils retrouvent leur bien ! les amis, les voisins, sont appelés pour se réjouir. Le bien perdu était, on s’en doute, précieux et désirable. Voilà de bonnes paroles ! si ce Jésus était toujours dans ces dispositions là, on pourrait faire quelque chose avec lui ! Mais la suite, parle d’une autre perte, seulement là, c’est un fils, un frère et un pécheur qui est perdu. Sera-t-il, lui aussi, l’objet d’une recherche intensive et d’une grande joie si on le retrouve ? parlons-en.

 

2)          les personnages : c’est une bien curieuse histoire que Jésus raconte. Un père avait deux fils… Notons au passage qu’il semble n’y avoir entre eux aucune communication, et moins encore, de communion familiale entre ce père et ses fils. Un cadet qui veut vivre sa vie et demande sa part d’héritage du vivant de son père, un ainé tout en silence et un père qui semble avoir échoué à susciter chez ses enfants un peu d’affection filiale ou fraternelle. On a le sentiment que tout se joue comme s’ils étaient de parfaits étrangers. La suite du récit le confirme.

Le cadet dilapide son héritage comme s’il n’avait que la valeur des plaisirs qu’il peut lui procurer jusqu’à tomber dans la misère. On croirait qu’il n’a pas de famille. On peut d’ailleurs remarquer que la mère, s’il y en a une, est totalement absente du récit. Lorsqu’il parle, c’est pour taper du poing sur la table : mon héritage et basta ! et à son retour, la parole ne lui est pas donnée. Nous savons sa pensée, mais elle ne peut s’exprimer.

Le fils ainé continue, après le départ de son frère, a vivre chichement une vie d’employé pour son père. Et il n’envisage l’évènement qu’il apprend que par rapport à lui-même. Quand il ouvre la bouche, ce sont des paroles de colères, accusatrices qui dévoilent un cœur amer tourné sur ses propres malheurs. Quoi ? MOI j’ai fait ceci, MOI j’ai fait cela mais MOI, je ne reçois rien. Enfermé dans la bulle d’une vie familiale apparemment inexistante, l’ainé, lui, est dans une parole fermée à toute discussion.

Le père lui, ne semble pas avoir réalisé qu’il pourrait bien porter une part de responsabilité dans le départ de son cadet, et continue, si l’on en croit les exclamations de colère de l’ainé au retour de son frère, à rester à l’écart du fils toujours dans sa maison sans se remettre en question. Il aime certainement ses enfants mais il est évident qu’il ne sait pas le leur montrer ou le leur dire.

André Gounelle écrit : « J’éprouve au fond beaucoup de sympathie et une grande tendresse pour lui. A bien des égards, il semble plus facile et naturel de nous reconnaitre en lui que dans l’un ou l’autre de ses fils. Lequel d’entre nous n’a-t-il pas été déchiré, voire torturé par des tensions familiales qu’il ne sait pas gérer, où sa bonne volonté maladroite envenime au lieu d’arranger les conflits ? Nous nous débrouillons souvent mieux avec des étrangers, ou des personnes qui nous sont indifférentes qu’avec ceux qui nous tiennent à cœur et que nous aimons. Nos affections ne nous rendent ni lucides, ni habiles, ni objectifs. Oui, chacun peut se retrouver, se reconnaitre dans ce père. Il est lamentable et surtout pitoyable (…) Quand on voit dans le Père non pas l’image de Dieu,  mais l’image de ce que nous sommes et de ce que nous vivons que nous apporte-t-elle ? »[1]

 

3)          quel sens pour nous ici aujourd'hui  : dans notre monde et notre temps, la vie individuelle n’est pas un chemin linéaire, mais une succession d’évènements diachroniques qui impose des crises et des ruptures ravageuses ou constructives. Et  chacun, chacune de nous est en première ligne ! Si le père est l’image de ce que nous sommes ou pourrions être, quel enseignement édifiant nous offre notre lecture. Et il en est de même avec les fils.

Avec le fils cadet, nous apprenons que donner ne suffit pas. Si la parole ne vient pas accompagner le geste pour en faire une offre de soi, alors le cadeau sera dilapidé comme un don sans grande valeur, juste une valeur marchande pour obtenir l’apparence d’un plaisir éphémère et solitaire.

Avec le fils ainé, nous apprenons qu’il ne sert à rien de parler, si en même temps, on ne donne rien, si on se réserve et s’économise, si on ne se livre pas.

Et contrairement aux deux paraboles précédentes, celle-ci n’a pas de chute. Redonnons la parole à André Gounelle : « elle reste en suspens, le récit s’interrompt, mais ne se termine pas. Pas d’issue possible si Dieu n’intervient pas par une effraction qui brisera le cercle infernal. Cette parabole nous fait saisir la nécessite d’une nouvelle naissance. Deux fois le père dit de son cadet : il était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé. Constat assez triste. A quoi cela sert-il de revenir à la vie antérieure, de retrouver ce que l’on possédait et que l’on avait perdu ? On rétablit ou on restaure la situation ancienne qui ne mène à rien. Chacun continuera à s’enfermer en lui-même et tout le monde sera malheureux. Ce qu’il faut c’est l’émergence d’une vie nouvelle, autre, celle du Royaume. Ce surgissement, les récits de Noël le suggèrent, ceux de Pâques l’annoncent, avec la résurrection qui fait jaillir la vie du royaume d’un tombeau, ceux de Pentecôte l’indiquent, avec la mise en route de la parole entravée. Seule, l’arrivée de l’Evangile, d’une bonne nouveauté, viendra débloquer la situation de ce Père avec ses deux fils ainsi que notre histoire personnelle ou collective. »[2]

 

Conclusion : Ecrirons-nous dans nos vies la suite de l’histoire ? Dietrich Bonhoeffer aurait pu le faire avec ces mots qui seront notre conclusion : « Le premier service qu’on  doit au prochain est de l’écouter. De même que l’amour de Dieu par l’écoute de sa Parole, ainsi, le commencement de l’amour pour le frère consiste à apprendre à l’écouter… Les chrétiens croient souvent devoir toujours « offrir » quelque chose à l’autre lorsqu’ils se trouvent avec lui ; et ils pensent que c’est leur unique devoir. Ils oublient qu’écouter peut être un service bien plus grand que parler… Qui ne sait pas écouter son frère, bientôt ne saura même plus écouter Dieu ; même en face de Dieu, ce sera toujours lui qui parlera. Nous devons écouter avec les oreilles de Dieu, afin de pouvoir nous adresser aux autres avec sa parole ».[3] amen.

 

 

 



[3] Dietrich Bonhoeffer « De la vie communautaire »

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 22:00

3 MARS 2013

NARBONNE

LUC 13, 1 - 9

 

Introduction : Les journaux et les magazines qui font feu de tout évènement bien scandaleux ou sanglant pourraient imprimer notre texte et avec quelques photos et des commentaires appropriés booster leur vente jusqu’au sommet ; vous imaginez : une attaque dans l’enceinte sacrée du temple et du sang humain partout, un mur qui s’effondre et tue des tas de passants, et un  propriétaire impitoyable face à un grand cœur qui joue les médiateurs… Et menaces de mort à l’appui ! Quel rédacteur en chef ne rêve d’évènements de ce type ? Vite, vite, des paparazzi pour filmer avant que le sang ne sèche !

Qui aurait cru que l’on pourrait introduire un texte de Luc ainsi ? si les thèmes du pardon des péchés et de la conversion parcourent toute l’œuvre de Luc, ils sont le plus souvent vécus et annoncés par Jésus et ses disciples comme une libération : ils ne sont que très rarement articulés à la menace d’un jugement. C’est donc la particularité de notre passage que de mettre dans  la bouche de Jésus un appel à la conversion qui prenne autant appui sur la menace d’un horizon de mort"[1].  Qu’en ferons-nous ?

L’enjeu théologique, me semble-t-il,  se joue, ici, dans le choc entre l’expérience du mal et l’attente de Dieu. Les évènements dramatiques qui emportent tant de vies sont-ils le reflet de l’intervention de Dieu ? Que répond Jésus à cette question ? Et comment accueillons-nous, nous, sa réponse ? Malédiction ou bonne nouvelle ?

Je vous propose d’aborder en premier, le texte dans son contexte, puis la réaction de Jésus face aux évènements racontés ; enfin, trouverons-nous un motif d’espérance dans notre lecture ?

1)Le texte et le contexte : d’abord,  le texte et son contexte. Qui a dit : « autres temps, autres mœurs » ? si cela est vrai, alors notre lecture est l’exception qui confirme la règle. Un massacre dans un lieu sacré, un immeuble qui s’écroule… cela pourrait être de nos jours. La différence c’est avant tout la façon dont les contemporains de Jésus vivent ces évènements. Réactions violentes contre les autorités qui tentent par tous les moyens de faire rentrer dans le rang ces juifs arrogants qui refusent d’adorer l’empereur ; réaction superstitieuse quand une tour s’écroule sur 18 passants. On pensait alors que les malheurs et la maladie étaient l’effet visible d’un péché caché : celui de la victime ou celui de quelqu’un de sa famille. C’est d’ailleurs implicite dans la bouche de Jésus : « croyez-vous que ces galiléens ou ces habitants de Jérusalem étaient plus pécheurs que les autres ? » Notons au passage que le texte dit simplement que des personnes étaient venues raconter les évènements ; mais les arrière-pensées étaient si fortes qu’elles en devenaient audibles pour Jésus, d’où sa réponse. Robert Philipoussi, pasteur, fait dire à Jésus  : « votre théologie de la rétribution divine, elle court à travers la Bible et à travers de beaucoup de vos superstitions. Mais elle s’arrête aussi au livre de Job qui la remet en question. Ce discours sur Dieu n’a pas de sens. Comme n’ont pas beaucoup de sens non plus les pulsions meurtrières de Pilate ; ou ces catastrophes naturelles ou accidentelles, comme la Tour de Siloé qui s’écroule sur 18 personnes. Les défauts du terrain sur lequel elle était construite n’ont rien à voir avec ce que j’ai envie de vous dire, porte-parole du malheur, qui interrompez mon chemin en prenant la mine faussement naïve de celui qui parle sans intention.[2]» Et Jésus détourne son attention de ces évènements tragiques pour lela tourner vers les vivants qui l’entourent. Il ne cherche pas à expliquer ce qui n’a aucun sens. Il parle d’autre chose. Il ne s’arrête pas aux épiphénomènes mais touche directement au plus fondamental qui concerne chacun de nous : et toi, dans ce monde, où se situe ta vie ?  Quel en est le sens ? Et comment la conduis-tu ? « je vous le dis, si vous ne vous repentez pas, vous périrez tous également ». Il ose une parole choc qui se trouve en complet décalage avec l’attitude habituelle et le sens commun. Au lieu de poser la responsabilité de Dieu ou des autres, il pose la nôtre en questionnant toute notre existence[3]. C’en est fini avec lui de notre petit confort tranquille de spectateur. Il nous veut acteur.

 

2)  malédiction ou bonne nouvelle ? Confronté à la mort, il voit la vie et laissant les morts tombés sous les coups de Pilate ou les pierres de la tour, il se tourne vers les vivants. Et son exhortation en devient source de vie, quoique… « si vous ne vous repentez pas… » Quoi ? serait-ce  là une espèce de chantage ? la conversion ou la mort ? N’est-ce pas ainsi que nous pourrions entendre ce « si » ? une espèce de doigt accusateur épistolaire, deux petites lettres qui en un bien petit mot pourraient envelopper notre vie de ténébreuses menaces. « Si » vous ne vous repentez pas… Un ultimatum ! alors ce sera la malédiction ? mais où est donc la bonne nouvelle ?

Je crois qu’elle est dans l’épisode du figuier.

Elle semble posée là comme un cheveu sur la soupe. Elle peut, pourtant, non pas atténuer les dures paroles de Jésus, mais en exprimer la consolation sous-jacente. Le figuier, tout seul au milieu d’une vigne, est stérile. A quoi sert-il ? Trois ans déjà, et pas une figue à savourer… un bon à rien… c’est bien l’avis du maître qui voit, de plus, un danger : il est non seulement infécond mais ne se nourrit-il pas pour rien des nutriments nécessaires à la vigne la mettant en danger elle aussi d’improductivité ? Le maître tranche : arrachez-le et qu’on n’en  parle plus. Le maitre est dans son droit. L’inutile n’a pas sa place dans sa propriété. Où irions-nous si les lopins que nous travaillons restaient vides de toute récolte ? hein ? Le figuier n’a que ce qu’il mérite et certainement, nombreux sont ceux qui donnent raison au maitre. C’était sans compter avec le vigneron. Renversement typique des paraboles. Le serviteur prend la parole et avec vigueur, demande un délai pour le figuier infertile. Il  décide de prendre lui-même les choses en main. Puisque le figuier ne peut rien faire seul, alors, il va mettre la main à la pâte : je creuserai, je mettrai du fumier… le fatalisme des interlocuteurs précédents de Jésus est oublié. il refuse que les choses ne puissent changer, que l’inacceptable de la vie devienne du définitif, que l’apparente mort n’ait en elle un embryon de vie. Il intercède pour un délai au cours duquel tout pourrait changer.

 

3)  une bonne nouvelle pour moi : N’est-ce ainsi que Jésus vit à nos côtés ? Comme ce vigneron intercédant pour nous dans nos endormissements, dans nos petites morts quotidiennes ? Rien n’est jamais définitif quand le regard amoureux du Christ se pose sur notre humanité. Comme le vigneron, il refuse de couper ce qui, aujourd’hui, semble infertile et inutile. Il voit le bourgeon qui demain pointera sur la branche.

Il m’arrive souvent d’oublier de me regarder dans ce regard là. Je deviens alors le maitre qui ne voit pas plus loin que le bout des minutes présentes, ou le raconteur de catastrophe accusatrice de mes incapacités. Oui, l’épisode du figuier est une magnifique bonne nouvelle. Mathieu Busch, dans Lire et dire offre ce commentaire : « le mal et la violence dont les humains sont les acteurs et les victimes constituent le symptôme d’une situation générale désastreuse qui logiquement doit amener à la fatalité d’un « trop tard ». Jésus refuse la logique de la rétribution car, si celle-ci devait vraiment s’appliquer,  le jugement qui condamne et dissout le monde entier aurait déjà eu lieu : le propriétaire du figuier l’aurait déjà coupé. La situation de crise concerne tout le monde, maintenant, et non simplement les Galiléens et les 18 habitants de Siloë : comme le figuier stérile, nous ne sommes pas porteurs du projet de Dieu pour la Création. En appelant à la conversion, Jésus se présente donc avant tout comme celui qui ouvre une espérance au sein du monde. Face à la fatalité d’un Dieu exerçant une justice juste mais implacable, face à un propriétaire en droit d’abattre son figuier, Jésus représente la voix d’un Dieu appelant envers et contre tout à la Vie. »[4]

 

Conclusion : Le malheur frappe. L’homme s’interroge. Pourquoi ? « Jésus ne répond pas à notre question. Il refuse de lier le mal à la culpabilité d’une part et d’autre part, il reconnait que notre monde est dangereux. En face du mal, il nous exhorte à ne pas rester des spectateurs qui espèrent qu’ils seront épargnés, mais nous devons nous convertir, entrer dans la dynamique de la foi et du royaume de Dieu. Non pas pour nous protéger nous-mêmes, mais pour devenir témoins de l’appel de Dieu et de sa justice. »[5] Laissons Michel Bouttier conclure : « L’homme a la menuiserie dans le sang. Il voudrait d’instinct ajuster faute et souffrance. Quel soulagement si elles coulissaient l’une sur l’autre : nous possèderions enfin la clef de notre destin et la mort serait devenue raisonnable. Heureusement, le Dieu vivant nous a empêchés à tout jamais de visser le couvercle péché sur la boite souffrance, malgré les efforts toujours recommencés. La logique de malheur, voilà l’implacable asphyxie. L’agonie d’un bébé, la mort de l’innocent sont là, qui grippent définitivement le système. Nous espérions être quittes, et  il n’y a pas de réponse. Nous n’échapperons  pas à la question : c’est à la fois notre angoisse et notre respiration. C’est la liberté. »[6] Amen.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Lire et dire page 26

[2] France culture 15/3/1998

[3] Lire et dire

[4] Lire et dire page 30

[5] L’aujourd’hui de l’Evangile page 430

[6] L’aujourd’hui de l’Evangile page 429 Michel Bouttier

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